Police municipale 11/09/2024 Oberdorff Photo d'illustration de la police municipale à Grenoble. - Sipa Press

Sécurité

Devant le doublement du nombre de tentatives d’homicide entre 2016 et 2023, le patron du syndicat de défense des policiers municipaux, Cédric Michel, plaide pour un changement de doctrine sécuritaire

L'Opinion - 11 septembre 2024 - Par Antoine Oberdorff

Les faits - Malgré la mort d’un agent de propreté tué par balles à Grenoble, dimanche 8 septembre, le maire écologiste Eric Piolle refuse toujours d’armer ses policiers municipaux d’armes à feu. « Ce serait les exposer à des missions qui ne sont pas les leurs et à des risques supplémentaires », s’est-il justifié sur BFMTV, au lendemain du drame.

Cédric Michel est président national du syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM).

Comprenez-vous les réticences qu’ont certains maires, dont Eric Piolle, à doter leur police municipale d’armes létales ?

Aujourd’hui, Eric Piolle se dit désemparé face à un niveau de « violence inouïe » dans sa ville. Très bien, j’entends, mais il a refusé de s’engager dans une politique de sécurité. Par le passé, il parlait de « sentiment d’insécurité ». Désormais, il fait le constat d’une insécurité qui, dit-il, « le terrifie », mais il persévère dans l’erreur en ne voulant toujours pas armer ses forces de police municipale. A Lyon et Marseille, des maires ont fait le choix du pragmatisme en laissant armer leur police municipale.

Eric Piolle fait le choix délibéré de ne pas utiliser tous les moyens à sa disposition pour prévenir la montée de l’insécurité. On peut s’interroger sur sa part de responsabilité dans l’explosion de la délinquance à Grenoble, qui a entraîné ce drame. Ce n’est pas une « balle perdue », encore moins « un accident », qui a provoqué la mort de Lilian Dejan. C’est un homicide volontaire, un meurtre. On ne tire pas sur un individu avec un calibre de 9 millimètres par erreur.

N’y a-t-il pas eu une part d’instrumentalisation dans cette affaire ?

Il ne doit plus être question de savoir si c’est à l’Etat ou au maire d’assurer la sécurité. Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice, car personne ne peut s’habituer à voir un agent municipal tué pour avoir fait acte de civisme. L’argument qui consiste à refuser d’armer les policiers municipaux pour ne pas les mettre en danger ne tient pas deux minutes. Si un citoyen ordinaire est pris pour cible parce qu’il arrive en premier sur le lieu d’un accident de la route, alors imaginez-vous un policier en uniforme.

On dresse le constat de la prolifération des armes à feu dans le milieu de la criminalité organisée, mais on continue d’empêcher les policiers municipaux de pouvoir sauver des vies en situation de légitime défense. Sans armes létales, comment voulez-vous qu’un policier municipal agisse ? Qu’il s’interpose avec son stylo et un carnet de contravention ? Refuser d’armer la police municipale face aux kalachnikovs des délinquants, c’est purement criminel.

Etes-vous sûr qu’armer la police municipale serait gage de tranquillité publique ?

On ne peut pas nier qu’il y a un ensauvagement de la société française. Les tentatives d’homicide ont quasiment doublé entre 2016 et 2023, selon le ministère de l’Intérieur. La part du nombre de fusillades liées au trafic de drogue est en augmentation. Eric Piolle nous dit qu’il veut éviter une « escalade meurtrière ». Mais il vit sur une autre planète ! La délinquance n’a pas attendu que les policiers municipaux soient armés pour se doter de kalachnikovs et d’armes de poing. Aujourd’hui, 65 % des policiers municipaux sont armés en France. Parce qu’ils sont constamment sur la voie publique, les policiers municipaux sont primo-intervenants. Déjà en 2020, lors de l’attaque terroriste sur la basilique Notre-Dame de Nice, trois policiers municipaux s’étaient trouvés en première ligne pour neutraliser l’assaillant qui venait de faire trois morts à l’arme blanche. Il y a encore trois semaines, à Angoulême, des policiers municipaux ont fait usage de leurs pistolets sur un homme qui voulait incendier la mairie. Les pistolets à impulsion électrique, les gazeuses et les matraques ne suffisent plus.

Il a aussi été reproché à Eric Piolle de ne pas mettre le paquet sur la vidéosurveillance alors que 118 caméras sont installées à Grenoble. Faut-il amplifier l’effort ?

La vidéoprotection est utile à double titre. D’abord, pour lutter contre la « délinquance directe », c’est-à-dire envoyer un équipage en temps réel lorsqu’une infraction est constatée pour interpeller l’auteur des faits et préserver la vie des victimes. Ensuite, de manière indirecte, pour remonter la piste des délinquants et transmettre des informations utiles aux services de la justice.

Mais les policiers municipaux sont-ils préparés pour ce type d’interventions ?

Sait-on le degré de professionnalisation qui nous est demandé ? Les conditions de recrutement, puis l’exigence de la formation suivie par les policiers municipaux n’ont cessé d’augmenter avec des assermentations, un double agrément, des tests psychotechniques, etc. Tout au long de leur carrière, ils suivent des mises à jour théoriques et pratiques.

Bien entendu, les policiers municipaux travaillent avec des officiers de police judiciaire, qu’il s’agisse de collègues de la police nationale ou de gendarmes. Mais la lutte contre le trafic de drogue, cela part du policier municipal qui interpelle en flagrant délit un dealeur avec quelques grammes de shit jusqu’aux têtes de réseaux qui font l’objet d’un travail approfondi des brigades de recherche.

La présence de la police municipale permet d’éviter que s’installent des zones de non-droit. Là où des policiers municipaux patrouillent en étant armés, sur des spots sensibles, au pied des barres d’immeuble, les trafiquants ne font pas la loi. Dès que les policiers municipaux se retirent de ces endroits, c’est une guerre pour le contrôle des territoires qui débute.