Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe. © Anthony Quittot

Politique

En rupture avec la ligne de son parti, le ministre délégué à l’Europe Benjamin Haddad annonce son soutien à Rachida Dati pour conquérir Paris. Il défend une alliance entre Renaissance et Les Républicains et plaide pour une stratégie d’unité face aux extrêmes.

Le JDD - 2 novembre 2025 - Propos recueillis par Lara Tchekov et Antonin André

 

Le JDD. Renaissance soutient Pierre-Yves Bournazel, le candidat Horizons à la mairie de Paris. Vous soutenez Rachida Dati, candidate investie par LR. Pourquoi ne pas avoir suivi la ligne officielle de votre parti ?

Benjamin Haddad. Les Parisiens veulent l’alternance. Ils souhaitent une rupture avec la politique menée par la majorité d’Anne Hidalgo, dont Emmanuel Grégoire a été le premier adjoint. La mieux placée pour créer, dès le premier tour, une dynamique suffisamment large pour nous faire gagner, c’est Rachida Dati. Elle a l’expérience de Paris, elle a l’énergie, c’est une femme forte, libre, indépendante, issue des LR mais qui est aussi ministre du socle commun, avec laquelle je travaille depuis un an, et loyale au chef de l’État. C’est pour cela que j’ai choisi de poursuivre cette campagne avec Rachida Dati, avec de nombreux élus et militants parisiens comme Sylvain Maillard ou Delphine Bürkli.

Quand on appartient à un parti, la discipline veut qu’on se range derrière son choix. Allez-vous vous mettre en congé de Renaissance ?

Je suis membre de Renaissance et vais le demeurer, même si je suis en désaccord avec un choix politique qui, à mon sens, risque de diviser la dynamique que nous pouvons créer. Par ailleurs, sans porter de jugement personnel sur le candidat retenu par Renaissance, il est étonnant pour notre famille politique d’investir à Paris un candidat ayant appelé à plusieurs reprises à la démission du chef de l’État.

Pensez-vous qu’une alliance entre Renaissance et LR soit souhaitable aux municipales ? Et au-delà, à la présidentielle ?

Je l’ai toujours défendue. Nous avons tout intérêt à travailler avec Les Républicains comme nous le faisons au sein du socle commun. C’est une question de cohérence à la fois philosophique et stratégique.

Que ce soit Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau ou Édouard Philippe, faudra-t-il forcément soutenir l’un d’entre eux ?

La priorité, c’est d’abord de travailler jusqu’à la dernière minute de ce mandat au service des Français. Baisse historique du chômage, retour des investissements étrangers, réarmement : on peut être fier du bilan des dernières années, il faut continuer. Et pour la suite, oui, la division serait mortifère à l’heure où l’extrême droite et l’extrême gauche n’ont jamais été aussi fortes. L’idée d’une grande primaire portée par certains de mes collègues me paraît, à ce titre, une bonne idée.

L’Assemblée nationale va débattre de la contribution française au budget européen. Le RN, et certaines voix LR, demandent de la réduire. Quelle est votre réponse ?

Ne pas payer la contribution française, c’est un « Frexit » non assumé. Le RN et LFI devraient expliquer leur position à nos agriculteurs, qui perçoivent chaque année un peu plus de 9 milliards d’euros grâce à la politique agricole commune (PAC), à nos étudiants qui bénéficient d’Erasmus, à nos entreprises et à nos régions qui touchent des fonds européens ou exportent sur le marché européen. Les régions ont touché 1,3 milliard d’euros rien que l’année dernière. Depuis 2021, 34,2 milliards d’euros nous ont été versés pour le plan de relance. La France est par ailleurs le premier pays bénéficiaire de la PAC, mais aussi des investissements de la Banque européenne, avec 12,6 milliards d’euros en 2024. Mais soyons clairs : cette contribution n’est en rien un chèque en blanc. C’est un levier pour mettre la pression sur la Commission et défendre nos intérêts afin que l’argent du contribuable européen soit utilisé efficacement pour renforcer notre souveraineté. Cela passe par exemple par le soutien à notre industrie de défense avec les 150 milliards d’euros du programme « Safe », dont la France est le troisième bénéficiaire, ou par le soutien à la filière de l’acier européen face à la concurrence déloyale de la Chine. Dans un monde toujours plus menaçant, nous sommes plus forts à 27. Le Brexit l’a démontré : le Royaume-Uni n’est ni plus fort ni plus influent, et il ne maîtrise pas mieux son immigration depuis qu’il est sorti de l’Union. Son PIB a reculé de 15 % par rapport à celui des Européens. Je ne veux pas de cela pour la France.

« Nous avons tout intérêt à travailler avec les Républicains »

Le 20 décembre, Ursula von der Leyen se rend au Brésil pour célébrer l’accord du Mercosur. Est-ce à dire que les clauses de sauvegarde sont une garantie suffisante ? 

Notre boussole est la défense de nos agriculteurs face à la concurrence déloyale. La Commission a proposé, sous la pression de la France, une clause de sauvegarde renforcée. Nous sommes en train d’évaluer si elle permettra de protéger efficacement les filières agricoles des perturbations de marché. Nous voulons que cette clause soit adoptée et reconnue par les pays du Mercosur avant toute signature de l’accord. Le deuxième point essentiel, et sur lequel nous voulons un résultat rapide, c’est la nécessité d’avoir une série de clauses miroirs pour que les mêmes normes soient appliquées aux produits européens et aux produits importés. Enfin, il faut que la Commission renforce ses mesures de contrôle, notamment par la mise en place d’une force européenne de contrôle sanitaire, pour s’assurer que les biens non européens respectent nos règles. C’est à l’aune de ces différents éléments, une fois que le paquet final nous aura été soumis par la Commission, que nous serons en mesure de nous prononcer définitivement sur cet accord.