Edouard Philippe - samu social
Photo postée sur Twitter par Édouard Philippe, qui a tenu à faire savoir que l'hébergement des SDF était un problème « vachement compliqué ». © DR

Société Civile

Le Premier ministre a accompagné une équipe du 115 dans la soirée de lundi. L'occasion de dire que le problème de l'hébergement est « vachement compliqué ».

 

Le Point.Fr ( avec AFP) - 9 février 2018

« T'es le Premier ministre ? N'importe quoi ! Fais voir ta carte ! » Édouard Philippe a participé lundi soir à une inhabituelle maraude avec le Samu social à Paris alors qu'une vague de froid s'abat sur la France. Boulevard de l'Hôpital, dans le 13e arrondissement. Au coin d'une rue, deux SDF mal en point sont installés sur une bouche d'aération, deux compagnons d'infortune debout à leurs côtés. Ils pestent contre « la neige, le froid, la flotte » qui tombe depuis le matin sur les trottoirs de la capitale. L'équipe du Samu social, vêtements beiges et chasubles bleues, est accompagnée d'un petit aréopage : Édouard Philippe, le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, une poignée de conseillers et d'officiers en civil.

Le dialogue tourne un peu court avec les deux SDF allongés, passablement ivres, la voix rauque et épuisée. « Mais vous, Monsieur, vous êtes qui ? » s'impatiente alors Patrice, debout avec un manteau rouge. « Je suis le Premier ministre », répond Édouard Philippe. « Non ! Je ne vous crois pas... Montrez-moi votre carte ! T'es Premier ministre ? N'importe quoi ! », lance-t-il, incrédule. Patrice raconte sa galère, l'hôtel à deux pas où il loge qui lui coûte « 700 euros, avec (s) es 800 euros de pension », la banque qui refuse sa carte d'identité « alors qu'elles ont toutes été prolongées de cinq ans », la rue qui le guette. L'équipe du Samu social essaie, elle, de convaincre les deux SDF ivres de ne pas passer la nuit dehors sur leur matelas de fortune : « On les connaît. L'un des deux, quatre fois sur cinq, il accepte. »

 

 

« C'est vachement compliqué »

Ce soir encore, malgré l'activation du plan grand froid en Île-de-France, on a dû refuser du monde au 115, comme l'a constaté le Premier ministre un peu plus tôt au central téléphonique du Samu social à Ivry-sur-Seine. « À la fois on manque de places et on manque de sorties. On a un dispositif qui est complètement saturé et dont les gens ne sortent pas », résume Éric Pliez, le président du Samu social.

S'il continue à créer des places d'urgence face aux forts besoins, l'exécutif cherche à établir une politique de moyen terme, notamment en créant 50 000 places dans le logement social et dans des pensions de famille pour réduire le recours, massif et coûteux, aux hôtels. « Il faut essayer de trouver des solutions qui ne soient pas simplement d'urgence », déclare à l'AFP le Premier ministre, tout en reconnaissant que, « même quand on met les moyens, ça reste très compliqué de trouver des solutions efficaces et durables ». « Les seuls qui pensent que c'est simple, ce sont ceux qui n'y connaissent rien parce que tous les gens dont c'est le métier savent que c'est vachement compliqué », souligne-t-il en marchant dans la nuit parisienne.

Un peu plus bas sur le boulevard, près de la gare d'Austerlitz, le chemin des ministres croise celui de quelques SDF vivant sous des tentes igloos, principalement des Roumains. L'échange durera une quinzaine de minutes, en comité restreint. « Ils nous ont carrément dit qu'ils étaient contents », rapporte, à son tour, incrédule, Jacques Mézard. « Le jeune avec qui j'ai discuté, il a bac + 2, il a des diplômes d'électricité, mais il ne veut pas repartir en Roumanie, il veut rester là », ajoute-t-il. « Y compris en dormant sous la tente », complète Édouard Philippe. « Ils veulent du logement, mais du logement d'urgence, ça ne les intéresse pas, même quand il fait froid », poursuit-il.

Polémique

Les deux membres du gouvernement ont terminé leur soirée dans une halte de nuit pour familles dans le 6e arrondissement. Ces nouveaux centres d'accueil d'urgence doivent faire office de « premier pas vers une solution plus durable », explique Vera Vinagre, la coordinatrice. Derrière elle, Édouard Philippe salue les mères et prend les petits enfants dans ses bras. Une famille africaine vient d'arriver en France, l'autre fuit un mari violent... Loin des ors de Matignon, le Premier ministre explique : « On n'est pas nés de la dernière pluie, donc on sait qu'il ne faut pas être prisonniers. C'est important à intervalles réguliers de voir, de rencontrer, d'échanger et puis d'apprendre. »

En fin d'année dernière, une polémique avait opposé l'exécutif aux associations qui rappelaient à Emmanuel Macron sa promesse faite à l'été : « D'ici la fin de l'année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois », avait déclaré le président de la République le 27 juillet. Volant au secours de Macron, Jean-Christophe Castaner avait fait particulièrement réagir le Secours catholique. « Vous savez, à l'heure où je vous parle, il y a encore des places d'accueil disponibles en Île-de-France et dans les grandes villes », avait déclaré le patron de LREM, ajoutant : « Ensuite, il y a des femmes et des hommes qui refusent aussi, dans le cadre de maraudes, d'être logés. » La réplique du secrétaire général du Secours catholique, Bernard Thibaud, avait été cinglante : « Deux heures de maraude et une heure au 115 suffiront, Monsieur Castaner, pour prendre la mesure de l'indécence de votre affirmation. Merci de ne pas ajouter à la souffrance des personnes sans abri une propagande niant leur combat quotidien pour rechercher un hébergement pérenne. »