«Notre offre politique doit en finir avec la social-démocratie étatiste qui gouverne la France depuis quarante ans», estime David Lisnard. François Bouchon / Le Figaro
«Notre offre politique doit en finir avec la social-démocratie étatiste qui gouverne la France depuis quarante ans», estime David Lisnard. François Bouchon / Le Figaro

Le maire de Cannes, président de Nouvelle Énergie, invite Les Républicains à rompre avec 40 ans de social-démocratie étatiste et veut combattre la nouvelle gauche anticapitaliste.

Le Figaro - 27 avril 2022 - Par Emmanuel Galiero

LE FIGARO. - La présidentielle 2022 a-t-elle tué la droite?

David LISNARD. - Cette élection a vu la lourde défaite d’une droite dont le pays a besoin. L’expression d’une droite classique mais du XXIe siècle, fidèle à ses principes mais tournée vers l’avenir, n’a pas pu être audible. La succession des crises et la guerre en Ukraine ont mis le débat en apnée. Emmanuel Macron n’a pas voulu ces crises, mais il a été très habile. Il en a fait une gestion des urgences qui a favorisé sa candidature et attiré un électorat légitimiste. Les offres émotionnelles des partis extrémistes et les postures communicationnelles telles que les affectionne le chef de l’État se sont imposées face à notre incapacité à porter une espérance et un projet lisible.

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La candidature de Valérie Pécresse est-elle en cause?

Ses qualités évidentes, qui sont des qualités de compétence, n’ont pas réussi à exister. Sans exonérer la droite de ses responsabilités, il faut aussi rappeler la réalité d’une atonie civique, mais cet échec renvoie à une question centrale: la droite a-t-elle encore une singularité, une utilité et une capacité politique? Sans cela, nous n’existerons plus. Nous avons une utilité pour le pays et notre démocratie, qui ne peut pas se cantonner à un choix entre le conformisme social-démocrate plus ou moins habile d’Emmanuel Macron et les offres illibérales. Cette dichotomie n’est pas souhaitable parce qu’elle se traduit toujours par une posture morale, comme on l’a vu au second tour en constatant une dépolitisation.

Mais qu’est-ce qui vous permet de croire que cette droite est utile?

La réalité de l’état de la France, qui va éclater au cours des prochains mois. Les bombes à retardement occultées pendant cette campagne (budgétaires, économiques, sociales, identitaires, sécuritaires et civiques) vont exploser. Face à cette réalité qui reviendra au galop, il faudra une alternative claire et raisonnable, puis reconstruire une démocratie apaisée et mature. Jusqu’à présent, les réponses ont toujours été celles d’un État surendetté. Or, la prochaine étape de l’inflation sera la hausse des taux d’intérêt. Et cette menace n’est pas virtuelle.

Si l’on reste dans cette atonie civique, la prochaine fois les extrêmes pourraient l’emporter et ce ne seront peut-être pas celles que l’on croit

David Lisnard

Quand vous parlez de réalité, pensez-vous aussi au bilan du quinquennat?

Oui. Il n’y a pas eu de débat sur le sujet ni de confrontation de projets. Si l’on reste dans cette atonie civique, la prochaine fois les extrêmes pourraient l’emporter et ce ne seront peut-être pas celles que l’on croit, car les forces illibérales ne sont pas seulement à l’extrême droite. Le risque est de se retrouver face à des problèmes de frustration, voire de violence de la part de personnes qui auront le sentiment d’avoir été trompées, auxquelles on aura fait croire que l’argent public pouvait couler à flots. Un danger m’est apparu manifeste quand j’ai vu les deux candidats finalistes aller chercher le mélenchonisme. La gauche est en train de se recomposer autour d’un axe très radical.

C’est dangereux, car le leader de La France insoumise, qui a du talent, est entouré d’une jeune génération séduite par sa dynamique. Mais, face à l’étatisme et à l’anticapitalisme de cette nouvelle gauche mélenchoniste, nous devons être capables de proposer une nouvelle droite, celle de la liberté et d’un capitalisme populaire. Face au wokisme et au racialisme, nous devons affirmer une fierté culturelle et une ambition éducative. Face au laxisme sécuritaire et à la déconstruction régalienne, la droite doit opposer la défense d’un ordre juste. Nous devons non seulement nous démarquer face à l’offre du second tour de la présidentielle en incarnant l’universalisme républicain, mais aussi combattre ces dynamiques dangereuses qui ont émergé à l’occasion du scrutin présidentiel. J’en suis absolument convaincu.

Les Républicains ont adopté des motions et une charte très claire en vue des législatives. Peuvent-ils réussir après un échec à 4,78 %?

Ce qui est décidé va dans le bon sens. Cette nouvelle offre que nous devrons porter passera par plusieurs étapes, et la première sera le combat des législatives avec une clarté qui est non seulement possible mais nécessaire pour la démocratie. C’est tout l’enjeu pour la droite, car nous devons absolument, avec méthode et patience, travailler en prise sur le pays pour refonder une alternative claire et raisonnable. Cela passe évidemment par une approche indépendante basée sur un héritage politique (démocratie chrétienne, gaullisme, libéralisme…) qu’il faudra moderniser. Ce que nous devrons définir, c’est la raison d’être de la droite.

Alors que Mélenchon est en progression, jusqu’à prétendre aller à Matignon, nous devons être la première force d’opposition à cette extrême gauche, contrairement à l’ambiguïté d’Emmanuel Macron

David Lisnard

Quelle est cette raison d’être?

Proposer une force d’alternative pour une prospérité écologique et sociale dans une France où l’ordre public est respecté et l’unité de la nation affirmée. C’est ça le substrat d’une droite moderne que nous devrons bâtir avec une organisation et des personnalités nouvelles.

En quoi ce corpus est-il différent du projet porté par la droite à la présidentielle?

L’ambition ne doit pas être la différence mais la pertinence. Jusqu’à maintenant, nous proposions une somme de mesures mal identifiées. Nous devons porter ce que nous sommes en défendant notre vocation à offrir une alternative comme un service apporté au pays. Car il ne suffira pas de nous positionner face à Zemmour, Le Pen ou Macron. Alors que Mélenchon est en progression, jusqu’à prétendre aller à Matignon, nous devons être la première force d’opposition à cette extrême gauche, contrairement à l’ambiguïté d’Emmanuel Macron.

Vous posez les «finalités humaines» comme le point de départ de la réflexion sur la droite. De quoi s’agit-il?

Il est indispensable de revoir entièrement l’organisation de nos pouvoirs publics. La France est l’un des pays les plus bureaucratisés, détentrice du record de la dépense publique, des prélèvements obligatoires, et surendettée, avec 8 points de fonctionnaires affectés à des tâches administratives en plus par rapport à la moyenne européenne. Nous souffrons d’une inflation normative qui, par exemple, a fait passer notre code de l’environnement de 100.000 à 1 million de mots en dix ans! C’est pour cela que la finalité des choses nous échappe et qu’il faut rompre ce nœud gordien de l’organisation des pouvoirs publics, comme le disait Pompidou. Nous devons être la force politique de la performance publique au service de l’humain. Pour relever ce défi, nous avons déjà un atout: notre ancrage local. Je crois à la subsidiarité tout en étant très attaché à un État fort. Il sera indispensable d’avoir ce débat.

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Comment la droite peut-elle s’emparer efficacement de la méthode que vous proposez?

Notre offre politique doit en finir avec la social-démocratie étatiste qui gouverne la France depuis quarante ans. Pour tourner cette page et porter ce projet, il faudra trouver un leadership, une incarnation. La question se posera après les législatives.

Que répondez-vous à ceux qui disent, comme Nicolas Sarkozy, que la survie de la droite passe par le rassemblement derrière Emmanuel Macron, au nom de l’ampleur des défis à relever?

Ce débat est légitime, mais je ne partage pas cette approche. D’un point de vue tactique, quand vous rassemblez 4,78 % des scrutins, vous êtes trop faible pour négocier. Si vous le faites, vous disparaissez immédiatement. Il y a déjà neuf formations dans la Macronie, devenir la dixième sous la forme d’un sous-Agir ou d’un sous-Horizons n’a aucun sens. Choisir une telle option peut servir des intérêts personnels mais pas collectifs. Ensuite, sur le plan stratégique, il y a une question de fond. Moi, je crois que la droite a autre chose à proposer au pays, sans aucun rapport avec les ambiguïtés d’un macronisme marqué par la grandiloquence des mots et l’impuissance des actes. Il est dans l’intérêt du pays de défendre les ambitions d’une droite intelligente et raisonnable dans laquelle tous les Français pourront se reconnaître. La droite peut redonner sa grandeur à la liberté et à l’initiative individuelle. Nous devrons être le parti de tous ceux qui veulent maîtriser leur destin. Nous y parviendrons si nous arrivons à porter un projet de prospérité apaisée, car récompensant le mérite.