Mathieu Laine © Jullette Valtiendas

Politique

LR doit saisir la main tendue par le président de la République, plaide le chroniqueur au Figaro. L’intérêt supérieur du pays le réclame et il doit l’emporter sur toutes les considérations secondaires, argumente l’auteur.

FigaroVox - 01 juillet 2022 - Par Mathieu Laine

Bien sûr vous eûtes des orages. Cinq ans de désamour, c’est l’aigreur folle. Mille fois vous dûtes plier bagage, mille fois il prit son envol. Mais, amis de droite, quand on n’a, comme disait Brel, «que l’amour» de la France, on n’a tout simplement pas le droit de refuser de rentrer en négociation avec le président de la République. Car vous avez, «dans vos mains», le pouvoir d’imposer dès maintenant nombre de vos vues.

Exposons clairement la situation: par l’effet d’un scrutin vous ayant rendu à la fois minoritaires et incontournables à l’Assemblée, vous pouvez aujourd’hui orienter le gouvernail de la France sur des sujets aussi importants que la sécurité, l’école, la retraite, le fiscal et le budgétaire.

Comment? En découvrant ce que cette situation inédite impose: une culture de coalition. En négociant à l’allemande, fût-ce pendant des jours ou des semaines, la garantie d’une majorité stable contre un plan d’action précis et ambitieux permettant au pays de mettre dès à présent le cap à droite.

Pour le moment, vous avez refusé cette discussion offerte par le président. Vous qui ne cessez de dire que la maison brûle, vous avez soudainement une opportunité de peser sur des choix fondamentaux, et vous regardez ailleurs?

Soyons clairs. Nous ne vous demandons pas, avec une très large majorité d’électeurs actuels ou historiques du centre et de la droite républicaine, d’être une «béquille» et encore moins un cautère sur une jambe de bois. Non.

Entrer en négociation avec Emmanuel Macron pour tenter de bâtir une plateforme et une équipe commune, est-ce trahir vos électeurs ? Non, puisqu’il s’agirait de mettre en œuvre de manière innovante des mesures concrètes dont vous n’avez jamais cessé de plaider l’urgence

Votre pouvoir est, par l’effet des circonstances, trop grand et le rejet des manœuvres politiciennes condamne à raison toute entente ne visant qu’à satisfaire des ambitions personnelles. En cela vous avez évidemment raison. Luc Ferry l’a très justement dit de son côté.

Nous sommes nombreux, en revanche, à vous demander d’être collectivement à la hauteur de vos discours et de vos prétentions pour le pays et les Français.

Entrer en négociation avec Emmanuel Macron pour tenter de bâtir une plateforme et une équipe commune, est-ce trahir vos électeurs? Non, puisqu’il s’agirait de mettre en œuvre de manière innovante des mesures concrètes dont vous n’avez jamais cessé de plaider l’urgence.

Pourquoi ce refus d’obstacle?

Est-ce un risque d’image? Non, car si, au terme des tentatives de transactions, vous n’obtenez pas gain de cause, vous pourrez en toute bonne foi claquer la porte et vous indigner en conséquence. Mais vous n’auriez ainsi pas perdu la chance de faire ce pour quoi vous vous êtes engagés en politique.

Alors, pourquoi ce refus d’obstacle? Parce que des militants surchauffés considéreraient que rien que parler au président serait péché? Ceux-là ne sont, et vous le savez, pas raisonnables. Il ne tient qu’à vous d’exposer clairement la nouveauté et l’ambition sincère d’une telle démarche.

Parce que vous avez peur d’une dissolution dans deux ans? Est-ce là votre conception du courage et de l’engagement? Votre sens supérieur de la Nation?

Le pays est à droite. Les choses sont claires, désormais, à qui refusait de le voir. Les législatives sont d’ailleurs venues sanctionner une stratégie que je n’ai, avec d’autres, cessée de contester consistant, au lendemain du premier tour de la présidentielle, à considérer à tort le vote du centre et de la droite acquis au macronisme, ouvrant la possibilité de lancer des signaux à gauche voire à l’extrême gauche. Je pensais tout l’inverse. Dans un monde devenu si fragmenté, il fallait parier sur la constance, la stabilité, et éviter ces «en même temps» transformant des additions en soustractions.

Cette erreur tactique lourdement sanctionnée jusqu’à l’échec de ses inspirateurs, Ferrand et Castaner, qui auraient paradoxalement été réélus si le président avait conservé le cap au centre droit, offre à la droite de gouvernement la possibilité d’influencer l’action du pays comme jamais depuis le quinquennat Sarkozy.

Mais que faites-vous? Vous vous contenteriez, par peur, par aigreur ou par supposée tactique, d’une simple opposition de circonstance, jouant ainsi «petit bras», au cas par cas, ricanant des difficultés et pariant sur le pourrissement pour l’emporter en 2027?

Ne vous leurrez pas. Faire perdre cinq ans à la France en refusant de mettre dès aujourd’hui, alors que vous en avez le pouvoir, un terme à l’instabilité congénitale de ce quinquennat et en permettant au pays de prendre des mesures d’ampleur correspondant à vos valeurs offrira l’Élysée non à vous mais au RN.

Auriez-vous oublié la sagesse populaire? «Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.» Même ceux qui veulent devenir président en 2027 devraient venir. Les présidents élus ne sont-ils pas, souvent, des anciens ministres ou premiers ministres s’étant ensuite émancipé?

Amis de droite, je vous en conjure, ne manquez pas ce rendez-vous de l’histoire et ne devenez pas, par un manquement tragique, les complices d’un mandat fragilisé, également, par votre erreur. Il n’est pas trop tard pour essayer. Le président y est prêt. Une majorité du pays aussi.