David Lisnard. Gregoire Elodie/Gregoire Elodie/ABACA

Société

Face à l’insécurité grandissante et protéiforme qui sévit tous les jours en France, le président (LR) de l’Association des maires de France insiste sur l’urgence d’agir.

Le Figaro - 20 juillet 2022 - Par David Lisnard

Si de nouvelles dispositions pénales doivent être adoptées, l’exécution et le suivi rigoureux des sanctions sont, selon lui, la priorité. Seul le retour de l’efficacité régalienne est susceptible d’établir un ordre juste, argumente-t-il.

Multiplication des attaques au couteau, rixes répétitives avec armes blanches, atteintes à l’intégrité physique des personnes, vols avec violence, coups en pleine rue pour dérober une montre ou simplement par pure sauvagerie, rodéos urbains, violences sur les femmes, cambriolages avec brutalités, loi par la terreur des dealers, harcèlement et agressions d’adolescents, agressions de maires, agressions de policiers et de gendarmes, etc.

La réalité est là et elle ne doit surtout pas être banalisée.

Or, hormis quelques «buzz» émotionnels, les phénomènes d’insécurité et d’incivisme sont édulcorés dans le champ médiatique alors qu’ils sont croissants et altèrent gravement la vie quotidienne de beaucoup d’entre nous.

Il ne s’agit pas de surréagir à chaque fait divers, comme cela peut être le cas dans le flux de l’actu continue, mais de saisir la gravité de la délinquance pour ses victimes et les Français les plus exposés, de comprendre sa réalité statistique et vécue, d’avoir conscience de l’aggravation de la situation.

Ces faits se multiplient, ils ne sont ni une invention fantasmée, ni une perception biaisée, ni une instrumentalisation politicienne.

Avec une augmentation de 12 % des homicides depuis 2017, de 11 % des viols et de 32 % des coups et blessures volontaires, les chiffres sont implacables

Avec une augmentation de 12 % des homicides depuis 2017, de 11 % des viols et de 32 % des coups et blessures volontaires, les chiffres sont implacables. En termes de comparaisons internationales, la balance ne penche pas en notre faveur avec 1,28 homicide pour 100.000 habitants contre 0,71 en Allemagne ou encore avec la deuxième place française parmi les pays européens pour ce qui concerne les coups et blessures volontaires, ce qui dénote ces dernières années une exacerbation de la violence dans notre pays.

L’incapacité régalienne à juguler cette insécurité, malgré le travail des forces de l’ordre et de la justice, est d’abord dramatique pour beaucoup de Français. Elle est ensuite destructrice pour la société. En y ajoutant la grandiloquence récurrente des discours martiaux des dirigeants politiques proportionnelle à l’impuissance des actes face aux délinquants, couplée à l’intransigeance de l’État à l’égard de la moindre faute des «gens biens» et autres automobilistes, il en résulte un sentiment d’injustice et parfois un ressentiment qui sont des facteurs de délitement civique et constituent des ferments de révolte. Un exemple concret permet de mesurer ce «deux poids, deux mesures» à travers le taux de recouvrement des amendes: 16 % pour les escroqueries, 25 % pour les vols, 23 % pour les stupéfiants d’après un rapport du Sénat de février 2019.

Et la situation va empirer avec les lourdes conséquences des arrêts du 12 juillet dernier de la Cour de cassation, à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui va priver les procureurs de la République de la possibilité décisive dans les enquêtes de recourir aux données de téléphonie mobile, dont les fadettes, les SMS et la géolocalisation des suspects.

Toute cette réalité est sous-estimée, même parfois niée - voire moquée dans ses dénonciations publiques par les ricaneurs de la bien-pensance - dans les propos déconnectés et conformistes de nombre de commentateurs, certains analystes, journalistes, hauts et moyens fonctionnaires, dirigeants, professeurs, soit pour des raisons idéologiques, soit parce que leur milieu les préserve dans leur quotidien de cette insécurité.

Au sommet de l’État, les circonvolutions du ministre de l’Intérieur afin de tromper l’opinion et le silence du président de la République lors des exactions commises autour du Stade de France pour la finale de la Ligue des champions en sont une manifestation parmi d’autres. Le déni est total et ne saurait être masqué par des discours de circonstance liés aux émotions médiatisées.

Cette situation est grave. Elle pourrit la vie des Français exposés aux violences, chaque jour plus nombreux, et nourrit une profonde crise civique faite d’indifférence croissante à la chose publique, d’abstention électorale et d’apathie politique, de montée des paroles démagogiques et des votes extrémistes.

Cette situation ne peut plus être occultée.

Cette situation n’est pas une fatalité.

Cette situation doit et peut être combattue dans le respect des principes de notre démocratie républicaine par des actes fermes, constants, efficaces.

Certaines dispositions pénales doivent être adoptées, telles que l’expulsion de tout délinquant récidiviste ou criminel étranger dans son pays d’origine, l’exécution réelle de courtes peines de prison pour les petits délits, et certaines mesures sont à engager réellement et tout de suite, comme la réalisation de 20.000 places de prison supplémentaires et la réorganisation administrative de la police afin d’augmenter le taux de présence sur le terrain à hauteur de 40 % comme en 2011 contre 37 % aujourd’hui.

Mais c’est surtout dans la capacité d’exécution des choses, de suivi rigoureux, d’exhaustivité méthodique dans l’application des sanctions, que notre pays parviendra à retrouver partout une plus grande sécurité et tranquillité.

Débureaucratisation et simplification administrative

D’autres mesures méritent d’être étudiées, comme celles formulées par Thibault de Montbrial, qui pourraient être de nature à améliorer l’efficacité de notre organisation de sécurité intérieure: regrouper l’ensemble des directions de la police nationale sous la responsabilité d’une seule structure, à l’instar de la gendarmerie, ouvrir le recrutement d’experts techniques, informatiques, scientifiques à des spécialistes hors concours, donner davantage de latitude à l’utilisation par nos forces de l’ordre des véhicules saisis via l’Agrasc (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués).

La débureaucratisation et la simplification administrative doivent permettre à nos forces de l’ordre d’être plus performantes, car plus agiles, plus modernes, plus adaptées aux enjeux du terrain.

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La parole politique qui accompagnera ces mesures aura vocation à restaurer la confiance des citoyens par sa clarté, son honnêteté et sa sobriété.

Parallèlement à l’ambition économique et écologique, scientifique et industrielle, éducative et culturelle que doit retrouver la France, l’efficacité régalienne établissant un ordre juste est la condition sine qua non de la dignité humaine et de l’unité la nation.

Car il n’est point de réalité républicaine sans sécurité et respect du droit.