Tribune

Candidat à la présidence de LR, le sénateur de Vendée adresse une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur contre « un nouvel appel d’air migratoire ».

Le Point - 5 novembre 2022 - Par Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat

Monsieur le Ministre, vous m'avez écrit pour me présenter votre projet de loi sur l'immigration, et je ne veux pas laisser votre courrier sans réponse tant le sujet me semble grave pour l'avenir de notre pays. Ce texte, qui intervient moins de quatre ans seulement après la loi Collomb, est en effet le révélateur de votre incapacité à juguler une immigration devenue incontrôlée. Prisonnier de « l'en même temps », vous êtes écartelé par les marchandages entre l'aile gauche et l'aide droite de votre majorité.

Bref, comme toujours en macronie, vous semblez faire, mais vous faites semblant. Vous déplorez ainsi l'accélération du rythme des entrées sur notre territoire, mais vous annoncez la création d'un titre de séjour pour les métiers en tension, tout en prévoyant la régularisation des clandestins qui travaillent en France. Autrement dit, vous allez créer un nouvel appel d'air migratoire. Car, désormais, tous les métiers sont en tension. Et je refuse cette résignation qui consiste à ne pas ramener vers l'emploi ces millions de Français au chômage faute de qualifications nécessaires et d'incitation au travail.

Vous allez légaliser l’immigration illégale, faute de parvenir à l’interdire. Quel aveu d’impuissance !

Par ailleurs, donner la possibilité pour les demandeurs d'asile de travailler avant d'obtenir leur statut de réfugié revient à leur ouvrir un deuxième guichet pour régulariser leur séjour quand bien même ils seraient déboutés au titre de l'asile. Ainsi, non seulement vous allez augmenter l'immigration légale au lieu de la diminuer, mais, pire, mais vous allez légaliser l'immigration illégale, faute de parvenir à l'interdire. Quel aveu d'impuissance ! Vous allez ainsi provoquer l'arrivée en France d'une main-d'œuvre bon marché, qui va tirer les salaires vers le bas et créer une sous-catégorie de prolétaires.

De même, vous promettez un durcissement des reconduites à la frontière, mais sans conditionner la délivrance de nos visas d'entrée ou de nos aides au développement au nombre de laissez-passer consulaires accordés par les pays du sud de la Méditerranée. Tant que vous n'engagerez pas un vrai bras de fer avec ces États, la France ne sera pas respectée. Pas un mot, d'ailleurs, sur les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ou de la Cour de justice européenne qui remettent en cause le droit même de la France à se défendre, par exemple en nous obligeant à faire revenir les femmes djihadistes parties faire le djihad en Syrie. Votre projet est donc à la fois insuffisant et inquiétant, car vous n'opérez ni la révolution des moyens ni la révolution des mentalités, qui s'imposent pourtant pour ramener la sérénité et la sécurité nécessaires dans notre pays fracturé.

S'agissant de la révolution des moyens, elle exigerait de changer en profondeur notre législation sur l'immigration pour envoyer enfin un vrai signal de fermeté. Nous devons inscrire dans nos lois que tout individu entré illégalement sur le sol français ne sera jamais régularisé, qu'il travaille ou non, et que les clandestins ne pourront plus bénéficier d'aides sociales ni de soins gratuits, en dehors d'une aide médicale d'urgence. Le délit de séjour illégal, supprimé sous la présidence de François Hollande, doit donc être rétabli ; tout comme la double peine, supprimée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy : les étrangers ayant commis un crime ou un délit doivent être expulsés à l'issue de leur peine ou transférés pour l'exécuter dans leur pays d'origine, comme nous le permet déjà notre droit. Par ailleurs, les critères de ressources et de logement pour l'immigration familiale doivent être restreints et les prestations sociales non contributives, versées seulement aux étrangers présents légalement sur le territoire national depuis cinq ans. Enfin, une réforme constitutionnelle doit être engagée pour permettre à la France, s'agissant de sa politique d'immigration ou de sécurité, de décider par elle-même et pour elle-même en imposant ses décisions souveraines aux décisions jurisprudentielles, par la voix du référendum ou celle du législateur lorsque nos intérêts vitaux sont en jeu.

Non, Monsieur le Ministre, l’immigration n’est pas une chance, ni pour la France ni pour les immigrés

Quant à la révolution des mentalités, elle devrait s'imposer par un changement radical du logiciel que nous impose la gauche depuis quarante ans. Non, Monsieur le Ministre, l'immigration n'est pas une chance, ni pour la France ni pour les immigrés. La France qui n'a pas les moyens d'assimiler correctement des populations qu'elle accueille mal ; et des immigrés qui basculent trop souvent dans la violence, la drogue ou le communautarisme islamiste, quand ils ne sont pas les victimes de passeurs sans scrupule.

Je terminerai en relevant la première phrase de votre courrier : « La France est un vieux pays d'immigration. » Car cette formule, qui ne veut rien dire en soi, en dit beaucoup sur vous et sur votre conversion au petit catéchisme de la gauche diversitaire que vous dénonciez hier et que vous récitez aujourd'hui. Affirmer que la France est un vieux pays d'immigration, ce qui est d'ailleurs discuté par des historiens et des démographes, c'est passer à côté de l'essentiel : ce qui fait la singularité de la France, ce qui a fait sa force, c'est qu'elle a été un grand pays d'assimilation, et non pas la terre d'un multiculturalisme qui n'a jamais été notre modèle. Assimiler à la culture française et à la civilisation européenne qui est la nôtre, c'est précisément ce que nous n'arrivons plus à faire, compte tenu de l'ampleur des flux migratoires et de l'affaissement de nos cadres communs qui nous tenaient ensemble ; et c'est précisément pourquoi il faut réduire l'immigration, sauf à renoncer à notre modèle français.