« Je pars sans amertume personnelle et je n’ai aucun contentieux avec ceux qui candidatent à la présidence: tous sont des amis», affirme Jean-Luc Moudenc, le maire LR de Toulouse./ ® DDM Xavier de Fenoyl

Politique

L’élu de la quatrième ville de France dénonce le «recroquevillement» et la «droitisation» des Républicains.

Le Figaro - 7 novembre 2022 - Par Marion Mourgue

LE FIGARO - Les candidats à la présidence de LR sont connus, pour qui voterez-vous?

Jean-Luc MOUDENC. - Je ne vais pas voter, j’ai décidé de me retirer des Républicains. C’est une réflexion ancienne chez moi, mais ce scrutin me donne l’occasion de la concrétiser. Je le fais sans polémique, après avoir été un adhérent fidèle aussi longtemps que cela m’a été possible. J’ai prévenu Annie Genevard et Aurélien Pradié, en sa qualité de leader régional, ce week-end, puis les responsables LR locaux.

Que dénoncez-vous, les candidats ou la ligne des Républicains?

Qu’il soit bien entendu que je pars sans amertume personnelle et que je n’ai aucun contentieux avec ceux qui candidatent à la présidence: tous sont des amis. J’ai de l’estime pour Éric Ciotti et sa fermeté républicaine face à l’insécurité endémique et à l’impuissance de l’État à maîtriser les excès de l’immigration. J’ai de la considération pour Bruno Retailleau et la qualité de sa réflexion, en particulier pour faire vivre les valeurs et traditions qui structurent la place de la personne humaine dans la société. J’ai de l’affection pour Aurélien Pradié, que j’ai vu grandir dans la vie politique, et dont l’intuition sociale est indispensable pour que nous retrouvions nos racines populaires au service des plus modestes. Je considère que chacun détient une part de vérité, mais qu’aucun ne fédère suffisamment. Tous ont en commun de vouloir que les Républicains restent seuls, sans conclure d’alliance. Je considère que cette stratégie de l’isolement ne mène à rien. Et je remarque que, dans leurs déclarations, les trois candidats ne veulent ancrer le mouvement qu’à droite. Quel que soit le futur président des Républicains, le centre est donc abandonné. C’était pourtant l’ambition de l’UMP, puis des Républicains, de rassembler dans un grand parti l’ensemble des sensibilités de la droite et du centre. En tant que centriste démocrate-chrétien et européen, je ne peux que déplorer cette évolution et l’abandon de toute référence centriste.

Y a-t-il encore un avenir pour LR?

LR est dans une impasse, c’est une évolution qui ne date pas d’aujourd’hui. On est arrivés à la fin de l’histoire. J’avais déjà exprimé mes réserves en 2017, quand Laurent Wauquiez a été élu président du parti. Nous n’avons pas su gérer l’après-2012, l’après-Nicolas Sarkozy. Depuis, le parti s’est recroquevillé sur un positionnement très droitier. J’observe que cela a eu deux conséquences: cela a poussé beaucoup d’électeurs de centre droit à rejoindre le camp macroniste et cela n’a nullement empêché la dynamique du vote d’extrême droite. Cette stratégie de droitisation de LR, souvent présentée comme un gage d’efficacité pour reconquérir les électeurs partis chez Éric Zemmour ou Marine Le Pen, a montré au contraire son inefficacité, tant aux élections européennes qu’à la présidentielle, pour laquelle il serait erroné et très confortable de considérer que seule Valérie Pécresse en porte la responsabilité. Or, ce mouvement de recroquevillement politique et sociologique est bien plus ancien. Et, aujourd’hui, on comprend que, quelle que soit l’identité du prochain président de LR, la désignation du candidat LR à l’élection présidentielle de 2027 est déjà faite. L’option exclusivement droitière, qui déséquilibre notre famille politique, n’en sera que renforcée. Ce sera la suite de ce que l’on connaît depuis quelques années, avec un virage toujours plus à droite et, de fait, la renonciation à se donner les moyens de rassembler les Français. Je crains que les défaites nationales que nous vivons depuis dix ans ne se répètent.

En tant que centriste démocrate-chrétien et européen, je ne peux que déplorer cette évolution et l’abandon de toute référence centriste

Jean-Luc Moudenc

Qu’entendez-vous par là?

Je déplore que Les Républicains aient abandonné, outre le centre, l’électorat urbain, en concentrant uniquement leur discours sur la ruralité et les petites villes. C’est très bien de porter attention à ces territoires-là, mais ce n’est pas suffisant. Il est important de parler également aux millions d’urbains habitants nos grandes villes et métropoles! Ce choix de l’étroitesse sociologique s’ajoutant à celui de l’étroitesse politique est malheureux sur le plan électoral. S’amputer de manière durable d’une partie de l’électorat, c’est se priver de perspectives de victoires pour l’avenir. Il faut donc reconstruire une autre offre politique.

Faut-il, comme le préconise Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé, travailler avec Emmanuel Macron?

Il n’y a que trois possibilités pour LR. Que Les Républicains restent seuls, c’est le discours actuel, on en voit le résultat. Qu’ils optent pour l’union des droites. C’est un positionnement qu’aujourd’hui aucun candidat à la présidence de LR ne revendique fort heureusement, car je le désapprouve. Enfin, une alliance avec le camp présidentiel, en considérant qu’il faut faire passer les intérêts de la France avant toute considération partisane. Nous devons dialoguer avec la majorité, sinon on assistera à un blocage permanent de nos institutions, à coups de 49-3, de foire d’empoigne permanente, voire de dissolution de l’Assemblée. Je pense que nos électeurs, majoritairement, attendent autre chose et que seuls les extrêmes sortiraient renforcés d’une dissolution. Mais, pour dialoguer, encore faut-il être deux. Emmanuel Macron doit être prêt à un véritable dialogue pour bâtir une trajectoire politique en commun. Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies.

On observe pourtant une droitisation de la société. LR n’est-il pas le lieu pour y répondre?

Oui, incontestablement, la société se droitise. Et pas en France uniquement. Mais je constate que la rencontre ne se fait plus entre les Républicains et la société.

Vous êtes proche d’Édouard Philippe, rejoignez-vous son parti, Horizons?

Rejoindre Horizons ce serait rejoindre la majorité présidentielle. Je préfère garder ma liberté et rester fidèle à mes convictions. Je deviens indépendant. Plus que jamais, mon parti, c’est Toulouse. C’est une position personnelle, et mes adjoints LR sont bien entendu libres de rester à LR. Sans doute la configuration politique ne pourra-t-elle évoluer qu’à la prochaine présidentielle, car c’est cette élection qui permet de redistribuer les cartes. Édouard Philippe a un potentiel considérable. Il jouit de l’estime de beaucoup de nos concitoyens. À lui de cheminer, de démontrer sa capacité à recomposer un espace politique rassemblant la droite et le centre, aujourd’hui éclatés. S’il réussit, alors il sera président de la République.