Jean-Luc Mélenchon (ici, lors d’une marche de protestation à Paris, le 16 octobre) fait face à la défiance de jeunes Insoumis particulièrement déterminés. Xose Bouzas / Hans Lucas via Reuters Connect

Politique

Alors que des jeunes militants Insoumis s’opposent au retour du député du Nord, Jean-Luc Mélenchon, affaibli, peine à convaincre ses partenaires de la Nupes de participer à sa marche de janvier.

Le Figaro - 21 décembre 2022 - Par Sophie de Ravinel

Les mots sont durs et la défiance réelle. Ce 20 décembre, comme une vingtaine de groupes de jeunes Insoumis avant eux, les jeunes de Montpellier se sont vivement opposés à la réintégration d’Adrien Quatennens à l’Assemblée. Dans un communiqué, ils se disent «en profond désaccord avec la décision nationale du mouvement» et menacent de «se mettre en retrait de (leurs) activités pour une durée indéterminée». Pour eux, la participation du député du Nord au mouvement n’est plus possible, «à court comme à long terme». Ce dernier a écopé, le 13 décembre, d’une condamnation à 4 mois de prison avec sursis pour «violences sans incapacité commises par conjoint». Malgré cela, et malgré une volonté du groupe parlementaire de l’exclure durant quatre mois, Quatennens a annoncé son retour «vraisemblablement en janvier» à l’Assemblée. Mais la grogne monte. Les Montpelliérains avancent «un devoir d’exemplarité» en matière de violences sexuelles et sexistes et soulignent que leur militantisme «n’est pas flexible et ne le sera jamais». De quoi accroître les tensions internes au mouvement après les critiques au vitriol de la stratégie du noyau dirigeant prononcées ces derniers jours par les députés Clémentine Autain, Alexis Corbière, François Ruffin…

Ailleurs en France, d’autres jeunes sont d’ores et déjà «en grève militante». À Montpellier pourtant, ils constituaient une «fan base» de Mélenchon. «On les connaît. Ils sont du genre à arriver trois heures en avance à une réunion publique pour obtenir un selfie avec lui», ironise un militant local plus aguerri. C’est là, le 15 septembre, au lendemain des révélations du Canard enchaîné sur la plainte de son ex-épouse, qu’Adrien Quatennens devait se rendre pour un meeting sur la «vie chère» organisé par une jeune députée locale, Nathalie Oziol, particulièrement fidèle à la ligne officielle du mouvement. Une venue annulée en dernière minute.

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L’alerte sonne au sommet de La France insoumise alors que les jeunes sont censés être la force motrice de la marche du 21 janvier contre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Un nouveau coup dur pour Jean-Luc Mélenchon. Déjà ses partenaires de la Nupes lui ont dit leur désaccord sur l’annonce unilatérale d’une date pour une marche des politiques, indépendante des syndicats. «Nous ne sommes pas d’accord sur leur mot d’ordre qui n’est pas centré sur les seules retraites et nous n’approuvons pas leur façon de faire», prévient la numéro deux du PS, Corinne Narassiguin. «Ils braquent nos partenaires avec leurs méthodes», dénonce de son côté la nouvelle secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier. Elle prévoit avec EELV de «manifester derrière les syndicats, à la date qu’ils décideront eux.»

«Capacité de riposte»

Côté Insoumis, la députée Raquel Garrido (Seine-Saint-Denis) veut apaiser ces tensions. «Les marches seront complémentaires et il n’y en aura pas assez de deux pour faire reculer le gouvernement.» Mais elle convient que le retour d’Adrien Quatennens à l’Assemblée début janvier, à l’heure où l’exécutif présentera le projet de loi est tout sauf une bonne idée. Elle prévient: «S’il revient, tout sera concentré sur lui. Ce sera saboter notre capacité de riposte contre le projet retraites.»

Dans le groupe LFI aussi, la grogne monte. Les yeux sont tournés vers l’entourage de Jean-Luc Mélenchon, dont les députés Manuel Bompard et Sophia Chikirou. Chargée de la communication des Insoumis, très proche du triple candidat à la présidentielle, c’est elle qui, par le biais de l’avocate d’Adrien Quatennens, a tenu les ficelles de l’interview accordée le 14 décembre par le député à BFMTV. C’est déjà elle qui envoyait la veille les éléments de langage de défense de Quatennens, sur une boucle dédiée à la propagande. On pouvait y lire six points dont celui-ci: «Ce n’est pas un homme violent mais un homme pris dans un divorce difficile.» Ou bien encore: «Il doit pouvoir revenir car il faut une graduation dans les sanctions.» Ce n’est plus aussi certain. Et si les députés devaient bloquer son retour, Jean-Luc Mélenchon, en minorité, serait en plus grande difficulté…