Retraites

Au terme de leur retraite, les "baby-boomers" auront reçu un montant total de pensions deux fois supérieur à la somme de leurs cotisations. Ce phénomène s'explique par la démographie et un effet structurel lié à la mise en place du système par répartition.

 France Info - 20 janvier 2023 - Par

Quang Pham - Pauline Lecouvé , France Télévisions

En plein débat sur la réforme des retraites, la question de l'équité du système par répartition refait surface. Le régime actuel se base principalement sur la solidarité entre les générations: les actifs cotisent pour celles et ceux actuellement à la retraite. Mais dans cette logique, toutes les générations sont-elles logées à la même enseigne? Pour l'économiste Maxime Sbaihi, la réponse est non.

Ce dernier prend comme exemple la génération du "baby-boom", née dans les années 1950-1960 et déjà partie à la retraite. "La première vague des boomers touche aujourd'hui deux fois (!) ce qu'elle a cotisé pendant sa vie active. Les générations suivantes ne peuvent qu'en rêver", s'insurge l'auteur du Grand Vieillissement sur Twitter. Dit-il vrai ou "fake"?


Pour appuyer ses propos, Maxime Sbaihi publie un graphique qui reprend une statistique d'un article publié en 2016 par http://francestrategie1727.fr/wp-content/uploads/2016/02/contribution-jeunesse-melete.pdf">France stratégie (PDF, page 5), organisme chargé de la prospective et rattaché aux services de Matignon. Il montre le taux de récupération du régime de retraite par générations, à savoir le "rapport entre les pensions perçues" et "le montant des contributions versées", explique l'économiste. Sur la base de cet indicateur, on constate que les retraités nés en 1960 bénéficient bien d'un taux de récupération de 200%. 

"Il peut y avoir une confusion quand on dit 'aujourd'hui'. Il ne faut pas croire que les retraités touchent aujourd'hui une pension égale à deux fois le montant de leurs cotisations", met toutefois en garde l'économiste Lionel Ragot, coauteur de l'article sur lequel s'appuie Maxime Sbaihi. "Le taux de récupération, c'est la somme des pensions que vous allez recevoir pendant toute la durée de votre retraite, divisée par la somme de tout ce que vous avez versé comme cotisation retraite pendant toute la durée de votre vie active", précise l'économiste.

En d'autres termes, un "baby-boomer" aura perçu un montant total de pensions deux fois supérieur à la somme de ses cotisations à l'issue de sa retraite. Toujours selon le graphique cité par Maxime Sbaihi, un actif né dans les années 2000 bénéficiera, lui, d'un taux de récupération d'environ 120%, nettement inférieur à celui de ses aînés. 

Un effet démographique lié au système par répartition

Mais pourquoi ce taux est-il de plus en plus faible au fil des années? "A l'époque où les 'boomers' étaient actifs, les cotisations étaient basses, car il y avait très peu de retraités, analyse Maxime Sbaihi, interrogé par franceinfo. Jusqu'en 1982, la retraite était à 65 ans et les retraités ne vivaient pas longtemps. Il y avait cinq cotisants pour un retraité. C'était quasiment indolore pour les actifs. Aujourd'hui, la situation s'est inversée. Il y a plus de retraités, qui partent plus tôt à la retraite et vivent plus longtemps".

Selon le https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2022-12/RA_COR2022%20def.pdf">dernier rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (PDF, page 70), paru en septembre 2022, on ne comptabilise plus désormais qu'environ 1,7 cotisant par retraité. Pour Maxime Sbaihi, la baisse observée du taux de récupération montre que "plus vous avancez dans le temps, moins le système est généreux avec les générations nouvelles". "Si le système était égalitaire pour toutes les générations, la courbe serait plate", pointe-t-il.

Lionel Ragot partage ce constat. Toutefois, à ses yeux, les retraités nés dans les années 1950-1960 ont beaucoup bénéficié du système de retraite à cause d'abord d'un effet structurel lié à la mise en place d'un nouveau système. "Le régime de retraite n'était pas encore monté en puissance pendant leur vie active. Cette génération, une fois arrivée à la retraite, a bénéficié de l'arrivée à pleine puissance du système. Mais ce n'est pas de leur responsabilité. On observe ça pour chaque création d'un nouveau régime."

"La justice intergénérationnelle ne fonctionne pas"

"La génération actuelle de retraités a des conditions que leurs parents n'ont pas connues et que leurs enfants ne connaîtront pas, déplore néanmoins Maxime Sbaihi. Leurs enfants vont devoir payer plus de cotisations pour payer la retraite de leurs parents, et travailler plus longtemps pour des retraites plus basses, car il y aura moins de monde pour les financer. La justice intergénérationnelle ne fonctionne pas", fustige-t-il.

Ainsi, d'après l'étude publiée par France stratégie, le taux de contribution, à savoir le montant des contributions payées pour le financement des retraites par rapport aux revenus perçus durant la vie active, est d'environ 18% pour les générations nées en 1950. Pour les actifs nés dans les années 2000, ce taux s'élève à peu près 27%. Ainsi, la générationZ cotise, relativement à ses revenus, 50% de plus que son aînée "baby-boomeuse".  

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Maxime Sbaihi est partisan d'une mise à contribution des retraités les plus aisés pour alléger la charge sur les actifs. "Il ne faut pas que le prix soit uniquement payé par les jeunes, ce serait immoral."

"Il faut mettre à contribution les 18 millions de retraités qui n'ont pas assez cotisé. Par exemple, on peut laisser les plus hautes retraites se dévaluer, en ne les réévaluant pas au niveau de l'inflation."

Maxime Sbaihi, économiste

à franceinfo

"Le taux de CSG, qui est plus bas pour les retraités que pour les actifs, peut aussi être augmenté", propose encore l'économiste. Cependant, cette inégalité générationnelle face au taux de récupération ne devrait pas durer, assure Lionel Ragot. "A partir de la génération née autour de 1975, on est sur un régime constant, avec un taux de récupération autour de 120%. Notre modèle ne prévoit pas qu'il passe en dessous des 100%. Après, tout dépend des réformes qui seront prévues."

Ces analyses ont toutefois un angle mort. Elles se basent sur des moyennes qui cachent des situations très disparates au sein d'une même classe d'âge, notamment des différences dues à la classe sociale. A 62 ans, 25% des 5% des hommes les plus pauvres sont déjà décédés. Ces personnes, aux revenus par définition très modestes, ont payé des cotisations durant leur vie active, mais ne pourront jamais profiter d'une retraite.