Économie
L’Opinion a passé au crible les mesures les plus absurdes et contreproductives des programmes des trois blocs. Celles qui manquent la cible visée par leurs promoteurs eux-mêmes et risquent d’avoir des effets collatéraux désastreux
L'Opinion - 28 juin 2024 - Par Sarah Spitz, Marie-Amélie Lombard-Latune, Muriel Motte, Irène Inchauspé, Marc Vignaud et Emmanuelle Ducros
La campagne d’avant le premier tour des élections législatives se termine. Plus que jamais, elle aura été marquée par des programmes difficilement compatibles avec la réalité budgétaire de la France. Fin 2023, le trou entre les recettes et les dépenses publiques atteint 154 milliards d’euros, ou 5,5 % du PIB, un montant qui fait mécaniquement augmenter la dette publique par rapport au PIB. Laquelle frôle déjà 110 % contre moins de 100 % en 2019. Chaque fois que la France traverse une crise, l’endettement franchit un nouveau cap, sans jamais rebaisser vraiment ensuite. Ce n’est jamais le moment de redresser les finances : ni quand ça ne va pas, ni quand l’économie repart.
Le Nouveau Font populaire nous gratifie pourtant d’un programme économique hors sol de 150 milliards de dépenses et 150 milliards (hypothétiques) de hausses d’impôts concentrées sur les riches. Quant au RN, il n’a cessé de repousser ou atténuer ses promesses les plus coûteuses, pour tente de rassurer ceux qui financent la dette française et les milieux patronaux, sans pour autant expliquer comment il comptait faire prospérer le pays. Les macronistes, eux, n’ont jamais été vraiment capables de dire comment ils comptaient infléchir une ligne qui, malgré quelques succès économiques indéniables, est sévèrement jugée par les Français.
L’Opinion a passé au crible les mesures les plus contreproductives des programmes des différents blocs. Celles qui manquent la cible visée par leurs promoteurs eux-mêmes et risquent d’avoir des effets collatéraux désastreux.
1 - Une baisse de TVA sur l’électricité alors que les prix vont baisser tout seuls…
C’est l’exemple typique de la fausse bonne idée. Sitôt arrivé au pouvoir, le Rassemblement national promet une baisse de la TVA de 20 % à 5,5 % sur le gaz, les carburants, le fioul domestique et l’électricité. Une mesure prise au nom du pouvoir d’achat qui va coûter 12 milliards d’euros aux finances publiques selon le RN et jusqu’à 17 milliards selon la majorité sortante.
Outre que cet argent ira subventionner les exportateurs de pétrole et de gaz à l’étranger et va à l’encontre de l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, il va bien falloir le récupérer ailleurs, puisque le parti de Jordan Bardella s’engage à ne pas creuser le déficit public. Pour l’instant, le RN n’a pas expliqué où il allait trouver les sommes nécessaires à partir de 2025.
Pour l’électricité, la baisse de TVA, qui pourrait coûter jusqu’à 4,5 milliards, serait totalement à contretemps. La simple application des règles de calcul du prix réglementé va réduire la facture des Français dès février 2025. L’année 2022, qui avait vu les prix de marché s’envoler, sera en effet exclue de la formule. Même en cas de remontée des taxes sur l’électricité au niveau d’avant-crise, la baisse atteindra encore 15 %.
C’est pour cela que Gabriel Attal s’est engagé à ce que les prix de l’électricité chutent dans cette proportion l’année prochaine. La négociation sur les règles européennes de fixation des prix de l’électricité par le RN n’a donc rien à voir dans cette affaire. Un dispositif temporaire et ciblé sur ceux qui ont du mal à assumer leur facture aurait été bien plus efficace.
2 - Une augmentation du smic qui devrait détruire les emplois des moins qualifiés
C’est une mesure phare du Nouveau Front populaire (NFP). En cas de victoire, le salaire minimum augmenterait de 1 398 euros à 1 600 euros, soit un bond de plus de 14 %. Selon les calculs d’Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), et peu soupçonnable d’être hostile par principe à une mesure sociale, elle détruirait, à elle seule ,180 000 emplois. Surtout des emplois peu qualifiés dont le NFP prétend améliorer le sort.
L’alliance de la gauche avance que la hausse de la consommation des bénéficiaires aura un effet économique positif. C’est vrai. Eric Heyer l’a calculé, avec son modèle économétrique, à 142 000 emplois. Mais les destructions seraient supérieures. Elles atteindraient 332 000 emplois. D’où le solde négatif de 180 000 emplois au bout d’un an.
Comme les exonérations de cotisations patronales sont liées au niveau du smic, celles-ci augmenteraient en volume. Ce qui limiterait les pertes d’emplois à 50 000. Sauf que le Nouveau Front populaire n’arrête pas de dire que ces exonérations de cotisations coûtent bien trop cher à la Sécurité sociale ! On le voit donc mal les laisser enfler du fait de leur mesure. Si les exonérations étaient bloquées au niveau actuel, les destructions d’emplois approcheraient les 180 000. Sur la radio BFM Business, le directeur principal de l’OFCE, Xavier Timbeau, a qualifié cette mesure de « folie ».
3 - Des départs anticipés pour les métiers non pénibles
« Si je deviens Premier ministre, je souhaite que ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans – parce que j’estime que ce sont ceux qui ont les métiers difficiles – puissent partir, dès l’automne, avec un temps de cotisation de quarante annuités et un âge légal de 60 ans ». Voilà comment Jordan Bardella a justifié la première mesure qu’il prendra sur les retraites, mercredi soir sur TF1.
Le problème, c’est que cette promesse, qui paraît frappée au coin de la justice sociale, manquerait sa cible. S’il s’était renseigné, le patron du RN aurait découvert que les « carrières longues » ne correspondent pas à l’image d’Epinal qu’il dessine. « Le lien entre l’éligibilité au dispositif et la pénibilité vécue en cours de carrière n’est […] pas aussi évident qu’il n’y paraît », prévient Patrick Aubert, chercheur à l’Institut des politiques publiques.
Dans une étude, ce spécialiste des retraites a observé que, parmi les départs anticipés à la retraite à 60 et 61 ans intervenus de 2017 à 2020 (en grande majorité des départs pour carrières longues). « Les ouvriers et employés non qualifiés sont nettement sous-représentés ». Cela paraît contre-intuitif mais s’explique par le fait que le dispositif n’est pas uniquement conditionné au fait d’avoir commencé à travailler tôt. Pour en bénéficier, il faut avoir validé une carrière complète, en étant resté en emploi de façon continue ou quasi continue jusqu’à la retraite. Cela exclut du dispositif les assurés en moins bonne santé, davantage susceptibles d’avoir connu des trous de carrière liés à la maladie ou à l’invalidité (et donc des carrières pénibles).
Par ailleurs, les retraites anticipées pour carrière longue comprennent désormais « des personnes ayant fait des études courtes, voire des études longues combinées à des jobs d’été ou des boulots étudiants ayant permis de valider le nombre requis de trimestres avant la fin de l’année des 20 ans ». Comme l’écrit Patrick Aubert, les carrières longues sont, au final, « surreprésentées » parmi les retraités avec de bons niveaux de pension, et sous-représentés parmi ceux qui ont une faible retraite.
4 - Le grand fantasme du contrôle des prix alimentaires
Bloquer les prix, les garantir, les soumettre à plancher... Pour (tenter de) répondre à l’inflation alimentaire part et aux récriminations agricoles sur les rémunérations, le contrôle des prix séduit les extrêmes.
Pour le Nouveau Front populaire, ce sera la version « prix bloqué » des produits de première nécessité. Par un curieux tête-à-queue idéologique, le NFP a choisi la solution appliquée en Hongrie par Viktor Orban, en 2023. Sucre, farine, pommes... Les prix gelés ont tourné au désastre. Agriculteurs et industriels ne voulant pas travailler à perte, ils ont cessé de produire ou ont cherché d’autres débouchés, à l’export. Eh oui ! Dans une économie ouverte, ça ne peut pas marcher. Conséquences, listées par Sylvain Bersenger, au cabinet Asteres : « Une raréfaction des produits sur le marché, un déséquilibre de l’offre par rapport à la demande. Et donc... un surcroît d’inflation. » En prime : un coup d’arrêt à l’emploi et à l’investissement dans le secteur.
Philippe Goetzmann, spécialiste de la grande distribution résume l’erreur : « On ne s’attaque pas au vrai problème, le déficit de compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire, qui découle d’un coût du travail trop élevé. »
Le RN, qui a d’abord défendu le « prix plancher », repris par Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture, puis par les Ecologistes, qui ont fait passer une disposition en ce sens à l’Assemblée en avril, a finalement opté pour une version « prix garantis » aux agriculteurs. Il reviendrait à l’Etat d’arbitrer les relations entre les acteurs économiques et de fixer le prix adéquat. Comment ? Sur quels critères ? Mystère. « Un prix plancher ou garanti se transforme aussitôt en prix plafond », alerte Dominique Chargé, président de la Coopération agricole. En voulant sauver les agriculteurs, on cape leurs revenus. Pire : on donne une prime aux importations moins-disantes, qui remplacent les productions nationales. Raté pour la « préférence nationale alimentaire », vantée par ailleurs.
5- La politique énergétique du RN qui menace la souveraineté
Renouer avec un prix français de l’électricité, déroger aux règles du marché européen qui empoisonnent les industriels et augmenter le pouvoir d’achat des ménages : sur le papier, cela semble simple. Mais la politique du RN risque de faire de son objectif de souveraineté un vœu pieux. Lundi 24 juin, Jordan Bardella a réaffirmé son credo : renforcer le nucléaire, stopper le développement de l’éolien. Concernant l’atome, il s’agit de construire 20 réacteurs, 10 entre 2033 et 2037, les 10 encore entre 2037 et 2042. Au sein de la filière à peine convalescente, on s’arrache déjà les cheveux sur l’exécution du programme Macron de 14 réacteurs supplémentaires. Dans le meilleur des cas, le premier EPR de cette nouvelle génération fonctionnera en 2037, alors 20 d’ici à 2042…
On peut peut-être prolonger la durée de vie des réacteurs actuels au-delà de soixante ans (c’est 80 ans sur certains sites américains), comme le suggère le RN. Mais ce sera au cas par cas, si l’Autorité de sûreté le permet, et cela n’augmentera pas leur puissance.
Quant au moratoire sur les éoliennes voulu par le RN, il torpille l’actuel objectif de doubler la production d’éolien terrestre à l’horizon 2035. La France n’a pourtant pas d’autre choix (avec la multiplication par cinq de l’électricité solaire) si elle veut espérer faire face à ses besoins sans recourir à des sources d’énergie très polluantes. Difficile de miser sur nos capacités hydroélectriques déjà exploitées quasiment au maximum, sachant qu’elles sont tributaires des sécheresses qui se multiplient. La chute de la production en 2022 en témoigne.
Face à cette offre contrainte, la croissance de la consommation électrique française devrait dépasser 10 TWh par an entre 2025 et 2035, compte tenu des besoins liés à la réindustrialisation, a déjà alerté RTE, le gestionnaire du réseau. Un rythme jamais vu depuis les années 1980. Pour éviter les pénuries, la France risque de n’avoir d’autre choix que de se tourner vers davantage d’importations. Il est donc urgent de ne pas se couper du marché européen de l’électricité !
6 - Un détricotage du ZAN qui menace les terres agricoles que le RN entend pourtant protéger
Le président du Rassemblement national a dans son viseur bon nombre de marqueurs de la transition écologique, dont le fameux ZAN (zéro artificialisation nette). Toujours dans une « logique de simplification », Jordan Bardella prévoit d’« alléger » le dispositif qui fixe à 2050 la date à laquelle toute artificialisation des sols devra être accompagnée de la « renaturation » d’une surface équivalente. On ne connaît pas encore les modalités de cet allégement, qui pourrait passer par un décalage dans le temps, l’objectif étant fixé à 2060 ou 2070…
Il n’est pas le seul à critiquer cette mesure, qui a déjà du plomb dans l’aile et doit être revue en 2026. Mais les réticences de Jordan Bardella à son égard sont en flagrante contradiction avec le souhait de « protéger » nos agriculteurs. Depuis la crise agricole, le RN se veut leur premier défenseur. Il souhaite notamment préserver les terres agricoles et dénonce la bétonisation.
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Mais alors pourquoi combat-il le dispositif ZAN ? Les terres touchées l’artificialisation sont majoritairement agricoles. Elles sont artificialisées à des visées d’habitat (42 %), de transport (28 %), ou d’infrastructures de services et de loisirs (16 %), comme les hideuses zones commerciales. Jordan Bardella devrait donc resserrer le calendrier d’application de la mesure plutôt que le détendre.
7- Un choc fiscal sur les plus riches censé financer la redistribution mais qui diminuera les recettes publiques
Dans le monde merveilleux du Nouveau Front populaire (NFP), il est possible d’infliger 150 milliards d’impôts en plus à une tranche très réduite de la population, les très riches. Ce choc fiscal colossal, alors que la France est déjà championne des prélèvements obligatoires, est censé financer une redistribution massive et des investissements publics.
Rien que sur les entreprises du CAC 40, certes très prospères, l’union des partis de gauche prétend pouvoir lever pas moins de 26 milliards d’impôts sur des profits qui sont, essentiellement, réalisés à l’étranger. Le risque est qu’elles délocalisent leurs sièges sociaux. D’autant que l’alliance rajoute 15 milliards sur les superprofits, au risque d’une taxation rétroactive puisque ceux-ci datent essentiellement de 2022 et 2023.
L’ISF, qui rapportait au maximum 4 milliards de plus avant sa transformation en impôt sur la seule fortune mobilière par Emmanuel Macron, est désormais censé drainer… 15 milliards d’euros. L’outil professionnel ne serait plus épargné. François Mitterrand avait pourtant renoncé à aller aussi loin, de peur de voir les entreprises françaises passer dans des mains étrangères.
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Cerise sur le gâteau, la réforme de l’impôt sur le revenu à 14 tranches. « Avec le barème […] du Nouveau Front populaire, la contribution sur les hauts revenus et la CSG-CRDS actuelles, le taux marginal d’imposition sur les salaires bruts de plus de 500 000 euros est de 97 % ; avec une CSG progressive on peut dépasser 100 % », alerte François Ecalle, ancien magistrat de la Cour de comptes, sur X.
Une disposition qui devrait être censurée par le Conseil constitutionnel. « C’est du collectivisme, s’exclame ce spécialiste des finances publiques, qui pointe également le plafonnement des héritages à 12 millions d’euros (au-delà, l’Etat prend tout). Pour le NFP, le rétablissement de « l’exit tax » empêchera les départs à l’étranger. C’est oublier qu’elle pose de multiples problèmes d’application.
Tout cela peut-il rapporter l’argent espéré ? « Dans deux livres différents, Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman écrivent eux-mêmes que les taux élevés qu’ils prônent n’ont pas vocation à augmenter les recettes, remarque l’économiste Xavier Jaravel. Au contraire, ils reconnaissent qu’elles vont baisser mais considèrent que c’est le prix à payer pour faire diminuer les inégalités. »
Dans leur livre Le triomphe de l’injustice, publié en 2021, Zucman et Saez écrivent : « Nous allons expliquer pourquoi des gouvernements démocratiques peuvent raisonnablement choisir d’appliquer aux riches des taux supérieurs à ceux qui maximisent les recettes fiscales – c’est-à-dire pourquoi détruire une partie de l’assiette fiscale peut être dans l’intérêt de la collectivité ».
8 - Lutte contre l’immigration, le contre-exemple italien
En débat face à Gabriel Attal et Manuel Bompard mardi soir, Jordan Bardella a annoncé viser 10 000 entrées légales de migrants en France, par an. Il soutient désormais une « immigration de croissance », mais le chiffre avancé semble (très) loin des besoins de l’Hexagone, dont la population vit plus longtemps tout en faisant moins d’enfants.
En Italie, elle aussi confrontée à « l’hiver démographique », l’extrême droite, au pouvoir depuis près de deux ans, a ainsi dû tenir compte des demandes du patronat. « Sous sa pression, Giorgia Meloni a été obligée d’accepter l’arrivée de 450 000 immigrés d’ici 2025 », rappelle l’historien Marc Lazar.
Pour financer le modèle social français et soutenir la croissance, il faudrait environ 3,9 millions travailleurs étrangers de plus d’ici 2050. Ce sont les estimations faites en 2021 par deux chercheurs pour le think tank américain Center for Global Development. Mais dans son programme, le RN entend réduire drastiquement l’immigration, notamment par la création d’un délit de séjour irrégulier et la suspension de toutes les régularisations de clandestins par les préfets. Un retour en arrière par rapport à la circulaire Valls de 2012 qui assouplit les conditions de régularisation des sans-papiers qui travaillent.
Les patrons défendent leur point de vue. « Les très petites entreprises ont besoin d’immigration, si vous faites partir les étrangers, vous fermez la moitié des restaurants de Paris ! Notre système de soins à domicile, par exemple, a aussi besoin de cette main-d’œuvre », prévient Michel Picon, président de l’U2P qui représente les entreprises « de proximité ». Pour le Medef, qui rejette les programmes du RN comme du NFP, former les actifs et « accueillir 100 000 chercheurs et ingénieurs étrangers » chaque année est indispensable pour relever les défis de la transition écologique, numérique ou encore de l’intelligence artificielle.
9 – Le mirage budgétaire de la chasse à la fraude sociale
Le programme du RN contient très peu de pistes pour financer ses multiples mesures de baisses d’impôts promises à court ou moyen terme. Le parti abuse de recettes hypothétiques comme celles issues de la lutte contre la fraude sociale. Le parti de Jordan Bardella s’appuie sur la Cour des comptes pour chiffrer à « 10 à 20, voire 25 milliards d’euros » la fraude aux prestations sociales ». L’institution n’a pourtant jamais livré de tels chiffres.
Selon nos informations, le Haut conseil pour le financement de la protection sociale, composé de représentants des syndicats et du patronat, s’est penché sur le sujet dans un rapport dont la sortie a été ajournée à septembre. S’il va exhorter à accentuer encore la lutte contre la fraude sociale, il devrait conclure que les sommes supplémentaires à récupérer sont relativement limitées. « En en faisant une priorité absolue et en étant très efficace, on pourrait récupérer de 1 à 2 milliards d’euros supplémentaires, prévient une source proche du dossier. C’est très inférieur aux déficits prévisionnels de la Sécurité sociale. » La poule aux œufs d’or n’existe pas.
10 – Une suppression des frais de notaire qui risque de faire augmenter les prix
Voilà une mesure bien sympathique pour le pouvoir d’achat et l’accession à la propriété. « Supprimer les frais de notaires pour les biens immobiliers inférieurs à 250 000 euros pour les jeunes de classes moyennes et populaires pour accéder à la propriété », est l’une des propositions d’« Ensemble pour la République » dévoilée par Gabriel Attal, le 15 juin 2024. Pour mémoire, c’était déjà une mesure proposée par Eric Zemmour lors de sa campagne présidentielle…
Ce qu’on appelle dans le langage courant les « frais de notaire » comporte à la fois les émoluments des notaires mais aussi, pour les trois quarts, des taxes, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
L’intention affichée par Gabriel Attal est bonne mais l’effet ne sera pas celui escompté. Selon bon nombre de professionnels du secteur, elle va plutôt se traduire par une hausse des prix des biens immobiliers. « La mesure fait courir le risque d’une augmentation des prix à due concurrence, soit 8,5 %, montant moyen des droits de mutation », a ainsi expliqué Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du management des services immobiliers.
Dans ce cas fort probable, elle ne bénéficiera donc pas aux candidats à l’achat mais aux propriétaires… En plus, les jeunes des classes populaires visés par la mesure risquent fort de ne pas être concernés du tout. Selon un simulateur en ligne, pour emprunter 250 000 euros sur vingt ans, les mensualités sont de 1 592 euros en moyenne, et le salaire net avant impôt nécessaire s’élève à 4 550 euros.
11 - Une offensive sur l’enseignement privé au risque de rallumer la guerre scolaire
Durant ses « 100 premiers jours », le Nouveau Front populaire (NFP) entend « moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale ». C’est le catéchisme classique à gauche : les sources de financement public de l’enseignement privé, facteur de « ségrégation sociale », doivent être revues. Co-auteur d’un rapport parlementaire sur le sujet en avril 2024, le député Paul Vannier (LFI) répète que « le statu quo né de la loi Savary de 1984 n’est plus tenable » et veut davantage intégrer le privé au « service public de l’éducation ».
En filigrane, apparaît la volonté de revenir sur la cohabitation des deux systèmes, public et privé, ce dernier scolarisant 2 millions d’élèves (sur 12 millions) dans 7 500 établissements. D’abord, par petites touches en contrôlant plus les fonds publics (entre 10 et 12 milliards d’euros par an au privé sous contrat), en introduisant un « malus » pour les établissements privés n’accueillant pas assez d’élèves défavorisés par rapport à la moyenne dans leur secteur géographique ou en revoyant les niches fiscales.
Un autre paragraphe interpelle dans le « contrat de législature » du NFP. Il s’agit de « refuser les financements publics pour la construction de nouveaux édifices religieux, dédiés aux activités cultuelles ou d’établissements confessionnels ».
Or, l’immobilier est un élément névralgique dans la « guerre scolaire », rallumée cet hiver par l’épisode Oudéa-Castéra. Paul Vannier confirme qu’il s’agit d’« interdire cet héritage de la loi Falloux qui permet aux collectivités de financer des opérations tels que des agrandissements ou des rénovations de bâtiments scolaires ». A 97 % tenu par l’enseignement catholique, le privé, dénoncera vite une volonté d’asphyxie d’un « système qui fonctionne pourtant mieux que le public ».
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