Budget
Michel Barnier veut ramener le déficit à 5 % en 2025 avec plus de 40 milliards d'économies sur les dépenses et moins de 20 milliards grâce à des hausses d’impôts ciblées. L’indexation des pensions sera décalée
L'Opinion - 2 octobre 2024 - Par Marc Vignaud
Les faits - Le plan du gouvernement suppose d’obtenir un délai de la part des partenaires européens de la France, pour réduire le déficit sur sept ans et non quatre. Ce qui suppose de présenter des réformes structurelles crédibles.
Michel Barnier est bien décidé à redresser vigoureusement les comptes de la France. Tel est le message qu’il veut faire passer alors que la copie budgétaire 2025 a été transmise mardi soir au Haut conseil des finances publiques qui jugera de sa crédibilité. La preuve ? L’effort de redressement devrait atteindre non pas 30 ou 40 milliards en 2025, mais… 60 milliards d’euros.
Il faut en effet ramener le déficit de 6,1 % attendu en 2024, selon les toutes dernières remontées de Bercy, à 5 %. Sauf que sans aucune mesure d’ajustement, le déficit aurait frôlé 7 % en 2025, compte tenu des mauvaises nouvelles sur les recettes enregistrées en 2024 et sur les dépenses des collectivités locales. Ce qui nécessite de diminuer le déficit de deux points de PIB pour revenir à 5 %, en tenant compte de l’augmentation tendancielle des dépenses d’année en année, liée au vieillissement de la population, notamment. « 60 milliards, c’est énorme », souligne François Ecalle, auteur du site de référence sur les finances publiques Fipeco.
Hausses d’impôts.
Les deux tiers de cet effort colossal doivent porter sur les dépenses publiques, à hauteur d’un peu plus de 40 milliards. Le reste, pour un peu moins de 20 milliards, passera par des hausses d’impôts ciblées et temporaires sur les grandes entreprises et les ménages très aisés, mais aussi sur les véhicules lourds et les modes de transports les plus polluants (a priori l’aviation).
« On ne sait pas faire 60 milliards de baisses de dépenses d’un coup sans aucun impôt. Ça n’existe pas », justifie un des pilotes de la machine budgétaire. Cet effort n’empêchera toutefois pas la dette d’augmenter à près de 115 % du PIB en 2025 tant le déficit part d’un point haut. « La vérité c’est que c’est ce qu’on aurait été obligés de faire quand bien même Gabriel Attal serait resté Premier ministre », lâche un ministre sortant, pas mécontent de voir enfin des mesures de « justice fiscale ».
Pour boucler ce projet de budget, le gouvernement table sur une croissance de 1,1 %, comme en 2024, soit un peu moins que la Banque de France, le FMI ou encore l’OCDE. Et ce, pour tenir compte de la taille de l’ajustement qui, reconnaît-on, aura forcément des effets sur l’activité économique.
Elasticité.
Afin d’éviter les mauvaises surprises sur les recettes, Bercy a encore revu à la baisse ses prévisions de rentrées fiscales. A long terme, 1 % de croissance en plus est censé faire rentrer 1 % de recettes dans les caisses publiques. Ce que les spécialistes appellent « l’élasticité des recettes à la croissance ». Après des années fastes à la sortie de la crise Covid, ce rapport s’est effondré. 1 % de croissance n’a pas généré plus que 0,4 % de recettes en plus et probablement 0,5 % en 2024. Du coup, Bercy mise, cette année, sur seulement 0,7 d’élasticité. Un chiffre révisé à la baisse. « On est en train d’essayer de remettre les choses sous contrôle pour restaurer notre crédibilité », lâche un responsable du budget. « C’est peut-être un peu pessimiste », considère François Ecalle.
Sur les économies, les efforts seront répartis entre Etat, Sécurité sociale et collectivités à hauteur de leur poids dans la dépense publique. L’Etat et ses opérateurs devront trouver plus de 20 milliards d’économies. Cela suppose d’accentuer l’effort prévu par Gabriel Attal dans les fameuses lettres plafonds sur les crédits des ministères en août.
En plus des 15 milliards déjà prévus, 5 milliards de nouvelles coupes devront être trouvées pendant le débat parlementaire, par amendements gouvernementaux. Voilà pourquoi le déficit transmis au Haut conseil des finances publiques a été fixé à 5,2 %. D’autant que certaines mesures de hausses d’impôts n’ont pas eu le temps d’être intégrées au texte avant l’examen parlementaire. Les opérateurs de l’Etat, eux, devront trouver un peu plus d’un milliard d’euros à tailler.
Dialogue.
Les collectivités locales sont priées de trouver 5 milliards d’euros d’économies. Michel Barnier a beau promettre un dialogue renouvelé avec les élus, c’est le retour d’une forme de contractualisation avec l’Etat. Non sans rappeler les « contrats de Cahors » du début du premier quinquennat Macron. Il s’agit d’inciter – voire contraindre – les collectivités à modérer leurs dépenses.
Les administrations de Sécurité sociale, quant à elles, devront baisser leurs dépenses de 15 milliards. Cela va passer par des économies sur les dépenses de santé. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie va être fixé à + 2,8 %, alors que l’inflation moyenne attendue en 2025 atteindrait 1,8 %. Soit une hausse réelle limitée à 1 %. C’est moins que ce que donne l’augmentation spontanée des dépenses de santé liées, notamment, au vieillissement de la population. Aucune mesure précise n’a été détaillée à ce stade.
Retraités.
En revanche, les retraités seront mis à contribution, avec un décalage de la revalorisation des pensions de base du 1er janvier de quelque mois, au mois de juillet. Cette mesure devrait figurer parmi les plus sensibles de la copie gouvernementale. Le RN et les Républicains, ont jusqu’ici toujours refusé de demander un effort sur les retraités, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un gel des pensions.
« Ça nous rappelle les années du hollandisme. Il avait déjà décalé des revalorisations. C’est comme pour le barème de l’impôt sur le revenu : on prend un peu les gens en traître en espérant qu’ils ne s’en rendent pas trop compte dans un contexte où l’inflation ralentit, fustige le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy. C’est un peu mesquin. On ne sent pas leur volonté d’acter la fin d’un modèle. C’est plutôt le coup de rabot un peu partout. » Ce qui ne l’empêche pas de se montrer prudent sur une éventuelle censure de son groupe pour ce seul motif.
La mesure pourrait rapporter un peu moins de 4 milliards, selon un expert des retraites. « C’est une économie ponctuelle, souligne toutefois François Ecalle. Ça n’aidera pas pour la suite. Ça repousse le problème à plus tard », explique l’ancien magistrat de la Cour des comptes.
C’est bien là tout le problème de ce budget. Beaucoup de mesures, comme les hausses d’impôts, seront ponctuelles, même si on ne sait pas combien d’année elles vont durer. Or, le déficit, lui, est bien récurrent. Pour le réduire à 3 % en 2029 comme promis, il faudra donc trouver encore plus d’économies ou de recettes fiscales l’année où les mesures exceptionnelles s’éteindront.
Le message est aussi politique. Michel Barnier s’attaque d’abord au déficit 2025. Ce qui revient à considérer qu’après lui, ce n’est plus son problème, puisqu’il ne sera probablement plus là. « Je crains que, dans cette histoire, les augmentations d’impôts annoncées comme exceptionnelles deviennent, en réalité, pérennes, alerte François Ecalle. Alors que les économies, elles, seront beaucoup plus dures à concrétiser. »
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