Économie
Alors que la fin du suspense de Matignon est proche, le mur de la dette se rapproche dangereusement
Les Echos - 31 août 2024 - Par Nicolas Barré
Alors que la fin du suspense de Matignon est proche, le mur de la dette se rapproche dangereusement et Bercy s’inquiète de la dérive des comptes qui s’est aggravée dans le courant de l’année, indique Renaud Honoré. Car si la croissance tient à peu près (avec un «acquis» de 1% pour l’année en cours), des rentrées fiscales en dessous des attentes et l’explosion des dépenses de fonctionnement des collectivités locales (+7% sur six mois!) donnent des sueurs froides. Et ce d’autant plus que les toutes dernières statistiques, rassurantes sur l’inflation (1,9%), montrent un fléchissement de l’activité et de l’emploi, note Claude Fouquet.
Le futur Premier ministre doit le savoir: alors que la France est placée en procédure pour déficit excessif, il va falloir trouver 110 milliards d’économies dans les prochaines années donc 20 milliards dès l’an prochain, prévient Sébastien Dumoulin. Or à force de repousser les échéances et de ne pas tenir ses promesses, la parole de la France est discréditée, ajoute notre éditorialiste Etienne Lefebvre. Dans ces conditions, l’application du programme du Nouveau front populaire est impraticable et le véto que lui a opposé Emmanuel Macronen écartant Lucie Castet, sa candidate auto-proclamée, peut susciter «un ouf de soulagement», ajoute Dominique Seux qui prévient toutefois que quoi qu’il arrive, la politique à venir sera moins favorable aux entreprises.
Eric Le Boucher enfonce le clou: la gauche française établit un faux diagnostic en estimant que la redistribution est insuffisante alors que le problème vient plutôt d’une production insuffisante. Plus intelligente ou en tout cas plus sérieuse (cela n’a pas toujours été le cas), la gauche anglaise, sous la direction du Premier ministre Keir Starmer, n’occulte pas les difficultés économiques ni la nécessité de réformes et d’économies, rapporte notre correspondant à Londres Nicolas Madelaine. Il prépare même les esprits à un budget qui «va faire mal». On est loin d’un tel réalisme de ce côté-ci de la Manche!
Dans un grand entretien accordé à Sébastien Dumoulin, Renaud Honoré et Frédéric Schaeffer, l’économiste Jean Pisani-Ferry, inspirateur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017 avant de prendre ses distances, dessine les voies de passage pour une politique économique que ne renierait pas le Labour britannique, orientée à gauche mais raisonnable. Très loin en tout cas du programme du NFP qui, dit-il, créerait «un choc économique que la France ne peut pas se permettre». Le FMI y va également de ses avertissements et s’inquiète de la hausse des dettes publiques européennes, particulièrement de la situation de trois pays, France, Royaume-Uni et Italie, détaille Richard Hiault.
Si Lucie Castet est écartée pour Matignon, l’hypothèse Bernard Cazeneuve séduit une partie de l’entourage du chef de l’Etat bien que les deux hommes, c’est un euphémisme, ne soient pas des proches, note Cécile Cornudet. Cela laisse penser en tout cas que les choses bougent à gauche. Au sein du PS, la stratégie d’alliance avec LFI suscite des débats de plus en plus vifs, relève Grégoire Poussielgue. Dans le camp présidentiel, on note aussi des ouvertures sur la question sensible de la réforme des retraites, observent Renaud Honoré et Grégoire Poussielgue, tandis que François Bayrou appelle le président à changer de méthode et que la droite emmenée par Laurent Wauquiez le presse de se décider, rapportent Jacques Paugam et Grégoire Poussielgue.
Bref, que d’incertitudes! Et cela inquiète les marchés financiers. L’indice CAC 40 en pâtit et la prime de risque sur les actions françaises reste élevée, remarque Florian Maussion. Cette incertitude a aussi des conséquences sur le marché immobilier où l’on s’achemine cette année vers une chute à deux chiffres des ventes, note Elsa Dicharry.
C’est l’histoire mystérieuse de l’été. L’arrestation à Paris de Pavel Durov, 39 ans, le patron russe de la messagerie Telegram naturalisé français en 2018, soulève de multiples questions auxquelles Florian Dèbes apporte des réponses instructives. Il lui est notamment reproché de ne pas avoir accepté de coopérer avec les autorités, un grief qui pourrait servir d’avertissement pour Elon Musk, lui non plus pas toujours coopératif, analyse notre spécialiste. L’enquête française ne s’arrête pas là. Nikolaï Durov, le frère du fondateur de Telegram, brillant mathématicien dont on dit qu’il en est le cerveau, ferait lui aussi l’objet d’un mandat de recherche en France, rapporte Marina Alcaraz.
Jusqu’où peuvent aller les ennuis de Pavel Durov ? Valérie de Senneville s’est plongée dans le dossier judiciaires et l’on apprend que les juges ne manquent pas de munitions pour le confondre. Pour notre éditorialiste David Barroux, la messe est dite: Durov porte sa part de responsabilité dans l’opacité de la plateforme si prisée des trafiquants et des terroristes et cette affaire pose une nouvelle fois la question de l’anonymat dans l’univers numérique.
La réglementation permet néanmoins des progrès. Stéphane Loignon dresse le bilan du Digital Services Act (DSA) promu par Thierry Breton qui, en un an, a produit des effets réels sur les grandes plateformes. Au grand dam d’Elon Musk, le meilleur ennemi du commissaire européen français et de ce texte qui heurte son esprit libertaire -ainsi que son portefeuille.
Les grands industriels ont connu des fortunes diverses cette semaine. Honneur à Dassault qui a finalisé la vente de 12 avions Rafale à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron en Serbie, un contrat qui met la pression sur les sous-traitants dont certains ont du mal à suivre le rythme des commandes, analyse Bruno Trévidic. Toutes autres sont les difficultés du géant allemand ThyssenKrupp que plusieurs dirigeants viennent de quitter sur fond de désaccord sur sa restructuration, indique notre correspondant à Berlin Emmanuel Grasland.
Changement aussi à la tête de Nestlé dont le Pdg a été évincé après sept ans. C’est donc le Français Laurent Freixe, 62 ans, qui succède à l’allemand Mark Ulf Schneider aux manettes du numéro un mondial de l’agroalimentaire, rapporte Marie-José Cougard qui analyse les raisons de fond de ce changement de direction annonçant un «retour aux fondamentaux» du groupe. Très mondialisé également, le groupe Pernod Ricard a subi un recul de son résultat et de son chiffre d’affaires (11,5 milliards d’euros en repli de 4%), notamment du fait du marché chinois, mais son patron Patrick Ricard affiche sa confiance dans une croissance organique de 4 à 7% à moyen terme.
Le saviez-vous? La fraise gariguette est menacée, alerte Dominique Chapuis qui nous apprend que cette variété exquise créée en 1976 par l’INRA n’est plus protégée car elle est tombée dans le domaine public. Dès lors, la source de royalties qui permettait de financer le maintien de la souche et d’éviter qu’elle ne dégénère s’est tarie. Heureusement, la filière se mobilise pour sauver la fraise française…
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