Le ministère de l'Économie et des Finances, rue de Bercy (Paris 12e). © Alamy Stock Photo/Abaca

Économie

Une réduction de 25 milliards d’euros par an des dépenses publiques dès 2024 doit prendre en compte la baisse de croissance et de recettes fiscales qu’elle provoquera.

Le Point - 31 août 2024 - Par Patrick Artus*

La stabilisation du taux d'endettement public de la France – proche de 111 % du Produit intérieur brut (PIB) – nécessite que le déficit public primaire (hors paiements d'intérêts sur la dette publique) soit nul.

En effet, le taux d'intérêt réel à long terme est de 1 % – on le calcule comme l'écart entre le taux d'intérêt nominal à long terme et l'inflation anticipée à long terme –, c'est-à-dire qu'il est proche de la croissance potentielle en volume à long terme.

La variation du taux d'endettement public, dans une situation où le taux d'intérêt est voisin de la croissance potentielle, est égale au déficit public primaire. Il en résulte que la stabilité du taux d'endettement public est obtenue lorsque le déficit primaire est nul.

Recul de l'activité

En 2023, le déficit public était de 5,5 % du PIB et les intérêts payés sur la dette publique de 1,8 % du PIB : le déficit public primaire était de 3,7 % du PIB. Pour que le taux d'endettement public n'augmente plus à partir de 2027, il faut donc réduire le déficit public primaire (hors paiements d'intérêts sur la dette publique) de 3,7 points de PIB entre 2023 et 2027, c'est-à-dire de 103 milliards d'euros de 2023.

On peut envisager que cette réduction soit réalisée par une baisse des dépenses publiques ou par une hausse de la pression fiscale. Le problème est que, si l'une ou l'autre des deux solutions est utilisée, il y aura une baisse de l'activité économique et donc des recettes fiscales. Ce qui engendrera une hausse du déficit public.

On estime que le multiplicateur budgétaire – c'est-à-dire l'effet sur le volume du PIB d'une variation des dépenses publiques ou des impôts – est de l'ordre de 1. Par ailleurs, la pression fiscale est de 47 %. S'il y a une baisse des dépenses publiques de 1 point de PIB ou une hausse de la pression fiscale de 1 point de PIB, le niveau du PIB sera donc réduit de 1 % et les recettes fiscales de 0,5 %.

Si on prend en compte l'effet de la politique budgétaire plus restrictive sur l'activité et les recettes fiscales, il faut aujourd'hui que les dépenses publiques soient réduites de 7,4 points de PIB, puisque la moitié de ces variations des dépenses publiques ou des impôts sera perdue en raison du recul de l'activité et qu'il faut réduire le déficit (primaire) de 3,7 points de PIB.

Effet sur la croissance dramatique

Dans les calculs, cet effet de la réduction des dépenses publiques ou de la hausse de la pression fiscale sur l'activité est le plus souvent ignoré. Le gouvernement de Gabriel Attal mettait en avant une réduction de 25 milliards d'euros par an des dépenses publiques à partir de 2024, soit 100 milliards d'euros au total.

Mais il ne prenait pas en compte la baisse de la croissance et des recettes fiscales que cette réduction provoquerait. L'ajustement budgétaire ou fiscal nécessaire est donc considérable si l'objectif est de stabiliser le taux d'endettement public en 2027. Quelle stratégie la France pourrait-elle utiliser ?

Il n'est pas question de réduire les dépenses publiques ou d'accroître la pression fiscale de plus de 7 points de PIB car l'effet sur la croissance serait dramatique. Il faudra donc planifier une plus longue période que les quatre années entre 2024 et 2027 pour stabiliser le taux d'endettement public.

Par ailleurs, il faudra utiliser des baisses de dépenses publiques ou des hausses d'impôts qui n'ont pas d'effet négatif sur la croissance potentielle – la croissance de long terme –, faute de quoi la baisse de la croissance potentielle aggraverait la baisse des recettes fiscales.

Hausse de la taxation des revenus salariaux

Si on suit cette logique, il faut préférer la baisse des dépenses sociales (retraites, santé) à celle des investissements publics (destinés à la transition énergétique, à la réindustrialisation) ou des dépenses d'Éducation et de Recherche et Développement, pour ne pas limiter la capacité à croître de la France.

En outre, il faut préférer la hausse de la taxation des revenus salariaux ou celle de la TVA à celle des impôts des entreprises ou de ceux sur les revenus du capital, pour ne pas réduire la capacité des entreprises à investir.

Enfin, il faut rejeter toutes les politiques économiques qui feraient reculer le taux d'emploi – par exemple, une remise en cause de la réforme des retraites – puisque les recettes fiscales sont directement liées au taux d'emploi, qui détermine le niveau de production et de revenu.

Au total, le montant de l'ajustement budgétaire et fiscal est considérable, et cet ajustement doit être entrepris, faute de quoi la discipline de marché, c'est-à-dire une forte réaction à la hausse des taux d'intérêt payés par la France, forcera à réaliser un ajustement encore plus brutal et non discriminant entre les types de dépenses publiques et de recettes fiscales.

 

Patrick Artus est membre du Cercle des économistes.