
Économie
Entre la hausse des droits de douane, le conflit en Ukraine et la dette française, les particuliers ont des raisons d’être prudents. Bonne nouvelle, les produits d’épargne peu risqués rémunèrent toujours bien.
Le Figaro - 18 avril 2025 - Par Jorge Carasso
Que faire avec son bas de laine en ces temps chahutés ? La guerre commerciale que livre Donald Trump au reste du monde a fait vaciller les marchés financiers (- 12 % pour le S&P 500 et le CAC 40 en cinq jours début avril). La guerre aux portes de l’Europe, menée par la Russie contre l’Ukraine, nourrit aussi les inquiétudes, tout comme l’instabilité politique française et le montant colossal de la dette hexagonale, par beaucoup jugé intenable.
De quoi pousser les épargnants à chercher davantage de sécurité dans leurs placements ? « On sent de l’inquiétude, confirme David Charlet, président de l’Anacofi, une des principales associations de conseillers en gestion de patrimoine (CGP). Cela réactive de vieux réflexes sécuritaires, alors que ces derniers temps les épargnants avaient pris l’habitude de prendre un peu plus de risques, notamment sur les marchés. » Le krach d’avril a tout changé.
« Quand des baisses d’une telle ampleur se produisent, les ménages ont tendance à être attentistes », confirme Éric Buffandeau, directeur adjoint des études chez BPCE (Banque populaires, Caisse d’épargne). Ce contexte pourrait être à nouveau favorable aux produits de taux - livrets, comptes à terme, fonds en euros de l’assurance-vie… -, à l’or, ou, de façon générale, aux produits peu risqués (obligations, monétaire). Bonne nouvelle, ces produits longtemps délaissés rapportent à nouveau.
L’or culmine à des sommets jamais atteints
L’éternelle valeur refuge n’a jamais coûté aussi cher. Dopé par l’appétit des banques centrales pour le métal jaune, la crainte d’un retour de l’inflation en cas de guerre commerciale ou encore la chute du dollar, le cours de l’once dépasse désormais les 3300 dollars (+ 40 % en un an), un record. Mais, surtout, ce n’est peut-être pas fini. Les analystes ne cessent de rehausser leurs objectifs. Ceux de Goldman Sachs voient même la relique barbare caracoler à 4000 dollars l’once l’an prochain.
L’or est de loin l’actif qui tire le mieux son épingle du jeu en cette période troublée. Il est de bon ton d’en détenir un peu, quelle que soit d’ailleurs son appétence au risque. « On met toujours une pincée d’or dans le portefeuille actions de nos clients », confirme Éric Gérard, gérant associé chez Optigestion, une société de gestion. Les épargnants qui souhaitent acheter le précieux métal peuvent opter pour de l’or physique (pièces, lingotins, lingots…) ou sous forme d’investissements financiers (des fonds qui répliquent l’évolution des cours), à l’intérieur d’un contrat d’assurance-vie ou d’un compte-titres. « Toutes les compagnies d’assurance-vie ne l’acceptent pas », nuance toutefois Éric Franceschini, co-directeur de la gestion privée chez Bordier et Cie.
Surtout, l’or n’est pas une assurance tout risque. « C’est un placement intéressant, mais qui est volatil, rappelle Rony Michaly, président de Galilée AM, une société de gestion. Et il navigue en outre à des niveaux déjà élevés. » En outre, l’or n’offre pas de rendement.
Les rendements retrouvés du fonds en euros
Longtemps mal aimé car trop peu rentable, le fonds en euros (sans risque) de l’assurance-vie reprend des couleurs. Dans un contexte de taux d’intérêt à nouveau élevés, les assureurs se livrent désormais une concurrence féroce pour attirer les épargnants dans leurs filets.
Résultat, ils offrent des rendements plus qu’appétissants, parfois au-delà de 4 % grâce à leur politique de bonus (par exemple, + 2 % de rendement par an pour les nouveaux versements). « Ce sont le plus souvent des offres conditionnées à la souscription complémentaire de contrats en unités de compte (non garantis en capital) », rappelle Éric Coudert, président de la Financière de la Seine, un cabinet de CGP. L’an dernier, hors bonus, les fonds en euros ont rapporté, en moyenne, 2,60 %, selon l’association France Assureurs.
De quoi séduire quand la Bourse fait le yo-yo. « Quand on est dans une période où il est difficile de voir où l’on va, le fonds euros a de bonnes cartes à jouer, confirme Élodie Rouault, conseillère patrimoniale chez Althos Patrimoine, un cabinet de CGP. Cela permet au client de rester liquide sans prendre de risque (il peut vendre, et le coût fiscal est acceptable, NDLR). Cela lui offre la possibilité d’être réactif en Bourse quand il y a des opportunités d’investissement intéressantes. »
Le livret A moins flamboyant mais toujours apprécié
La baisse du taux du livret A à 2,4 % le 1er février (contre 3 % depuis 2023) aurait pu faire fuir les épargnants. Il n’en est rien. Le livret A a fait mieux en février (940 millions d’euros de collecte nette) qu’en janvier (350 millions d’euros). Il faut dire que l’ambiance générale y est pour beaucoup. « Le contexte mondial demeure anxiogène », indique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne.
De plus, le taux du livret A reste encore attractif. « On n’est pas à 0,5 %, comme ce fut le cas en 2020 », poursuit Philippe Crevel. La collecte est toutefois en retrait sur un an, après une année 2024 record. La rémunération de ce placement star de l’épargne, révisé deux fois par an, devrait baisser à nouveau au 1er août : en prenant en compte la moyenne de l’inflation et des taux interbancaires, il pourrait atterrir à 1,7 %. Un taux correct, pour un produit défiscalisé, sans risque et sans frais, mais qui n’est plus imbattable (le fonds en euros de l’assurance-vie fait mieux).
Les comptes à terme dans le vert, les livrets dans le rouge
Avec la baisse continue des taux de la BCE ces derniers mois, les livrets non réglementés ont vu leur rémunération largement chuter. « Ils offrent 0,8 % en moyenne », rappelle Philippe Crevel. Rien d’affriolant, donc.
Les épargnants, pour qui ces produits font office de sas d’attente en cas de trésorerie excédentaire, leur préfèrent les comptes à terme, qui offrent un rendement fixe pour une durée déterminée (entre 2,5 % et 3 % sur 12 mois pour les meilleures offres). Ils permettent de conserver un excédent de liquidité à bon compte, en attendant une opportunité d’investissement.
« Ces produits n’existaient quasiment plus quand les taux étaient bas », rappelle Sébastien Champion, responsable partenaires et solutions chez Swissquote Bank Europe. Ils ont retrouvé des couleurs en 2023 et lors d’une bonne partie de 2024, à un moment où ils rapportaient jusqu’à 4 % ou 5 % par an. « Depuis peu, ils sont davantage concurrencés par le fonds en euros », poursuit Sébastien Champion. Tout en restant attractif pour bloquer un bon taux sans risque.
Les fonds obligataires intéressants
La remontée récente des taux à long terme (à la différence de l’évolution des taux courts pilotés par les banques centrales) offre aussi une fenêtre de tir aux épargnants qui cherchent à doper leur rémunération, sans prendre trop de risques. À ce titre, les fonds obligataires datés - constitués de dettes d’entreprises cotées souvent connues du grand public comme Renault, Loxam, Paprec… - ont leur carte à jouer : ils offrent une rémunération établie à l’avance (autour de 4 % pour des dettes avec une bonne notation) et sont remboursables au bout d’une durée fixée au préalable (2, 3, 5 ans).
Ces produits sont accessibles via l’assurance-vie ou les comptes-titres. « Ces placements permettent de cristalliser un taux, explique Éric Franceschini, codirecteur de la gestion chez Bordier et Cie. Lorsqu’on les souscrit aujourd’hui, on capture la hausse des taux obligataires à nouveau à l’œuvre, et on en conserve le rendement sur la durée. » Attention, le capital investi n’est pas garanti, car un ou plusieurs émetteurs de la dette - les fonds sont souvent constitués d’une centaine de lignes - peuvent faire faillite. Mais celles-ci restent extrêmement marginales dans un portefeuille diversifié. « À titre d’exemple, le taux de défaut cumulé des entreprises bien notées (par exemple, BBB) est de l’ordre de 1 % sur 5 ans », indique Thibault Destrés, responsable de la gestion obligataire chez Anaxis AM.
Les épargnants qui préfèrent limiter le risque au maximum peuvent aussi se tourner vers le monétaire - des obligations remboursables à très court terme. « On peut aller chercher de bonnes rentabilités sur cette classe d’actifs », confirme Thomas Potabès, responsable développement en région du groupe Raynes, un cabinet de CGP. Celles libellées en euros, qui ne s’exposent donc pas à un risque de change, naviguent aujourd’hui autour de 2,5 %. Pas si mal pour un placement liquide comportant très peu de risque.
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