Finances publiques
Le projet de loi de finances 2025 est examiné à partir de mercredi au Parlement, avec les premiers débats en commission des finances. Le coup d'envoi d'une séquence très tendue entre les différentes composantes de l'Assemblée nationale, qui défendent chacune des options différentes.
FranceTVinfo - 16 octobre 2024 - Par Thibaud Le Meneec - avec AFP
La bataille débute enfin, sur un champ déjà miné. Alors que le projet de loi de finances 2025 prévoit 60 milliards d'euros d'efforts budgétaires, selon l'ambition du gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale ouvre le bal de son examen au Parlement, mercredi 16 octobre. Les députés de l'instance, qui va se transformer en commission d'enquête sur les dérapages des finances publiques, ont trois jours pour débattre des amendements déposés sur la première partie du texte, qui porte sur les recettes. Ils devront l'adopter ou la rejeter lors d'un vote purement consultatif avant l'arrivée du projet de loi de finances (PLF) dans l'hémicycle lundi.
Sans surprise, le Nouveau Front populaire (NFP) et le Rassemblement national (RN) ont déposé bon nombre d'amendements en contradiction avec le projet de budget présenté jeudi en Conseil des ministres. Les deux composantes principales du gouvernement ne sont pas en reste : le bloc présidentiel et Les Républicains comptent bien défendre certaines mesures qui divergent avec les pistes prônées par le gouvernement. Franceinfo vous présente de manière non exhaustive les principales propositions des différents groupes de l'Assemblée nationale, qui ne manqueront pas d'agiter les débats dans les jours à venir.
Le Rassemblement national
Le Rassemblement national veut taxer davantage les rachats d'actions et Marine Le Pen propose de "profondément" réformer l'octroi de mer, une taxe douanière spécifique, dans les départements ultramarins, alors que la Martinique vit au rythme des manifestations contre la vie chère. Les députés d'extrême droite veulent annuler le report de trois ans de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt supplémentaire payé par certaines sociétés en fonction de leur chiffre d'affaires.
Parmi les autres mesures défendues, le durcissement de l'"exit tax" à l'instar des députés de gauche. Les troupes de Marine Le Pen veulent aussi "accorder une part fiscale pleine dès le deuxième enfant" et remplacer l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) par un impôt sur la fortune financière (IFF), qui exclurait les résidences principales mais intégrerait les actifs financiers. Ils souhaitent aussi, comme Les Républicains, cibler le malus écologique proposé pour 2025, en le faisant revenir à son niveau de 2020. Proposition traditionnelle du groupe, l'abaissement de la TVA à 5,5% "sur le gaz, l'électricité, le fioul et les carburants" figure dans les amendements déposés.
Le RN souhaite aussi la suppression de la niche fiscale dont bénéficient les journalistes ou encore l'imposition accrue des "détenteurs de participations dans des entreprises qui distribuent des dividendes supérieurs de 20% à la moyenne des années 2014 à 2023". Un autre amendement veut s'attaquer au financement de certaines associations : le RN veut "exclure du bénéfice de la réduction d'impôt (...) les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d'actes d'intrusion sur des installations nucléaires et/ou de violence vis-à-vis des professionnels".
A l'instar des Républicains, les alliés de Rassemblement national du groupe Union des droites pour la République veulent alléger la fiscalité des donations et des successions. Le groupe présidé par Eric Ciotti entend aussi empêcher la mise en œuvre de la contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus, comme la taxation temporaire de plus de 400 grosses sociétés. Ils veulent aussi revenir sur la niche fiscale à l'égard des intermittents du spectacle, supprimer la taxe dit "biens de luxe" ou encore céder les participations de l'Etat dans l'entreprise Engie.
Le Nouveau Front populaire
Les quatre groupes qui composent l'alliance de gauche ont déjà dévoilé, jeudi 10 octobre, leurs dix mesures phares pour augmenter les recettes de l'Etat, qui se traduisent dans des amendements déposés en commun, à défaut d'un contre-budget complet. La gauche prône notamment l'alourdissement de la fiscalité pour les "ultra-riches" et les "grands groupes". Cela passe notamment par la suppression des exonérations de cotisations employeurs pour les salaires supérieurs à deux smic, le retour d'un impôt sur la fortune "renforcé" pour les foyers disposant au 1er janvier 2025 d'un patrimoine net supérieur à 1 million d'euros, le durcissement de l'"exit tax" contre l'exil fiscal, mais aussi la taxation des "héritages dorés" et des "super-dividendes". La gauche veut également supprimer le prélèvement forfaitaire unique (PFU), dit "flat tax", d'un taux de 30% sur l'ensemble des revenus issus de l'épargne ou du capital financier hors immobilier (dividendes, loyers perçus, assurances-vie...). Au total, ces mesures doivent rapporter 49 milliards d'euros, "sans hausse d'impôt sur les classes moyennes et populaires".
Chacun des groupes a aussi déposé des amendements qui lui sont propres. Ainsi, les députés de La France insoumise veulent que le taux d'imposition minimal des plus hauts revenus passe de 20% à 40%, via la contribution exceptionnelle sur les plus fortunés pendant trois ans. Les élus socialistes veulent quant à eux le prolonger au-delà de 2026. Les écologistes proposent des mesures "pour pénaliser les modes de production polluants comme les taxes sur l'utilisation d'engrais azotés ou de produits phytosanitaires ou supprimer des niches fiscales néfastes (biocarburants, HVE, irrigation, serres chauffées...) afin de réorienter cet argent public vers le soutien aux pratiques vertueuses pour la transition aux premiers rangs desquelles l'agriculture biologique (prolongement du crédit d'impôt bio)". Enfin, les députés communistes proposent d' annuler la hausse de la taxe sur l'électricité, dite TICFE, qui doit augmenter en février pour atteindre "une fourchette autour de 50 euros du MWh" au lieu de 33 euros par MWh avant la hausse des prix de l'énergie.
Les alliés d'Emmanuel Macron
Au travers de leurs amendements, les trois partis du bloc central (Renaissance, MoDem et Horizons) défendent des positions parfois très différentes du gouvernement, malgré son soutien à l'équipe de Michel Barnier. Par exemple, les députés du groupe Ensemble pour la République dirigés par Gabriel Attal veulent restreindre la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Cette dernière ne serait valable qu'une année au lieu de trois, si leur amendement était adopté. Plusieurs députés EPR et Horizons veulent quant à eux supprimer les articles sur la taxation de l'électricité, des chaudières à gaz, des grandes entreprises...
De son côté, le groupe MoDem pourrait par exemple se trouver des points communs avec le Nouveau Front populaire sur ses amendements visant à "pérenniser" la surtaxe sur les hauts revenus, à relever la "flat tax" sur les revenus du capital ou à durcir l'"exit tax" contre l'exil fiscal. Plusieurs de ses élus veulent "instituer une taxe à la source sur les PFAS", les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées aussi appelés "polluants éternels", "en amont de leur intégration dans les différents produits et usages". Les écologistes défendent un principe similaire, mais beaucoup plus cher : une taxe de 100 euros pour 100 grammes, au lieu de 5 euros par kg pour le MoDem.
Chez Horizons, le parti d'Edouard Philippe, des élus veulent prolonger le dispositif de monétisation des RTT, "exonérer de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) les dons de sommes d'argent consentis dans le cadre familial, à la condition que ces sommes soient affectées par le donataire à la construction d'un logement neuf" ou encore proroger l'exonération fiscale et sociale sur les pourboires.
Les Républicains
Un Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement étiquetés Les Républicains ont-ils réussi à contenter les députés du parti de droite ? Pas vraiment. Dans leurs amendements, les élus du groupe Droite républicaine ont choisi de lutter contre certaines options de l'exécutif pour faire entrer de l'argent dans les caisses. Ils se prononcent par exemple pour la suppression de la hausse prévue de la taxe sur l'électricité, ainsi que pour celle du malus automobile.
Plus largement, les parlementaires de droite veulent faire primer la réduction de la dépense publique pour réduire la dégradation des comptes publics plutôt que les hausses d'impôts. Ils affichent par conséquent leur volonté de "réduire la fiscalité sur les successions et les donations", en voulant par exemple "étendre aux legs consentis aux petits-enfants l'abattement prévu pour les seules donations". En revanche, le groupe de Laurent Wauquiez veut alourdir la fiscalité sur les éoliennes terrestres.
Le groupe Liot
Le groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) reproche au projet de budget du gouvernement de trop reposer sur l'augmentation des recettes. Charles de Courson, rapporteur général du budget, craint par exemple l'"impact récessif" de ce lourd effort budgétaire de 60 milliards d'euros. L'un de leurs amendements vise à augmenter les taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus "pour renforcer la justice fiscale". De plus, le groupe veut "exonérer les vols entre l'Hexagone et les territoires ultramarins ou la Corse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, afin de réduire le coût des déplacements et garantir la continuité territoriale".
Les élus de ce petit groupe proposent également de demander un rapport sur le coût du Service national universel, en vue de le supprimer, ou encore de reporter d'un an la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), prévue en janvier 2025. Alors qu'un effort de 5 milliards d'euros est demandé aux collectivités territoriales, les députés du groupe Liot veulent augmenter la Dotation globale de fonctionnement (DGF) dans certaines communes de moins de 10 000 habitants et proposent de supprimer la baisse prévue du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA.
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