Michel Barnier, nouveau Premier ministre nommé par Emmanuel Macron ce jeudi 5 septembre, aura-t-il toute la latitude pour former son équipe ? LP/Arnaud Journois

Gouvernement

François-Xavier Bourmaud, journaliste au service politique, analyse les difficultés qui se présentent au nouveau Premier ministre dans la constitution de son gouvernement

L'Opinion - 11 septembre 2024 - Par François-Xavier Bourmaud

Ça prend toujours un peu de temps pour nommer un gouvernement, car c’est un mécanisme assez complexe avec plusieurs critères à respecter. Il y a des critères de parité, des critères de diversité, des équilibres territoriaux à maintenir et des egos à ne pas froisser. Avec Michel Barnier, il y a une grande nouveauté : il va falloir trouver des équilibres politiques.

Jusqu'à présent, le Premier ministre était issu de la majorité. Cette fois-ci, c’est l’inverse : c’est le Premier ministre qui doit créer cette majorité dans une Assemblée nationale totalement dispersée et éclatée en trois blocs principaux. Pour Michel Barnier, une difficulté supplémentaire est que les Républicains ne sont pas la première force à l’Assemblée nationale ; ils n’ont que 47 députés. Il ne faut pas donner non plus l’impression que le gouvernement est composé uniquement de membres des Républicains.

Autre difficulté, Michel Barnier doit aussi donner un gage de renouvellement. La majorité présidentielle sortante, le camp d’Emmanuel Macron, est la deuxième force à l’Assemblée nationale. Cependant, il ne devrait pas y avoir trop de ministres macronistes dans ce gouvernement. Ces équilibres sont donc extrêmement compliqués à établir. Il va falloir donner une véritable image de cohabitation dans ce nouvel exécutif. Michel Barnier lui-même a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un remaniement, mais bien d’un nouveau gouvernement.

Et la grande question pour le gouvernement de Michel Barnier est de savoir s’il va durer. La première épreuve se présente au début du mois d’octobre avec l’examen du budget à l’Assemblée nationale. Le budget est le texte qui définit l’appartenance à la majorité ou à l’opposition. Le RN votera contre, tout comme le Nouveau Front populaire. Pour faire passer son budget, Michel Barnier pourrait être contraint de recourir à l’article 49.3, ce qui ouvrirait la voie au dépôt d’une motion de censure.

Si l’on calcule de manière strictement mathématique, avec le RN et le Nouveau Front populaire, le gouvernement de Michel Barnier pourrait tomber dès l’examen du budget. Mais il y a une subtilité : il reste à savoir si le RN acceptera de mêler ses voix avec celles du Nouveau Front populaire, et inversement. C’est dans cette interstice que Michel Barnier pourrait espérer faire passer son premier budget avec l’abstention bienveillante du Rassemblement national, qui déciderait de ne pas censurer ce premier texte.

La ligne politique du gouvernement de Michel Barnier sera déterminée par la composition de son gouvernement. Cependant, une feuille de route a déjà été donnée par Emmanuel Macron lors de sa dernière intervention télévisée le 23 juillet. Cette feuille de route est claire : il ne faut pas toucher aux acquis des réformes des deux premiers quinquennats d’Emmanuel Macron, notamment la réforme des retraites, et il ne faut pas non plus toucher à ce que le président de la République considère comme ses acquis, à savoir la réindustrialisation et l’attractivité du territoire. Les lignes rouges ont été posées : pour le reste, il y aura plus de fermeté, plus de sécurité, plus de justice, plus de démocratie, et un meilleur vivre de son travail.

C’est dans ce cadre que Michel Barnier devra élaborer ses propositions politiques, avec une certitude déjà : elles pencheront très à droite.