Le président américain Donald Trump tient un décret exécutif à la Maison-Blanche. Kevin Lamarque / REUTERS

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Le nouveau président a proposé aux fonctionnaires de quitter l’Administration d’ici au 6 février en conservant quelques avantages. «Nous espérons 5 à 10% de départs», a expliqué Elon Musk.

Le Figaro - 30 janvier 2025 - Par Amaury Coutansais-Pervinquière

Donald Trump, au long de sa campagne présidentielle, a promis de dégraisser l’Administration américaine. Dès son premier jour, il a créé une «commission de l’efficacité gouvernementale» (DOGE en anglais, NDLR) pilotée par les milliardaires Elon Musk et Vivek Ramaswamy. Ils doivent «démanteler la bureaucratie gouvernementale, réduire les réglementations excessives, les dépenses inutiles et restructurer les agences fédérales». Mardi, tous les fonctionnaires fédéraux ont reçu un courrier électronique leur proposant de démissionner, d’ici au 6 février, et de conserver en échange leur salaire et avantages sociaux jusqu’à septembre. «Si vous décidez de rester à votre poste actuel, nous vous remercions de votre volonté renouvelée de servir le peuple américain au mieux de vos capacités», explique le courrier. «À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas vous donner toutes les garanties quant à la pérennité de votre poste ou de votre agence».

«On estime que 5 à 10 % des effectifs démissionneront, ce qui pourrait permettre de réaliser des économies de l’ordre de 100 milliards de dollars», s’est félicité Elon Musk sur X en publiant le courrier envoyé aux fonctionnaires. Plusieurs directives ont été mises en place depuis l’arrivée de Donald Trump : interdiction du télétravail, fin de la discrimination positive, attention accrue aux performances et annonce de probables plans sociaux. En clair, la Maison-Blanche veut réduire la voilure administrative. Le DOGE veut réaliser 2000 milliards de dollars de dépenses fédérales, soit pratiquement l’équivalent du déficit budgétaire. Leur cible est toute trouvée : les 2,2 millions de fonctionnaires civils de l’État fédéral. Pour ce faire, plans de départ anticipé et licenciement sont prévus. La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, s’est appuyée mardi sur l’arrêt de la Cour Suprême en 2020 Seila Law LLC vs Consumer Financial Protection Bureau : «Donald Trump a le pouvoir de révoquer quiconque au sein de l’exécutif s’il le souhaite».

Elle répondait, ici, à une question autour du limogeage de dix-sept inspecteurs généraux de plusieurs ministères et agences gouvernementales par Donald Trump vendredi soir. Ceux-ci sont chargés de détecter et d’empêcher les fraudes, les gaspillages et les abus commis par les fonctionnaires. Le nouveau président américain a procédé à un large remaniement des ministères américains ainsi que des agences fédérales via le système des dépouillements (Spoil System, en anglais). Mis en place par Andrew Jackson, au début du XIXème siècle, il permet au président récemment élu de nommer des fidèles politiques à la tête des Administrations. Les postes concernées, environ 8000, sont recensés dans le Plum book et leurs titulaires sont remplacés rituellement après chaque élection.

Trump ne peut licencier tous les fonctionnaires sans motif

Toutefois, le gouvernement ne peut licencier les autres fonctionnaires sans raisons prévues par le Code du travail. En 1883, la loi Pendleton exige qu’ils soient recrutés par concours pour les extraire du clientélisme. Cette disposition qui ne concernait qu’une partie s’étend à la plupart d’entre eux. Ils peuvent, en revanche, se constituer en syndicat pour défendre leurs droits, mais non exprimer une opinion politique publiquement, encore moins sur l’Administration en place. En 2018, Donald Trump avait signé trois décrets, annulés ensuite par la justice, pour faciliter le licenciement des fonctionnaires. En 2020, il crée la catégorie F qui reclasse des fonctionnaires fédéraux en employés politiques, leur enlevant une partie de la protection liée à leur ancien état. Près de 50.000 fonctionnaires auraient pu être concernés, mais elle a été supprimée par Joe Biden dès 2021. Elle a été rétablie le 20 janvier par Donald Trump.

Ces anciens fonctionnaires ne sont «pas tenus de soutenir personnellement ou politiquement le président actuel ou les politiques de l’Administration actuelle» mais doivent «mettre en œuvre fidèlement les politiques de l’Administration au mieux de leurs capacités, conformément à leur serment constitutionnel et à la dévolution du pouvoir exécutif au seul président». Dans le cas contraire, ils pourraient être licenciés. Cette décision est contestée en justice par un syndicat de fonctionnaires. Celui-ci y voit «des tests de loyauté politique [administrés] à des employés fédéraux ordinaires qui ont prêté serment de respecter la Constitution et de servir leur pays».

Donald Trump a également suspendu toutes les aides fédérales à de nombreux programmes comme les «activités liées à l’obligation ou au décaissement de toute aide financière fédérale, et d’autres activités pertinentes des agences qui pourraient être affectées par les décrets, y compris, mais sans s’y limiter, l’aide financière pour l’aide étrangère, les organisations non gouvernementales, l’idéologie du genre woke et le green new deal», fait savoir un mémo publié par l’Administration. Tous les ministères et agences gouvernementales doivent présenter d’ici au 10 février des informations détaillées sur leurs projets gelés. Le gouvernement veut ensuite se donner du temps pour accorder ou non les subventions d’État.

Toutefois, un angle mort demeure dans la politique de réduction de la masse salariale du nouveau président américain. Si l’État fédéral emploie en effet 2,2 millions de civils, un nombre stable depuis l’Administration Reagan, il fait également appel à des salariés du privé, payés par le budget fédéral. 4,8 millions sont des sous-traitants, par exemple de l’armement, et 2,3 millions bénéficient de subventions (grants en anglais). Ces derniers sont surtout des Organisations non-gouvernementales (ONG). Enfin, si la nouvelle Administration, en vertu du Spoil System, peut bien licencier un certain nombre de fonctionnaires (dont l’équivalent français serait la haute administration, NDLR), elle devra les remplacer. Bon nombre d’entre eux, surtout pour les fonctions juridiques, pourraient venir de la Federal Society, une organisation de juristes conservateurs. Six des neuf membres de la Cour Suprême en sont issus. Les mêmes qui devront juger de la légalité des licenciements par Donald Trump.