Ce taxi Waymo est un exemple de voiture autonome (ici une Jaguar) à Los Angeles. (Mario Tama/Getty Images Via AFP)

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Le président élu des États-Unis a promis de supprimer un maximum de règles entravant le développement des entreprises. De la voiture autonome à la conquête spatiale et aux cryptoactifs, cela pourrait profiter à l'innovation.

Les Echos - 22 novembre 2024 - Par Solveig Godeluck

Donald Trump ne sera président qu'en janvier, mais Wall Street anticipe déjà un boom économique grâce à la libéralisation de nombreux secteurs. Le président élu a en effet promis de supprimer des réglementations « pénibles » pour les entreprises. Il veut aussi se débarrasser de régulateurs intransigeants comme le gendarme de la Bourse Gary Gensler, à la SEC.

Combiné à des politiques incitatives, cet effort de déréglementation pourrait doper l'innovation dans le pays. Donald Trump en a déjà donné la preuve lors de son dernier mandat, lorsqu'il a mobilisé les forces vives de l'industrie pharmaceutique et de la recherche scientifique pour mettre au point un vaccin contre le Covid dans un délai record. Un exploit rendu possible par l'investissement de départ de 10 milliards de dollars dans ce partenariat public-privé, mais aussi par l'assouplissement des règles, afin d'accélérer la mise sur le marché des médicaments.

Donald Trump cherchera probablement à rééditer ce succès, d'autant plus qu'il a désormais des admirateurs dans la Silicon Valley, après avoir recruté dans son équipe Elon Musk, Vivek Ramaswamy et JD Vance.

Des voitures vraiment autonomes

Le futur département aux Transports de l'administration Trump fera du développement de la voiture autonome une de ses priorités, a révélé Bloomberg la semaine dernière. L'équipe de transition cherche actuellement à recruter des personnalités qui pourraient mener le projet. Il reviendra à Sean Duffy, nommé à la tête du ministère, de créer un cadre réglementaire plus favorable.

La nouvelle a immédiatement fait grimper le cours de Tesla, et baisser celui d'Uber et de Lyft. Le constructeur de véhicules électriques d'Elon Musk imagine un avenir entièrement autonome et planche sur un projet de taxi sans chauffeur pour 2026. Pour autant, ses prototypes ne font pas partie des 2.500 véhicules autonomes autorisés à circuler sur les routes américaines à titre dérogatoire.

Seuls Waymo (Alphabet) et Cruise (General Motors) ont obtenu le précieux sésame de la National Highway Traffic Safety Administration. Toutefois, leurs véhicules ont encore des pédales et un volant, en vertu de réglementations anciennes. La vigilance des régulateurs pèse aussi sur leur activité au quotidien. General Motors a annoncé en juillet renoncer à développer son modèle autonome Origin. Uber a revendu sa division autonomie en 2020, après un accident mortel.

Partir à la conquête de Mars

Donald Trump aurait de quoi s'enorgueillir s'il parvient à faire décoller une industrie américaine du véhicule autonome, d'autant plus que les Chinois ont une longueur d'avance sur le sujet, ce qui est vexant pour les Etats-Unis. De même, Elon Musk aimerait certainement que le président élu endosse son grand projet : partir à la conquête de Mars.

Pour l'instant, le futur hôte de la Maison-Blanche s'est prêté de bonne grâce à l'opération de communication de SpaceX, une autre entreprise d'Elon Musk. Mardi, il s'est rendu sur le pas de tir de la fusée Starship à Boca Chica, au Texas, pour assister à un lancement très médiatisé.

Le mastodonte spatial est en butte à plusieurs agences fédérales qui s'inquiètent de l'impact environnemental. Le Fish and Wildlife Service a par exemple indiqué en 2022 qu'il lui faudrait plus d'un an pour mesurer le risque créé par Starship pour les espèces en voie de disparition. Elon Musk est sorti de ses gonds : « Il est absurde que SpaceX puisse construire une fusée plus vite qu'eux ne traitent la paperasse », a-t-il écrit sur X. L'Agence de l'environnement (EPA) a également mis le groupe à l'amende pour avoir pollué la zone humide environnante sans permis préalable.

Le bond du bitcoin

Dans le domaine financier, l'innovation devrait également être à la fête. Donald Trump, qui traitait encore le bitcoin d'« arnaque contre le dollar » en 2021, a changé son fusil d'épaule pendant la campagne électorale. Il s'est fait l'avocat du développement des cryptomonnaies, avec pour conséquence un bond de 50 % de la valeur du bitcoin depuis son élection - il vaut 94.000 dollars.

Le président élu a désormais un intérêt direct dans le secteur, puisque ses fils Eric et Donald Jr ont lancé une start-up consacrée, World Liberty Financial, et que sa propre société Trump Media est en discussion pour acheter le courtier en cryptomonnaies Bakkt.

Les investisseurs qui spéculent sur la croissance du secteur misent sur le remplacement de Gary Gensler par un régulateur plus accommodant. Ce dernier doit en théorie rester en poste jusqu'en 2026. Mais les entrepreneurs se sentiraient déjà plus libres d'agir à leur gré s'ils passaient sous la tutelle du régulateur des matières premières et des produits dérivés, la CFTC, plutôt que sous celle de la SEC. L'essor des cryptoactifs bénéficierait en tout cas de la mise en place de règles claires, plutôt que le cadre brouillé d'aujourd'hui. La dérégulation n'est pas la solution à tous les maux.

Solveig Godeluck (Bureau de New York)