Entretien
Sénatrice LR de Paris et conseillère du 15e arrondissement, Agnès Evren est revenue, pour CNEWS, sur la candidature de Rachida Dati aux prochaines élections municipales.
Cnews - 30 novembre 2025 - Par Antoine Delplanque
Déplorant le bilan de la maire socialiste sortante Anne Hidalgo, l’ancienne députée européenne a esquissé les grands axes du programme de l’actuel ministre de la Culture, en matière de sécurité, de propreté et de mobilités.
Comment jugez-vous le bilan d’Anne Hidalgo à quelques mois des élections municipales ?
Le bilan de la gauche n’est pas médiocre, il est mauvais. La gauche est en place depuis 25 ans à Paris et c’est une accumulation d’échecs. Le bilan d’Anne Hidalgo et de son ancien premier adjoint Emmanuel Grégoire est catastrophique, que ce soit sur la sécurité, la propreté, le logement, les transports. Les perspectives financières sont affolantes : Paris est au bord de la banqueroute. La Ville est mal gérée, asphyxiée par une dette abyssale de 12 milliards d’euros, malgré l’augmentation délirante des impôts locaux, que la majorité sortante avait pourtant promis de ne pas augmenter. Il y a aujourd’hui un immense paradoxe. Les impôts explosent mais que font-ils de l’argent des Parisiens ? Si Rachida est élue maire de Paris, nous demanderons un audit indépendant des finances de la municipalité pour comprendre comment est utilisé l’argent des Parisiens.
Déplorez-vous une forme de dégradation des services publics parisiens ?
Absolument. La gauche abime les services publics depuis 25 ans. Il n’y a qu’à voir la dégradation du cadre de vie. La capitale devrait être apaisée, sûre, propre et fleurie, sa voirie entretenue, ses murs débarrassés de l’affichage sauvage et des tags, c’est tout l’inverse.
Il faut regarder les choses en face, chaque année, des milliers d’habitants fuient Paris. 135.000 Parisiens sont partis en 10 ans. Ce qui aggrave la situation, notamment à l’école. Il n’est pas acceptable de voir des salles de classe fermer désormais à Paris, comme dans des zones rurales. Autre situation intolérable pour une capitale : Paris est en passe de devenir un désert médical. C’est inouï ! Dans certains secteurs d’arrondissement, le nombre de médecins par habitants est encore plus faible que dans certains territoires éloignés. Et les perspectives sont inquiétantes. La moitié des médecins à Paris ont plus de 60 ans. Et bien sûr, il y a le problème du logement. Le coût dans l’absolu bien sûr. Aujourd’hui, lorsqu’on a trois enfants, c’est mission impossible d’habiter à Paris. Mais surtout, qu’ils soient propriétaires ou locataires, beaucoup de Parisiens n’acceptent plus de payer si cher pour une qualité de vie qui n’est plus au rendez-vous et qui ne cesse de se dégrader.
Pourtant, sur tous ces sujets, on peut agir. Faire de la propreté, de la sécurité, de l’entretien de la voirie des priorités. Nous voulons aussi réserver du logement abordable aux classes moyennes, et donner la priorité à ceux qui travaillent directement au service des Parisiens. Aux soignants, enseignants, forces de sécurité… Les familles monoparentales doivent aussi être une priorité. Nous refusons la ghettoïsation. Il faut mieux répartir les logements sociaux, garantir une mixité réelle à l’échelle de chaque quartier et expulser des HLM les familles de délinquants.
En tant qu’élue du 15e arrondissement de Paris, êtes-vous confrontée à une forme de ras-le-bol de la part des habitants ?
Oui, même si notre arrondissement reste assez préservé de certaines folies. Il n’est heureusement pas devenu un laboratoire des folies de l’équipe en place. Mais, les habitants me font part d’une tension permanente dans l’espace public. Un chaos lié à l’insécurité, à l’agressivité, à la mise en concurrence des mobilités entre elles. A Paris comme à l’échelle nationale en fait, la gauche cherche la polarisation, elle oppose en permanence les gens les uns aux autres. Pour elle, il y a les jeunes et les plus âgés, les motos et les piétons, l’ouest parisien et l’est parisien...
Pire, lorsque je discute avec eux, les habitants me disent que cette ville est devenue anxiogène, imprévisible. Il faut dire qu’Anne Hidalgo impose depuis l’Hôtel de Ville des décisions sans consulter personne. Par exemple, elle réquisitionne brutalement et sans concertation avec les maires d’arrondissement nos gymnases pour de l’hébergement d’urgence. 119 jours d’occupation en 2 ans pour le gymnase Fédération dans le 15e qui accueille 90 personnes pour seulement 2 toilettes… C’est cela sa conception de la dignité humaine ? Les riverains sont à bout et notre capitale a été très fracturée. Je ressens un profond besoin d’apaisement. L’objectif de Rachida Dati est donc de réconcilier tous les Parisiens entre eux et avec leur capitale.
Vous avez dénoncé la hausse de l’insécurité à Paris, que proposez-vous pour lutter contre celle-ci ?
En tant que présidente de la Fédération LR de Paris, j’ai demandé à nos militants quelles étaient leurs priorités. 86% ont pointé du doigt l’insécurité. Je vais être franche, je ne comprends pas l’aveuglement de la gauche à ce sujet. Il y a une forme d’indifférence, de déni, de culture de l’excuse aussi de la part d’Anne Hidalgo et de son entourage, Emmanuel Grégoire compris, sur ce sujet. Comme partout en France, cette problématique est pourtant fondamentale. Paris est une grande ville dans laquelle se concentrent de nombreuses formes de violences. Cette ville est devenue dangereuse pour tous. C’est vrai en particulier pour les femmes, dans les transports, dans la rue, physiquement comme verbalement. Nous avons tous été profondément choqués par le meurtre de la petite Philippine il y a un peu plus d’un an dans le Bois de Boulogne.
Mais c’est vrai pour tous. Quand le jeune Elias a été sauvagement massacré à l'arme blanche, tous les parents ont évidemment pensé à leurs enfants. La gauche relativise, parle de faits divers, mais les coups et blessures volontaires ont augmenté de 10% ces 8 dernières années. Il y a 35 faits enregistrés par jour. On est loin d’actes isolés. Et il y a des phénomènes très inquiétants, par exemple la part des mineurs non accompagnés dans la délinquance parisienne a plus que doublé, 5% de mis en cause en 2016, 10% en 2020.
Face à cette situation, il est intolérable que Madame Hidalgo ait refusé de se donner les moyens de protéger les habitants de Paris pour satisfaire ses alliances électorales. Même à l’école, nos enfants ne sont plus en sécurité. Nous avons deux axes majeurs pour assurer la protection des Parisiens. Le premier est de former et d’armer la police municipale, qui est une coquille vide aujourd’hui. Elle n’a que peu de compétences et souffre d’un manque d’attractivité. Elle est totalement circonscrite à la verbalisation des automobilistes et aux incivilités. Nos agents municipaux ne peuvent pas intervenir sur les délits du quotidien, comme les outrages sexistes aggravés. Nous souhaitons un élargissement des compétences. Il est nécessaire que ces agents soient dotés d’outils juridiques, que ce soit pour contrôler les identités, accéder aux fichiers des personnes recherchées ou des voitures volées.
Combien coûterait cet armement éventuel de la police municipale ?
En se basant sur les travaux de l’institut Montaigne de 2020, un pistolet de type classique coûterait environ 700 euros. Nous voulons disposer de 5 000 agents municipaux. Cela coûterait ainsi 3,5 millions d’euros.
Aujourd’hui, n’importe quel uniforme sur la voie publique est une cible. Il est nécessaire de protéger nos agents qui sont en première ligne face aux menaces du quotidien telles que la délinquance, les refus d’obtempérer, le narcotrafic ou même les émeutes. Paris doit redevenir une ville sûre : tolérance zéro pour la délinquance sur la voie publique, surtout autour des établissements scolaires, pour la dégradation des équipements publics, et dans les parcs. C’est une priorité et nous devons nous en donner les moyens.
Quel est votre deuxième axe pour améliorer la sécurité à Paris ?
Nous voulons renforcer le maillage territorial de vidéoprotection. Paris est la ville dans laquelle vous pouvez cambrioler tranquillement le plus grand musée du monde en pleine journée. Nous souhaitons créer un centre de supervision urbain (CSU) afin de couvrir 4.000 sites, en priorité aux abords des établissements scolaires et sportifs. Pour cela, nous devons nous aider l’intelligence artificielle. Nous souhaitons aussi le développement d’un plan d’éclairage intelligent. Beaucoup de rues ne sont pas éclairées. C’est une source d’inquiétude pour les Parisiens et surtout pour les Parisiennes. C’est l’approche globale qui compte, le message envoyé à ceux qui pourrissent la vie des gens.
Avec Rachida Dati, nous imposerons la tolérance zéro. La délinquance n’est jamais une fatalité. A la fin des années 1980, New York avait le taux de criminalité le plus élevé des Etats-Unis. A la suite de l’élection de Rudolph Giuliani en 1993 et la mise en place d’une politique de «tolérance zéro», le taux s’est effondré. Anne Hidalgo est enfermée dans une bulle de dogmatisme et de sectarisme, Rachida Dati est pragmatique, c’est ce dont Paris a besoin.
Le 21 novembre dernier au Conseil de Paris, vous avez dénoncé la proposition du candidat écologiste David Belliard d’augmenter le nombre de salles de shoot, pouvez-vous revenir sur ce sujet ?
Oui, car il faut bien expliquer les choses. J’assume totalement ma position et je me suis également opposée, par voie d’amendement au Sénat, à la pérennisation de la salle de shoot du 10e arrondissement. Monsieur Belliard prend des décisions, les impose aux Parisiens, sans en subir lui-même les conséquences. Il est important de bien distinguer deux problématiques. Du point de vue sanitaire, il faut bien-sûr réduire les risques. Or justement, cette «halte soins» ne soigne pas, elle maintient les toxicomanes dans la dépendance car il n’y a pas de médecins pour les aider à se sevrer. Du point de vue sécuritaire, elle crée un abcès de fixation en attirant des nouveaux publics en errance et en grande difficulté sociale. Là encore, il faut agir avec pragmatisme et sans dogmatisme. Nous voulons des lieux adossés à des hôpitaux qui permettent aux toxicomanes de sortir de la rue sans faire porter ce coût aux riverains du quartier Lariboisière qui, aujourd’hui, vivent un véritable enfer.
Le sujet de la propreté est souvent évoqué par les Parisiens…
J’adresse un zéro pointé à Madame Hidalgo : 84% des Parisiens jugent leur ville sale et 73% se disent insatisfaits de la propreté. C’est un constat d’échec de gestion. C’est pourtant la compétence première d’un maire. Rachida Dati sera la maire de la propreté. A gauche, ils considèrent que la propreté est une préoccupation «bourgeoise», nous on assume de ne pas aimer vivre dans la crasse. Chaque année, 37.000 tonnes de dépôts sauvages sont ramassées dans la petite ceinture, dans les Bois de Boulogne et de Vincennes.
L’objectif de Rachida Dati est de faire de la capitale une ville plus sûre, plus propre et plus apaisée pour les mobilités Elle ne lâchera rien là-dessus et y mettra tous les moyens : présence accrue sur le terrain, vidéoverbalisation, amendes effectives, horaires étendus... Nous voulons plus d’agents, mais aussi privatiser une partie des services de propreté.
Que proposez-vous en termes de mobilités pour la Ville de Paris ?
Rachida Dati a été très claire. Il faut redonner de la place aux piétons. Cela passe par un plan de déplacement, qui n’existe pas aujourd’hui. Les pistes cyclables ont poussé comme des champignons sans logique concrète. Une piste cyclable bidirectionnelle vaut souvent mieux que deux pistes cyclables. Encore une fois, c’est du bon sens. Il faut un schéma cohérent de mobilité. Nous mettrons fin au chaos de l’espace public, en sortant de cette logique de mise en concurrence de toutes les mobilités.
La question de la dette de la Ville de Paris est également souvent dénoncée, déplorez-vous le nombre de fonctionnaires notamment ?
Il y a 52.000 fonctionnaires, mais beaucoup sont dans des bureaux. Nous aimerions qu’il y en ait davantage sur le terrain. Il y a également un fort taux d’absentéisme, 9,4%. J’avais d’ailleurs interpellé l’ancien ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian sur ce sujet.
Il est nécessaire d’évoluer, d’autant plus que les impôts locaux ont augmenté. On passe notre temps à ponctionner l’argent des Français sans que cela ne bénéficie aux services publics. Les urgences sont saturées, le niveau de l’école est en chute libre, ce n’est plus possible, y compris à l’échelle locale de Paris. Les Parisiens sont aussi écœurés par les voyages et les notes de frais d’Anne Hidalgo et ses équipes. C’est d’autant plus choquant que la gauche passe quand même ses journées à donner des leçons de morale et de vertu à la terre entière, sans jamais se les appliquer à elle-même. L’argent public n’est pas de l’argent de poche. Chaque euro doit être mis au service des habitants, dépensé de manière exemplaire et soumis à un contrôle exigeant.
La division de la droite et du centre entre Rachida Dati et Pierre-Yves Bournazel ne risque-t-elle pas de vous affaiblir ?
Je ne pense pas. Rachida Dati est au-dessus de la logique des partis. C’est une marque. Elle a une incarnation très forte. Les Parisiens reconnaissent en elle sa niaque et la femme de terrain. Elle a également cette empathie Chiraquienne qui force l’admiration. Elle peut convaincre aussi bien des habitants de l’est parisien que de l’ouest. Elle est à l’aise dans tous les arrondissements, avec tous les Parisiens, aussi différents qu’ils soient. Et avec le nouveau mode de scrutin, le lien est désormais direct entre les citoyens et la candidate, ce qui va favoriser Rachida car elle est la seule à incarner cette politique de rupture nécessaire à la Ville de Paris.
En 2020, La France insoumise faisait 4% à Paris, elle semble, avec sa candidate Sophia Chikirou, disposée à réaliser un meilleur score. Est-ce une source de préoccupation ?
Le plus grand danger pour Paris serait une progression notable de La France insoumise qui parviendrait à influencer les choix des socialistes vers toujours plus de radicalité. Tous les problèmes que nous venons d’évoquer deviendraient XXL ! Car il y a une montée en puissance de la gauche radicale. Paris est le symbole de l’effacement de cette gauche d’autrefois, dite «républicaine», qui vantait l’universalisme et l’émancipation, et qui est aujourd’hui absorbée par La France insoumise. Cette évolution est très inquiétante pour la cohésion nationale et la démocratie. Rachida Dati dispose du caractère pour aller parler à tous les électeurs et dans tous les quartiers de Paris et ainsi faire barrage à cette gauche radicale.
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