Entretien
Près d’une semaine après le second tour des législatives qui ont laissé l’Assemblée sans majorité claire, la ministre de la Culture s’adresse à sa famille politique : « Nos électeurs ne nous pardonneraient pas d’avoir refusé la main tendue par Emmanuel Macron ».
Le Parisien - 12 juillet 2024 - Par Marion Mourgue et Alexandre Sulzer
Rachida Dati, toujours ministre de la Culture, juge que « la dissolution n’était pas inutile » pour clarifier le paysage politique et que le « Nouveau Front populaire est divisé sur tout : sur les idées et sur les personnes ». « Et tout cela prouve leur impréparation à gouverner le pays », estime-t-elle.
Vous êtes toujours ministre de la Culture. Jusqu’à quand ?
RACHIDA DATI. Je suis toujours ministre. D’ailleurs, j’ai annoncé jeudi des mesures ambitieuses et inédites dans le cadre du Printemps de la ruralité pour permettre un meilleur accès à la culture pour 22 millions de nos compatriotes. Il y aura désormais une direction dédiée à la politique culturelle dans la ruralité au ministère de la Culture. Et, la semaine prochaine, j’annoncerai le nouveau Pass culture suite à une réforme en profondeur que j’ai menée depuis cinq mois. Ce nouveau Pass culture permettra enfin de réduire les inégalités d’accès à la culture et aux métiers de la culture pour les jeunes, en y intégrant enfin de la médiation et de la formation. Et je poursuivrai cette mission jusqu’à la décision du président de la République de former un nouveau gouvernement.
Emmanuel Macron a envoyé cette semaine une lettre aux Français et demande aux groupes politiques de s’organiser : n’est-ce pas un peu facile après avoir dissous ?
Dans ce message aux Français, le président de la République en appelle à la responsabilité des républicains de tous bords dans l’intérêt du pays. Il demande que chacun, dans ce moment de gravité et de solennité, prenne ses responsabilités. Les résultats de ces élections nous obligent compte tenu du taux de participation historique, avec un résultat assez clair : personne n’a la majorité. Et la gauche, toute tendances confondues, est particulièrement minoritaire dans le pays puisqu’elle réunit tout juste 27 % des voix. Pour finir, s’adresser à l’ensemble des Français est toujours une marque de considération.
Qui a le profil idéal pour conduire un gouvernement ?
Une personnalité qui est convaincue que sa mission sera d’éviter de livrer le pays à l’aventurisme des extrêmes.
Le Nouveau Front populaire (NFP) s’apprête à proposer un nom pour Matignon. Faut-il le mettre de côté par principe ?
Le Nouveau Front populaire est divisé sur tout : sur les idées et sur les personnes. Et tout cela prouve leur impréparation à gouverner le pays. Ce qui est majoritaire dans le pays, c’est une demande de protection, de contrôle des flux migratoires, de revalorisation de la valeur travail et, avec elle, du pouvoir d’achat. C’est le développement de notre souveraineté industrielle, qui passe, en particulier, par la relance du programme nucléaire. Le souhait majoritaire des Français, c’est cela. C’est l’inverse des proclamations du NFP.
Mais était-ce à vos yeux une bonne idée de dissoudre ?
La forte participation des Français à ces élections montre à elle seule que la dissolution n’était pas inutile.
Le macronisme est-il « mort » comme le jugent certains macronistes ?
Ce qui a fait la force d’Emmanuel Macron, c’est de souligner que l’intérêt du pays peut être un enjeu partagé par des personnalités de tous bords. Et cette conviction, je la partage et elle n’est pas morte.
Le RN a été fort au premier tour et le front républicain a fonctionné au second. Quelles leçons en tirer ?
Une majorité de Français s’est mobilisée au premier tour contre l’extrémisme de gauche, et au deuxième tour contre l’extrémisme de droite. Il y a donc, avec le soutien de la majorité des Français, un chemin pour les républicains de tous les bords. C’est pour cela que le président de la République appelle à la concertation et à la responsabilité.
Mais êtes-vous optimiste sur la sortie de crise ? Les législatives ont eu lieu il y a une semaine…
L’intérêt du pays exige que nous restions mobilisés pour lui. Mon optimisme se situe là. J’espère que le bon sens l’emportera partout, en particulier dans ma famille politique, celle de la droite républicaine.
Le président du groupe de la « Droite républicaine », Laurent Wauquiez, a-t-il raison d’exclure par principe toute participation de LR au gouvernement ?
À ce jour, les discussions ne sont pas figées. Laurent Wauquiez a proposé un pacte législatif. Ce pacte législatif peut amener à une participation ou non au gouvernement. Mais l’essentiel est d’être en soutien à ce gouvernement de coalition. Nombreuses sont aujourd’hui les personnalités de la droite républicaine à vouloir s’engager dans la recherche d’une coalition pour l’intérêt de la France. J’appelle la droite républicaine à soutenir une coalition. Nos électeurs ne nous pardonneraient pas d’avoir refusé la main tendue par le président de la République, alors qu’il s’agit d’éviter le chaos au pays.
À Paris, la droite n’a pas obtenu de députés et le camp macroniste a perdu trois sièges au profit de la gauche. N’est-ce pas annonciateur de mauvaises nouvelles pour la droite pour les municipales ?
À Paris, il y a toujours eu un décalage entre les échéances nationales et les échéances municipales. C’était déjà vrai du temps de Jacques Chirac. Je pense que le rejet de la politique de la majorité municipale demeure une donnée forte. L’aspiration à changer Paris est là. Il appartient à tous ceux qui souhaitent changer Paris de se rassembler. C’est comme cela que le député Jean Laussucq (ancien directeur de cabinet de Rachida Dati, élu d’une circonscription qui comprend le VIIe arrondissement) a réussi à rassembler une majorité d’électeurs dans la 2e circonscription de Paris. À titre personnel, j’en suis extrêmement fière.
Anne Hidalgo se baignera le 17 juillet dans la Seine. L’accompagnerez-vous ?
Je ne suis pas certaine que ce soit le dossier le plus prioritaire de la Ville de Paris. D’autres dossiers mériteraient beaucoup plus d’énergie et d’investissements.
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