Justice
En ouvrant la voie à de nouveaux procès dans les affaires Sarkozy et Fillon, le Conseil constitutionnel va notamment permettre de mettre en lumière le traitement judiciaire anormal réservé à l’ancien premier ministre, analyse l’avocat.
Le Figaro - 3 octobre 2023 - Par Hervé Lehman
La décision du Conseil constitutionnel qui ouvre la porte à une cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris est le premier succès judiciaire de l'ancien premier ministre, après une longue suite de déconvenues couronnée par une lourde condamnation à quatre ans de prison avec sursis, 375.000 euros d'amende et dix ans d'inéligibilité prononcée le 9 mai 2022.
La question tranchée par le Conseil constitutionnel est quelque peu technique, mais derrière elle se profile le traitement politique de l'affaire pendant la campagne présidentielle de 2017. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'il y avait une violation des droits de la défense et du droit à un recours effectif, garantis par la Déclaration des droits de l'homme de 1789, par l'article 385 du code de procédure pénale qui interdit d'invoquer devant le tribunal correctionnel des moyens de nullité antérieurs à la clôture de l'instruction., même si le prévenu ne pouvait en avoir connaissance.
Cela fait référence à la découverte, au cours des dépositions devant une commission d'enquête parlementaire, des instructions que le procureur national financier avait reçues pour ouvrir en urgence une instruction, seul moyen d'obtenir une mise en examen du candidat de la droite, favori dans les sondages, juste avant l'élection présidentielle de 2017, ce qui a changé le cours de l'Histoire de France.
Calmement, au cours d'une séance filmée et publiée en juin 2020, Eliane Houlette avait exposé pendant plus d'une heure, notes à l'appui, les pressions dont elle avait fait l'objet pendant l'affaire Fillon : «La subordination au garde des Sceaux des magistrats du parquet nuit au traitement pacifié des affaires, en particulier celles qui concernent le monde politique». Elle avait expliqué qu'existait chez les magistrats du parquet, «une culture de soumission ou, je préfère, une culture de dépendance».
Puis, après avoir raconté qu'elle avait fait l'objet de demandes de notes incessantes et pressantes sur le dossier Fillon de la part du parquet général, jusqu'à des notes sur les avocats des mis en cause, elle avait révélé le secret de la décision d'ouvrir une information, : «J'ai été convoquée par le parquet général avec trois de mes collègues parce que le choix de procédure que j'avais adopté ne convenait pas. On m'engageait à changer de voie procédurale, c'est-à-dire à ouvrir une information ; j'ai d'ailleurs reçu une dépêche du procureur général en ce sens (…) Pour moi, rien ne justifiait l'ouverture d'une information judiciaire.» C'était, avait-elle conclu, «un contrôle très étroit et une pression très lourde.»
Tout cela met en lumière la manière détestable dont le parquet national financier [...] a été utilisé par François Hollande et Christiane Taubira comme une arme fatale contre les deux leaders de la droite.
Hervé Lehman
Le Procureur général de Paris, Catherine Champrenault, ancienne membre du cabinet de Ségolène Royal, propulsée de manière inédite du plus petit parquet général de France au premier d'entre eux peu de temps auparavant par François Hollande, avait dû admettre qu'elle avait bien donné des instructions orales puis écrites en ce sens. Or, les instructions individuelles du Procureur général doivent figurer au dossier de la procédure et elles ne s'y trouvaient évidemment pas.
Cette irrégularité de procédure, révélée par Eliane Houlette dans ces déclarations postérieures à la clôture de l'instruction, a été écartée par le tribunal correctionnel puis la cour d'appel en application de la règle qui est aujourd'hui censurée par le Conseil constitutionnel.
François Fillon ne sera peut-être pas blanchi des accusations portant sur la réalité du travail de son épouse comme assistante parlementaire, mais son troisième procès permettra de mettre en évidence qu'il a fait l'objet d'un traitement judiciaire parfaitement anormal et réservé au candidat de l'opposition, comme cela ne s'était jamais vu sous la Ve République et ne se voit dans aucune démocratie.
Nicolas Sarkozy va également bénéficier de la décision du Conseil constitutionnel parce qu'on lui a interdit, pendant le procès «Bismuth», de contester la procédure secrète et parallèle menée par le Parquet national financier pour chercher, à travers les factures téléphoniques de quelques avocats, qui l'aurait averti qu'il était sur écoutes téléphoniques, ce qu’Éric Dupond-Moretti avait qualifié de barbouzerie judiciaire.
Tout cela met en lumière la manière détestable dont le Parquet national financier, créé officiellement pour lutter contre la grande délinquance financière, a été utilisé par François Hollande et Christiane Taubira comme une arme fatale contre les deux leaders de la droite, qui ne s'en est toujours pas remise.
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