
Politique
Le Premier ministre expose auprès de notre journal la réforme qu’il doit annoncer ce mardi à Chartres (Eure-et-Loir) et qui donnera la haute main aux préfets dans les départements sur les agences d’État et les directions régionales publiques.
Le Parisien - 6 juillet 2025 - Par Par Marcelo Wesfreid
C’est souvent un parcours du combattant, doublé d’un casse-tête administratif bien français. Pour construire un hôtel sur une friche industrielle ou une nouvelle usine, un entrepreneur doit la plupart du temps taper à une multitude de portes : services de l’urbanisme, archéologie préventive, ministère de la Transition écologique, architectes des Bâtiments de France, fisc, etc. Avec des interlocuteurs qui ont tous des exigences différentes. De quoi parfois décourager les plus enthousiastes.Pour y remédier, François Bayrou entend remettre à plat cet empilement chaotique de structures. Ce mardi 8 juillet, il réunit à la préfecture de Chartres (Eure-et-Loir) tous les préfets afin de leur présenter la révolution qu’il appelle de ses vœux.
« Je vais annoncer une réorganisation complète de l’État, localement, autour des préfets, explique le Premier ministre auprès de notre journal. Car le système actuel avec son éclatement d’institutions, d’administrations et d’agences indépendantes les unes des autres est très cher et inefficace. Personne ne s’y retrouve. »« On va faire en sorte qu’il y ait un responsable, qui commande »
Pour cela, François Bayrou doit procéder à la révision du décret de 2004 qui fait du préfet le représentant de l’État dans les départements et fixe son champ d’action. Le choix de Chartres n’est pas anodin. C’est là qu’exerçait Jean Moulin, figure la plus glorieuse du corps préfectoral. Le résistant y fut torturé en 1940 pour avoir refusé de signer un protocole rédigé par les Allemands. Le Premier ministre présidera une cérémonie en son honneur.
Au cœur des crises quand elles surviennent (émeutes, Covid, etc.), le préfet n’a toutefois pas la main sur tout (justice, armée, fiscalité, santé, éducation, etc.). « On va faire en sorte qu’il y ait un responsable, qui commande et à qui on demande si besoin des comptes. Ça change tout, assure François Bayrou. Ce chantier est nécessaire à un moment où, on le sait, il faudra veiller encore plus à l’utilisation de l’argent public, pour qu’il soit utilisé à bon escient. »
Le chef de gouvernement est persuadé qu’il y a là un vivier d’économies, en contrôlant mieux des directions régionales ou des agences de l’État. Ces structures se sont multipliées ces dernières années. Elles sont dans le collimateur de l’exécutif. François Bayrou, qui cherche 40 milliards d’euros pour l’an prochain, doit annoncer des fusions et des suppressions de certains opérateurs publics, le 15 juillet lors d’une conférence de presse sur le prochain budget.
En coulisses, certaines réunions d’arbitrage « musclées »
« Ce que je vais proposer autour des préfets de département a été concerté avec les administrations », insiste le locataire de Matignon. En coulisses, certaines réunions d’arbitrage ont été « musclées », rapporte un témoin. Des bras de fer ont eu lieu notamment avec le ministère de la Santé (qui pilote les Agences régionales de santé) et avec l’Éducation nationale, qui n’entend pas voir les préfets empiéter sur le pouvoir de leurs directeurs académiques.
« Lutter contre l’inflation de structures et d’administrations parallèles est un chantier nécessaire, estime le député Liot d’Eure-et-Loir Harold Huwart. Mais quels moyens se donnera François Bayrou pour y arriver et à quelle échéance ? Car cela passe par un acte d’autorité de la part du Premier ministre sur ses ministres et par des actes législatifs. » Ce qui, faute de majorité à l’Assemblée, reste encore hypothétique.
Effet d’annonce ou future réforme ? « Voilà dix ans qu’il y a des projets en ce sens, qui ne sont pas allés au bout », concède François Bayrou. Mais le maire de Pau ― qui a survécu à huit motions de censure ― espère pouvoir faire mentir la loi des séries.
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