Politique
La chef des députés RN, qui exclut une censure d’office, épargne le nouveau premier ministre.
Le Figaro - 13 décembre 2024 - Par Paul Laubacher
Est-ce une surprise ? Marine Le Pen a suivi de près ces derniers jours les circonvolutions d’Emmanuel Macron dans le choix de son futur premier ministre. Elle y a vu la confirmation que le chef de l’État était quelqu’un d’« irrésolu » lors d’une séquence qui lui est apparue « foutraque ». La séquence vient de se terminer, et Marine Le Pen peut sourire, elle qui avait lancé ses troupes contre Roland Lescure, quand elle avait appris que ce macroniste de la première heure avait un temps été envisagé par Emmanuel Macron.
Si la candidate « naturelle » du RN à la prochaine présidentielle estime qu’« il n’y avait évidemment pas de bonne solution » pour son parti, la nomination de François Bayrou à Matignon par le chef de l’État ce vendredi a tout de même le goût d’une petite victoire. « Ce qui est sûr, c’est que tous ceux qui affirmaient que le choix se ferait sans le Rassemblement national (RN) ont eu tort. Le président n’a pas oublié que la condition première est que le futur premier ministre soit susceptible de nous parler », déclare au Figaro la présidente du groupe parlementaire nationaliste, qui estime être revenue au centre du jeu.
Le parti à la flamme a fait part de sa position vis-à-vis du nouvel hôte de Matignon, neuf jours après avoir voté la motion de censure déposée par les forces du Nouveau Front populaire pour renverser le gouvernement de Michel Barnier. « Il n’y aura pas de censure a priori », a fait valoir Jordan Bardella, le président du RN, alors qu’il était invité par le nébuleux Business Chinese Club pour un grand oral. Et à l’héritier de Marine Le Pen de préciser : « Notre censure a priori aurait été engagée à l’encontre d’une personnalité issue de la gauche et issue de l’extrême gauche. Nous avions indiqué que nous étions prêts à ne pas censurer a priori une personnalité ou un profil qui serait issu de la droite et du centre. »
Ce n’est pas tant l’origine politique de François Bayrou que son rapport avec le RN qui pourrait provoquer la clémence du parti. « On se connaît depuis longtemps », confie Marine Le Pen, 56 ans, au Figaro à propos du président du Mouvement démocrate (MoDem), 73 ans. « Nous avons toujours eu des relations correctes », ajoute-t-elle. Et même des combats communs : la banque de la démocratie pour permettre aux partis politiques de se financer sans les banques, la banque des parrainages pour permettre à certains candidats de se présenter à l’élection présidentielle (le maire de Pau était allé jusqu’à parrainer la candidate RN en 2022), et surtout l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives. La députée RN n’a surtout pas oublié que François Bayrou l’avait défendue après le réquisitoire du parquet lors de son procès. Elle risque une peine d’inéligibilité de 5 ans, avec effet immédiat. Une condamnation qui l’empêcherait d’être candidate à une future élection présidentielle. Le jugement doit être rendu le 31 mars prochain.
« François Bayrou est quelqu’un d’intelligent, de politique »
Selon Marine Le Pen, il y a une évidence dans la nomination de François Bayrou : « Il n’est pas nommé pour faire une politique macroniste. Il est nommé pour trouver un compromis sur le budget et des voies de passages » sur certains textes. Dans la ligne de mire de la chef de file du RN, la proportionnelle évidemment, en vue de la prochaine (et pour l’instant hypothétique) dissolution. Elle estime que c’est le seul mode de scrutin qui permettrait de « dégager une majorité ». « Il y a moyen de trouver un terrain d’entente », estime-t-elle.
Mais aussi sur le budget donc, le dossier le plus urgent du moment. Marine Le Pen s’attend à être reçue par le nouvel hôte de Matignon. « François Bayrou est quelqu’un d’intelligent, de politique », plaide-t-elle. La députée RN prévoit d’y venir avec le contre-budget que son groupe avait réalisé sous le coude, et pour entamer les discussions. Elle plaidera pour des « réformes structurelles » qui sont « fondamentales », mais sans « recul pour les droits des Français ». Elle refusera toutes « augmentations d’impôts ou de charges ».
Sur X (ex-Twitter), la candidate « naturelle » du RN à la prochaine présidentielle déclare plus officiellement : « Soucieux de l’impérieuse nécessité de protéger les Français, nous lui demandons d’entreprendre ce que son prédécesseur n’a pas voulu faire : entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi. » Elle prévient aussi le nouveau premier ministre : « Toute autre politique qui ne serait que le prolongement du macronisme, rejeté par deux fois dans les urnes, ne pourrait mener qu’à l’impasse et à l’échec. » François Bayrou ne devrait pas non plus oublier le principal avertissement de Marine Le Pen, qu’elle a posé dans une interview au Figaro il y a une semaine : « Je peux tout à fait voter à nouveau une motion de censure. »
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