Tribune

Pour gouverner sans majorité absolue, la gauche devra composer. C’est-à-dire s’émanciper de la tutelle de LFI.

Le Journal.info - 8 juillet 2024 - Par Laurent Joffrin

Toujours l’arrogance de Mélenchon… Depuis 2022, la France insoumise ne cesse de tirer la gauche vers le bas. Outrances permanentes, ambiguïté avec l’antisémitisme, communautarisme à peine déguisé, agressivité parlementaire, etc. Voici que le leader de LFI prétend maintenant continuer de diriger la coalition, alors qu’il ne cesse de régresser. Un petit 10% aux élections européennes, quand le PS était à 14% ; une purge désavouée par l’électorat, puisque trois des quatre dissidents exclus ont été reconduits haut la main dans leur circonscription ; et maintenant un score parlementaire sans gloire, puisque le parti mélenchoniste retrouve à peine le nombre d’élus qu’il avait avant ces législatives, tandis que le Parti socialiste double son score.

Et pourtant sa volonté hégémonique est intacte. Parlant au JT cinq minutes après le résultat des législatives connu, il se pose en patron du Nouveau Front Populaire et dicte la marche à suivre : aucune alliance, aucune concession, aucune discussion. Ce sera le programme signé en commun, qu’il convient d’appliquer entièrement, ni plus ni moins, sous peine d’excommunication pour ses partenaires.

Déclaration absurde : comment Jean-Luc Mélenchon peut-il espérer imposer son programme et rien que son programme, quand la gauche ne représente d’un tiers de la représentation à l’Assemblée ? Croit-il qu’il trouvera, par définition, une majorité pour voter ses textes, alors que ceux qui s’y opposent sont eux-mêmes majoritaires ?

Il faut craindre qu’il ait autre chose en tête : provoquer par son intransigeance un blocage politique qui ouvrira une nouvelle crise et, au bout du compte, acculera Emmanuel Macron à la démission. Les conditions seraient alors réunies pour qu’il puisse se présenter sans qu’une personnalité suffisamment forte le concurrence à gauche. Hypothèse dangereuse à tous égards : s’il parvient à ses fins, il représentera la gauche au second tour de cette présidentielle, face à Marine Le Pen. Avec de grandes chances d’être battu.

La vérité, c’est que la gauche ne peut espérer gouverner sans passer, d’une manière ou d’une autre, des compromis avec des forces plus centristes. Les électeurs ne lui ont pas donné mandat pour appliquer son programme, mais pour empêcher le RN de prendre le pouvoir. N’oublions pas que les députés NFP dans la nouvelle assemblée ont été élus, pour une bonne partie d’entre eux, par des électeurs d’un autre bord. Cette légitimité hybride impose discussion et ouverture et non raidissement dogmatique sur les thèses du NFP. S’ils veulent faire passer une partie des mesures qu’ils souhaitent, les socialistes devront composer. C’est-à-dire se délivrer de la tutelle mélenchoniste. Il est temps.