Politique
Le président, LR, de la région des Hauts-de-France, se tient prêt pour Matignon. Ce tenant d'une droite équilibrée entre justice sociale et ordre républicain a battu le RN deux fois dans sa région. Mais rien ne dit que le chef de l'État ait envie d'une cohabitation avec lui.
Le Figaro - 6 août 2024 - Par Carl Meeus
« Il suffira d'un signe, un matin. » Fidèle soutien des Restos du cœur et des concerts des Enfoirés, Xavier Bertrand connaît évidemment cette chanson de Jean-Jacques Goldman. Alors, il attend un signe d'Emmanuel Macron. Tranquille et serein. « Zen », comme il dit. Puisqu'il sait que son éventuelle nomination à Matignon par le président de la République ne dépend pas de lui. Et qu'en politique averti, il a compris qu'Emmanuel Macron n'aime pas qu'on lui force la main.
Depuis le 7 juillet, soir du second tour des élections législatives, Xavier Bertrand s'est remis sur le devant de la scène politique et médiatique. Le président de la région Hauts-de-France a quelques atouts à faire valoir dans la période compliquée qui s'annonce. Faute de majorité absolue à l'Assemblée nationale, le président de la République va devoir composer avec les partis politiques venus d'horizons différents, tenter de faire travailler ensemble droite et gauche pour barrer la route au Rassemblement national en 2027. Justement, Xavier Bertrand a déjà battu deux fois le RN, dans sa région, en 2015 et en 2021. En 2015, il défait Marine Le Pen, pourtant arrivée avec plus de 40 % des voix au premier tour. Avec 25 %, Xavier Bertrand est loin derrière, mais bénéficie du retrait de la gauche. Contrairement aux pronostics qui donnaient la région au RN, il l'emporte avec 57,8 % des voix. Et conserve les Hauts-de-France en 2021. Dès le premier tour, il a creusé l'écart en rassemblant plus de 41 % des suffrages. Malgré la présence d'une liste macroniste, renforcée par des ministres comme Éric Dupond-Moretti.
Il faut dire que les relations avec Emmanuel Macron sont exécrables. Le président n'a aucune confiance en lui et craint un coup de Trafalgar une fois à Matignon. Pour autant, il se renseigne sur celui qui fut ministre de la Santé de Jacques Chirac et ministre du Travail de Nicolas Sarkozy. « Il est comment ? » demande-t-il à ses interlocuteurs. « Il est prêt à relever le défi, lui répond un proche de Xavier Bertrand. Il est préparé. » Figure de la droite sociale, il rappelle que la fermeture de la jungle de Calais, en 2016, s'est faite sous sa présidence, avec Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur. Tout comme la résiliation du contrat de l'État avec le lycée privé musulman Averroès. Manière de montrer que sur les questions régaliennes, il n'est pas partisan du « consensus mou ». Il multiplie les contacts à droite comme à gauche, avec le patronat comme avec les syndicats. Il a revu Nicolas Sarkozy, qui plaide depuis longtemps pour un accord de la droite avec le président.
«Il faudra du savoir-faire politique»
À Saint-Quentin, au supermarché dimanche dernier, des habitants qu'il a croisés lui ont dit : « Il faut y aller, il faut se retrousser les manches. » L'ancien assureur de 59 ans sait que la mission est, quasiment, impossible. Mais il est prêt à prendre le risque, à mettre de côté son agenda politique plutôt orienté vers 2027. « Son horizon, désormais, c'est 2025. Si on a un autre agenda en tête à Matignon, on échoue. » À l'Assemblée nationale, il a des appuis dans la plupart des groupes. Il sait que Laurent Wauquiez ne lui fera pas de cadeau, mais parie sur le fait qu'aucun député LR ne voterait une motion de censure contre un premier ministre issu de ses rangs.
Emmanuel Macron l'appellera-t-il ? Certains dans l'entourage du président en doutent fortement. Son nom avait déjà été testé lors des précédents remaniements, mais il n'a jamais été nommé. Pourquoi le ferait-il cette fois-ci, alors que sa préférence va à une personnalité en dehors de la politique ? Un choix qui écarterait Xavier Bertrand, alors que le moment est peut-être justement plus politique que jamais ! « Il faudra du savoir-faire politique, ce sera très compliqué », admet un proche de celui qui assure garder « la tête froide » en attendant la décision présidentielle. Comme le chantait Jean-Jacques Goldman : « Nous n'avons plus que ça au bout de notre impasse / Le moment viendra, tout changera de place. »
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