Politique
En s’appuyant sur sa garde rapprochée, le président de LR remet le parti au travail et reconstruit ses fondations. Objectif : 2027
L'Opinion - 4 décembre 2025 - Par Christine Ollivier
Bruno Retailleau en est convaincu : c’est d’abord par son projet que la droite pourra retrouver le chemin du pouvoir. Le président des Républicains n’a-t-il pas été le bras droit de François Fillon, qui a remporté la primaire de 2016 en s’auto-proclamant « candidat des idées » ? Près de dix ans plus tard, le Vendéen veut appliquer les mêmes recettes.
Dès mars dernier, en pleine campagne interne, il a donc demandé au chef d’entreprise Pierre Danon, l’ex-« monsieur projet » de François Fillon, de mettre sur pied des groupes de travail chargés de plancher sur un projet présidentiel, dont les travaux se sont accélérés depuis sa sortie du gouvernement. Composés d’entrepreneurs, de hauts fonctionnaires, d’experts ou d’élus, ils sont au nombre d’une cinquantaine. Pour épauler Pierre Danon, le parti a embauché en septembre un nouveau directeur des études, Julien Chartier, jeune inspecteur des Finances passé par la banque américaine Morgan Stanley.
Les premières productions de cette usine à idées seront dévoilées dans quelques jours. Bruno Retailleau tiendra mercredi matin une conférence de presse pour présenter des propositions sur le pouvoir d’achat et le travail. Comme l’a révélé Politico, elles porteront sur la création d’un « compte social unique », sensiblement différent du projet d’allocation sociale unique qui doit faire l’objet d’un projet de loi en décembre, et sur la sortie des 35 heures via l’instauration d’un « seuil zéro cotisation », pour les salariés comme pour les entreprises, au-delà de 1 623 heures par an, soit 16 heures de plus que l’actuelle durée légale annuelle du travail.
Tout ce que vous verrez sortir de chez nous n’aura jamais été dit. C’est la droite qui arrive avec des idées nouvelles. Bruno Retailleau m’a demandé de renverser la table, donc je la renverse, mais sans dire n’importe quoi non plus
Pierre Danon, qui pilote les groupes de travail chargés de plancher sur un projet présidentielRadicalité. A ses proches, Bruno Retailleau réclame de la « radicalité raisonnable ». « Tout ce que vous verrez sortir de chez nous n’aura jamais été dit, promet Pierre Danon. C’est la droite qui arrive avec des idées nouvelles. Bruno Retailleau m’a demandé de renverser la table, donc je la renverse, mais sans dire n’importe quoi non plus ». La petite équipe s’est donnée pour objectif de lancer des idées dans le débat au rythme d’une fois par mois. Le dossier des retraites devrait être abordé au premier trimestre 2026. Autre thème de réflexion cher à Bruno Retailleau : « l’impossibilisme », soit la multiplication des jurisprudences qui entravent l’action politique à ses yeux.
Pour l’ex-ministre de l’Intérieur, il s‘agit de redonner de l’attractivité au parti, mais aussi de se distinguer de ses adversaires. L’eurodéputée Reconquête!, Sarah Knafo, est la nouvelle idole des chefs d’entreprises ? « La différence entre elle et nous, c’est qu’on ne va pas faire ni dire n’importe quoi », rétorque Pierre Danon. Il n’est pas plus tendre avec la proposition d’Edouard Philippe de réduire de 50 milliards d’euros les impôts des entreprises en échange de 50 milliards d’euros de coupes dans leurs aides. « Impossible et infondé », dit-il, chiffres à l‘appui. Son « modèle » : le plan Pinay-Rueff de 1958 qui s’était traduit par une sévère cure d’amaigrissement de l’administration. « C’était radical mais faisable, et ils l’ont fait », souligne-t-il.
Des rencontres entre Bruno Retailleau et des gros donateurs ont lieu « pratiquement toutes les semaines, autour d’un apéritif au siège du parti »
Parce que c’est le nerf de la guerre, le parti veut aussi renforcer ses moyens, alors que ses dotations publiques ont fondu à 7,5 millions d’euros par an et qu’il traîne toujours une dette d’environ 8 millions d‘euros. Outre des appels aux dons auprès des adhérents, qui ont permis de récolter plusieurs centaines de milliers d’euros depuis la rentrée, l’heure est à la chasse aux mauvais payeurs parmi les élus, à commencer par les députés réticents à se rattacher financièrement au parti. Sur 49, cinq ont franchi le pas en refusant de flécher leurs dotations vers le mouvement. « La manoeuvre de Laurent Wauquiez a échoué », en conclut-on au siège de LR, où on accuse le président du groupe à l’Assemblée nationale d’avoir incité ses troupes à la rébellion.
Avec sa casquette de trésorier du parti, Pierre Danon, organise par ailleurs des rencontres entre Bruno Retailleau et des gros donateurs, « pratiquement toutes les semaines, autour d’un apéritif au siège du parti ». S’y retrouve selon lui « la France des entrepreneurs ».
Bruno Retailleau sait où il va et il est prêt sur tous les sujets. J’ai vu à Beauvau à quelle vitesse il a enfilé le costume et il y a une attente pour ce qu’il porte : fermeté et liberté
Jean-François Dejean, directeur général de LRClan. Parce qu’il faut, aussi, pouvoir s’appuyer sur des troupes, les hommes de Bruno Retailleau ont lancé la remise en marche d’un parti qu’ils ont trouvé à l’arrêt. Au coeur du dispositif, le Vendéen a placé Jean-François Dejean, un fidèle parmi les fidèles rencontré dans les années 1980 au conseil général de la Vendée, et qui l’a suivi comme secrétaire général du groupe LR au Sénat puis au ministère de l’Intérieur, où il occupait les fonctions de conseiller spécial. En tant que directeur général de LR, il est désormais la tour de contrôle du parti, avec sa trentaine de salariés et ses 129 000 adhérents. « Bruno (Retailleau) sait où il va et il est prêt sur tous les sujets, dit-il. J’ai vu à Beauvau à quelle vitesse il a enfilé le costume et il y a une attente pour ce qu’il porte : fermeté et liberté ».
Autour du président de LR se reconstitue le clan des Vendéens qui composent sa garde rapprochée depuis les années de Villiers. Son ancien chef de cabinet au ministère de l’Intérieur, Louis-Marie Le Roy, rejoindra prochainement le parti. Son communicant, Jean-Baptiste Doat, n’est jamais très loin non plus, même s’il a souhaité garder un statut d’électron libre, via son agence, Qatane.
Depuis la rentrée, le site internet de LR a été toiletté et une nouvelle application à destination des militants, qui doit faciliter l’organisation de consultations internes, sera lancée dans quelques jours. La direction des élections et celle des fédérations ont été regroupées, placées sous l’autorité de Jens Villumse, un proche du secrétaire général, Othman Nasrou, et renforcées par le recrutement de six chargés de mission. Un « guide de la fédération et des militants » sera envoyé dans toutes les départements d’ici à deux semaines. Objectif selon Jean-François Dejean : « relancer une vie militante ». Une « cellule riposte » complémentaire des porte-paroles est aussi en cours de constitution.
Un travail de fourmi qui se tient à l’écart des barons LR. « Quand il a été élu [à la tête du parti], je me suis dit : il va s’ouvrir. Pas du tout !, râle l’un d’eux. Il travaille avec trois Vendéens et Bellamy ». Les autres ambitieux de la droite le lui rendent bien, qui boudent depuis des semaines les réunions des instances LR. Laurent Wauquiez, David Lisnard ou Xavier Bertrand vivent leur vie de leur côté, les premiers en œuvrant pour une primaire dépassant largement les frontières de LR, le troisième en menant sa campagne parallèle, pendant que Bruno Retailleau, lui, rebâtit petit à petit les murs de sa forteresse LR.
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