Tribune

Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée pour éclaircir la situation politique. À ce jour, c’est une réussite remarquable…

Le Journal.info - 10 juillet 2024 - Par Laurent Joffrin

Étrange méthode… Connu pour son goût des discours, des interventions, des allocutions, des « grands débats », des éloges, des confidences et des confessions, le Président de la République a choisi de s’exprimer par une courte lettre publiée par la presse régionale – tant mieux pour elle – et non par ce qui aurait été logique : une adresse télévisée à ces Français qu’il a plongés, par sa seule volonté, dans ce qui ressemble de plus en plus à un chaos politique. Il a justifié sa décision de dissoudre par un désir de « clarification ». La situation est en effet très claire. On peut la résumer fort simplement.

Contre toute attente, la gauche est arrivée en tête des élections législatives, elle revendique donc le pouvoir pour appliquer son programme, mais elle ne réunit qu’une petite majorité, ce qui l’oblige, en principe, à s’allier avec d’autres, formule que la France insoumise écarte résolument ; ce refus pourrait laisser la voie libre pour une autre majorité, constituée cette fois des macronistes coalisés avec la droite républicaine, hypothèse fragile puisqu’une partie d’entre eux ne le souhaitent pas et que le futur président du groupe concerné, Laurent Wauquiez, refuse toute coalition, ce qui obligerait ceux qui le veulent à scissionner, chose qu’ils ne semblent pas envisager, pour se rapprocher des macronistes qui, eux, le souhaitent, mais qui se heurtent à l’opposition de leur aile progressiste, laquelle rêve de s’allier avec une partie de la gauche, opération qui semble difficile dans la mesure où ladite gauche entend rester unie pour gouverner seule, tâche à son tour très ardue puisqu’elle court le risque de se voir opposer une motion de censure, comme l’ont dit un certain nombre de macronistes et d’élus de droite, ce qui mènerait à l’impasse, une impasse qui a conduit quelques Insoumis à proposer une marche populaire sur l’Hôtel Matignon où Gabriel Attal continue de gouverner, sans rien faire puisqu’il ne dispose d’aucune majorité décelable et qu’aucune autre ne peut aujourd’hui proposer un gouvernement cohérent à cause de l’opposition manifestée par les autres, qui sont incapables de s’entendre pour formuler une alternative. Formidable clarification, donc, comme chacun peut en juger.

Pendant ce temps, Marine Le Pen est secrètement invitée à dîner par quelques excellences macroniennes, officiellement pour constater des désaccords mais probablement pour autre chose, sans qu’on sache quoi. Rien n’a filtré de ces agapes, la nature du breuvage qui lui a été servi. Ces dîners lui ont permis, à n’en pas douter, de boire du petit lait.