Tribune

En lançant une campagne pour la destitution du président, le leader de LFI n’a d’autre but que torpiller l’union et d’apparaître comme le seul opposant de gauche à Emmanuel Macron.

Le journal.info - 19 août 2024 - Par Laurent Joffrin

Du sabotage : il n’y a pas d’autre mot pour qualifier la dernière incongruité médiatique de Jean-Luc Mélenchon. Sans prévenir personne, sinon par un tweet désinvolte quelques heures avant publication, c’est-dire sans aucune discussion préalable, les dirigeants de LFI, soi-disant partenaires du NFP, annoncent qu’ils vont demander la destitution du président de la République. Excusez du peu…

Proposition outrancière et grotesque : il faudrait qu’elle soit approuvée par les deux tiers de l’Assemblée et du Sénat pour être avoir une chance d’aboutir. L’article 68 de la constitution, invoqué pour la circonstance, vise en fait les cas d’incapacité manifeste, de trahison ou de dérive dictatoriale, alors même que le président, s’il doit être critiqué pour la lenteur de ses décisions (on l’a fait ici même), consulte vendredi les partis pour nommer une ou un Premier ministre, procédure dangereusement tardive, mais logique en la circonstance.

Mis devant le fait accompli (comme d’hab), les partenaires de LFI dans le NFP se démarquent de l’initiative, tout en tâchant de la minimiser. Timidité coupable. La logique la plus élémentaire voudrait qu’ils refusent d’aller à l’Élysée avec LFI, dès lors qu’ils sont en désaccord complet sur la tactique à suivre. La gauche rationnelle veut gouverner ; Mélenchon fait cavalier seul, rompt l’unité tactique et ne pense qu’à provoquer le départ de Macron pour précipiter l’élection présidentielle avant qu’une candidature rivale puisse émerger à gauche.

Des voix de plus en plus nombreuses, au PS notamment, réclament une clarification et souhaitent en finir, sinon avec l’alliance électorale, du moins avec leur dépendance intellectuelle et stratégique envers LFI. Qui ne les comprend ? Le Nouveau Front Populaire, à la différence de l’ancien, n’est en fait d’accord sur presque rien. Ni sur la politique étrangère : LFI ne soutient pas l’Ukraine, veut affaiblir l’Europe, fait silence sur le Venezuela, considère que le Hamas n’est pas terroriste, etc. Ni sur la politique intérieure – LFI veut « tout le programme et rien que le programme », quand tous les autres ont bien compris qu’il faut, pour gouverner, faire des compromis à l’Assemblée.

L’intransigeance de LFI sur tous ces points n’a d’autre but que de dénoncer ensuite la « traîtrise » de ses partenaires pour tenter de garder sa prédominance à gauche, largement entamée depuis les élections européennes. Dans ces conditions la tactique Faure – avaler toutes les couleuvres pour conserver l’alliance ou bien, quand il ne peut pas faire autrement, se distinguer le plus discrètement possible – envoie le PS dans le mur. Le socialisme démocratique – c’est-à-dire la social-démocratie, seule identité réelle du PS – ne peut pas renaître en France sans une autonomie doctrinale, un projet crédible et une liberté de pensée et de tactique. Tout ce qu’Olivier Faure refuse.