Tribune
Alors que le lien entre dirigeants et peuple se fragilise, un dispositif lancé par de Gaulle en 1967 maintient l'unité dans l'entreprise : la participation aux bénéfices. Face à la sur-imposition qui creuse les fossés sociaux, ce mécanisme simple redistribue directement 5 % des résultats aux salariés, rappelle Jean-Christian Kipp.
Les Echos - 30 octobre 2025 - Par Jean-Christian Kipp*
Le lien entre les dirigeants de notre pays et le peuple est fragilisé, voire en passe d'être rompu. La classe politique française ne comprend plus la base, et la base s'étonne chaque jour un peu plus des propositions décalées, irréelles, hors sol qui en émanent. Pourtant, dans le monde de l'entreprise existe une disposition qui maintient un lien : la participation. Elle mériterait qu'on s'y intéresse un peu plus, pour son efficacité et pour le symbole qu'elle représente.
Lancée par ordonnance en 1967 par Charles de Gaulle lui-même, la participation relève d'un principe simple : chaque année, les salariés reçoivent une partie des bénéfices de l'entreprise selon une règle d'attribution fixée par la réglementation.
« Il décuple la motivation des salariés »
L'intérêt de ce dispositif est à l'aulne de sa simplicité. Transfert direct entre l'entreprise et ses salariés, il évite le traitement dispendieux et dilutif par l'administration.
Système distributif du succès, il reconnaît, valorise et sacralise le rôle des employés dans la performance de l'entreprise.
Mécanisme performant au sein de l'entreprise, il décuple non seulement la motivation des employés à construire la réussite, mais également leur responsabilité à l'atteindre. J'ai un souvenir ému de ces assemblées générales où je donnais, annonce tant attendue, la participation en mois de salaire. C'était le fruit d'un succès collectif qui par là même le devenait d'autant plus.
Dispositif vertueux au niveau du pays, il concourt à l'augmentation du bien-être général, accroissant la performance des entreprises et le pouvoir d'achat des employés.
Aujourd'hui, la participation redistribue en moyenne 5 % du résultat des entreprises, ce qui est faible. Du fait de son mode de calcul et de fortes disparités entre secteurs d'activité, il peut descendre jusqu'à 3 % et monter jusqu'à 25 %. Qui trouverait à redire si ce taux moyen était significativement augmenté, particulièrement s'il était accompagné d'une modération des taxes et des impôts ? Certainement pas les employés et les chefs d'entreprises.
« La surimposition impacte directement la compétitivité »
Comme le proclamait le même Charles de Gaulle, le capitalisme doit être régulé sous peine d'accaparer sans mesure les richesses créées. Cela paraît juste. Mais, dans ce pays, régulation rime beaucoup trop avec imposition. Ce n'est pas le principe de l'impôt qui est en cause, bien sûr, mais l'excès et l'inefficacité dont il se rend coupable aujourd'hui.
Nos entreprises sont déjà parmi les plus taxées au monde. Et malgré tout, une nouvelle imposition est à l'ordre du jour. Sans même parler de la taxe Zucman qui concerne non plus seulement les flux, mais le capital professionnel lui-même.
Or, dans un monde global, la surimposition impacte directement la compétitivité et obère la création d'emplois. En pâtissent l'entreprise mais tout autant les employés. La nation s'en trouve appauvrie et au lieu d'unir, se creuse le fossé entre les payeurs de l'impôt et ceux qui en bénéficient. On est loin du « win-win » qu'apporte la participation.
Dans la tête du chef d'entreprise
Le chef d'entreprise est souvent stigmatisé, mais sait-on seulement comment il raisonne ? Je ne le crois pas. Au-delà de la perte pécuniaire que représente pour lui cette imposition, bien d'autres raisons expliquent sa défiance ou ses réserves. Elles se fondent sur un souci d'efficacité.
""Difficile pour quelqu'un, dont l'obsession est de voir se développer son entreprise, d'accepter que cette contribution à la vie de la nation soit largement ponctionnée par le coût de fonctionnement d'une fonction publique obèse
Difficile pour quelqu'un dont l'obsession est de voir se développer sinon survivre son entreprise d'accepter que cette contribution à la vie de la nation soit largement ponctionnée par le coût de fonctionnement d'une fonction publique obèse, et pâtisse par ailleurs d'une gestion souvent inefficace.
Il est peiné de voir que cette manne entretient des parts improductives ou obsolètes du pays, les confortant dans cet état, alors qu'elle devrait embellir le futur.
Il est gêné de ne jamais observer de retour direct pour son entreprise autre que ces aides étatiques accordées aux entreprises, souvent sur de mauvais critères, et nécessitant des contorsions organisationnelles et administratives rarement en ligne avec la performance.
Enfin, il est déçu de constater qu'une augmentation des impôts n'est jamais allée de pair avec une amélioration de la qualité des services publics de son pays.
Quelle simplicité, quelle lisibilité, quelle efficacité déploie, par contraste la participation ! Son nom « participation » flotte comme un étendard porteur d'unité dans cette France aujourd'hui déchirée. Et si plus de monde avait la sensation de participer plus directement à la vie du pays, la paix sociale serait peut-être davantage au rendez-vous ?
*Jean-Christian Kipp est fondateur du Fonds Odysseus pour la défense des libertés et des droits de l'homme, chef d'entreprise et serial entrepreneur.
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