Tribune
Nous, dirigeants d’entreprise, voulons alerter sur les dérives d’un débat budgétaire qui risque de conduire la France à la catastrophe. Notre pays ne pourra pas préserver son modèle social s’il continue à fragiliser les forces vives qui le financent.
Trop C trop - 2 novembre 2025 - Par Erwan Le Noan*
Une nation forte, mais fragilisée
Nous avons la chance de vivre dans un grand pays, dont l’économie demeure l’une des plus puissantes au monde. 3,8 millions d’entreprises et 15 millions de salariés font vivre ce modèle de solidarité qui finance nos écoles, nos hôpitaux et nos services publics.
Mais cette vitalité est aujourd’hui menacée. Alors que la concurrence mondiale et européenne est féroce, la France travaille moins qu’ailleurs, tout en multipliant les normes et les taxes. Depuis 2024, l’instabilité politique a encore aggravé la situation. Nous avons tenu bon, souvent en silence, mais le seuil d’alerte est franchi.
Un débat budgétaire dévoyé
Ce qui devrait être un moment de lucidité et de responsabilité s’est transformé en défouloir idéologique. La maîtrise des dépenses publiques a disparu du débat, et la fiscalité — pourtant essentielle au financement du pays — est désormais pensée comme une sanction plutôt qu’un outil d’équilibre. L’Assemblée nationale semble ignorer les conséquences concrètes de ses choix : affaiblissement de l’attractivité, frein à la réindustrialisation, obstacles à la transition écologique et numérique.
Une spirale fiscale dangereuse.
Les décisions prises ou en discussion vont bien au-delà des 14 milliards d’euros de hausses d’impôts prévus dans le projet initial du gouvernement. Alors que la France détient déjà le record européen voire mondial des prélèvements obligatoires, on s’apprête à alourdir encore la charge fiscale, au risque d’anéantir croissance, emploi et recettes fiscales.
Le rejet de la taxe Zucman ne peut être considéré comme un apaisement. Les vannes sont ouvertes, et cette menace sur l’outil professionnel reviendra inévitablement dans le débat public, notamment à l’approche de l’élection présidentielle de 2027.
Comment investir, recruter ou former sereinement avec une telle épée de Damoclès au-dessus de nos têtes ?
En effet, certains textes envisagés contraindraient même des dirigeants à vendre une partie de leur entreprise pour payer l’impôt. Ce serait livrer nos outils de production à nos concurrents : peut-on imaginer abdication plus dramatique de notre souveraineté économique ?
Les faits sont là.
Nos voisins européens constatent avec étonnement — et parfois gourmandise — que la France conserve, année après année, le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe, cinq points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
Les impôts de production représentent 4,6 points de PIB, soit le double de la moyenne européenne (2,2 points). Les cotisations sociales employeurs, elles, atteignent près de 10 points de PIB, contre 7,6 dans la zone euro. Ces écarts minent notre compétitivité, notre attractivité et, à terme, notre souveraineté.
L’entreprise, pilier du modèle français.
Préserver l’entreprise, c’est préserver la France. Ce n’est pas défendre des “patrons”, c’est défendre l’intérêt collectif. Sans entreprises, pas de croissance. Sans croissance, pas d’emploi. Et sans emploi, pas de modèle social. Les entreprises et leurs salariés ont fait preuve d’une résilience remarquable. Mais ils ne peuvent pas tout supporter. Le consentement à l’impôt, oui. La spoliation, non. Trop, c’est trop.
Pour une vision d’avenir
Depuis des décennies, notre croissance reste en deçà de son potentiel. Notre richesse par habitant recule, nos services publics se dégradent malgré des dépenses record. Avant d’étouffer le pays sous toujours plus d’impôts, rendons la dépense publique plus efficace.
Notre double dépendance à la dépense et à l’impôt étouffe l’économie, décourage l’investissement et alimente les extrêmes. La France mérite mieux. Nous voulons y contribuer, comme nous l’avons toujours fait — mais pas sans vision, pas sans cohérence, pas sans confiance.
Nous appelons la représentation nationale à faire preuve de responsabilité en remettant l’économie réelle au coeur des débats, l’avenir de notre pays ne devant pas se jouer sur un concours d’idées populistes.
*Erwan Le Noan - Partner du cabinet Altermind, essayiste, chroniqueur pour l’Opinion, membre
du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).
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