Politique
Le maire de Cannes vise l’Élysée et franchit une nouvelle étape en installant le QG de son parti, Nouvelle Énergie, à Paris.
Le JDD - 1 octobre 2023 - Par Antonin André et Jules Torres
Emmanuel Macron veut mettre la pression sur les pays de départ en conditionnant les aides européennes à un renforcement des contrôles. Est-ce le signe d’une reprise en main ?
On ne peut pas passer notre temps à commenter les déclarations du président de la République. On attend les actes. Au printemps 2022, le ministre de l’Intérieur avait déjà évoqué un « donnant-donnant » avec les pays du Maghreb. Rien n’a été fait. C’est le symptôme de la crise de l’exécution. Plus le discours est enflé, plus les actes sont réduits.
Le projet de loi Immigration arrive au Parlement. Il y a une ligne rouge pour Éric Ciotti et Bruno Retailleau : la régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers en tension. Pour vous aussi, c’est non ?
Ils ont raison d’en faire une ligne rouge dans un texte de loi qui est censé réarmer l’État pour maîtriser les flux migratoires. Vous ne pouvez pas, « en même temps », dire que vous durcissez les conditions d’entrée et que vous régularisez des clandestins. C’est de l’inconsistance et de l’incohérence. La problématique des travailleurs immigrés, qui répond à un besoin économique, ne doit pas être traitée par une annonce législative. Cela doit rester du cas par cas, au niveau des préfectures.
« Ce concept d’“union des droites” est une combine de partis »
Vous ne croyez pas à l’intégration par le travail ?
Cela ne peut fonctionner que dans le cadre d’une immigration choisie et légale. Un étranger qui s’est déjà placé dans un processus de clandestinité ne fait pas œuvre d’une volonté d’intégration. Vous ne pouvez pas donner une prime à l’irrespect des règles. Surtout quand on sait que le taux de chômage est élevé parmi les populations immigrées. Et attention à l’argument néo-marxiste qui consiste à considérer que l’être humain n’est qu’une denrée sur le marché du travail.
Au moment des émeutes urbaines, fin juin, vous avez demandé à l’État d’assurer son rôle de maintien de l’ordre. Cela passe-t-il par un durcissement des peines pour mineurs ?
Oui. Quand j’ai fait l’armée, on m’a appris qu’il ne pouvait pas y avoir de responsabilité collective, parce qu’il ne peut pas y avoir de punition collective. C’est un principe de droit. Il faut savoir ce que l’on veut : si le mineur n’est pas sanctionnable, ce sont les parents qui payent. S’ils ne sont pas solvables, on supprime ou on réduit les aides sociales. Bref, qu’il n’y ait pas d’arbitraire, que l’on soit pauvre ou riche, la sanction doit s’appliquer. Si l’on estime que le gamin est jugé responsable de ses actes et qu’il doit payer, alors nous n’avons pas le choix, il faut rabaisser le seuil de la majorité pénale et atténuer l’excuse de minorité. Il faut une privation immédiate de liberté, même courte. Le problème c’est que l’on « dit » mais que l’on ne « fait pas ». Un centre d’éducation fermé, on se rend compte que l’on peut en sortir. Donc, il faut redonner du sens aux mots : s’il est « fermé », c’est que l’on n’en sort pas.
La pénurie de logements s’aggrave. Cet été, une quarantaine de communes des Alpes-Maritimes ont été sanctionnées pour non-respect du quota de 25 % de logements sociaux. Les maires ne jouent pas le jeu ?
Cette considération ne peut être formulée que par quelqu’un qui ne comprend rien à la réalité locale. Quand vous prenez une zone déjà urbanisée où le foncier est inexistant, on vous interdit de construire au titre du zéro artificialisation des sols, on vous enjoint de ne pas construire parce qu’il y a eu 20 morts sur une zone inondée, tout en vous imposant de construire 800 logements sociaux : c’est infaisable. Ces réglementations ont focalisé l’action publique sur le logement social et ont tué le marché. Savez-vous quel est le pourcentage de Français qui sont éligibles aux critères de l’accès au logement social ? 68 %. C’est complètement délirant. Résultat : les bailleurs sociaux privilégient les locataires solvables. Les plus pauvres se retrouvent exclus du logement.
Le gouvernement est-il impuissant face à la crise du logement ?
Pire, il l’entretient. On génère la pénurie du foncier, en remplaçant l’impôt sur la fortune par un impôt sur l’immobilier. Croyez-vous que l’on puisse créer des logements sans qu’il y ait de propriétaires ? Le gouvernement interdit ce qu’il nomme les « passoires thermiques » pour s’apercevoir que ce n’est pas réaliste. En matière de logement, de nucléaire, d’instruction, d’immigration, cet exécutif n’est jamais aussi bon que lorsqu’il défait ce qu’il a lui-même engagé auparavant.
Quel avenir pour votre famille politique ? Est-ce qu’à l’image d’Éric Zemmour, vous pensez qu’il faut une union des droites, du Rassemblement national jusqu’aux Républicains ?
Ce concept d’“union des droites” est un argument politicien, une combine de partis. Or, on doit viser l’union des électeurs autour d’une proposition politique cohérente. Je défends un projet de société axé sur la liberté et la responsabilité individuelles, une vision de droite pour résumer, qui s’oppose à une vision de gauche axée sur l’égalité. Avec Nouvelle Énergie pour la France, on veut cristalliser les électeurs qui viennent de la macronie, du centre, des Républicains, du Rassemblement national et de Reconquête. Mais aussi des gens de gauche, des citoyens anti-wokistes et attachés à l’universalisme républicain. Je constate que le discours porté intelligemment par un Bernard Cazeneuve ou une Carole Delga, des figures éminentes à gauche, est peu audible dans leur famille d’origine. La gauche est frappée de sinistrose et se laisse dévier vers son extrême. Elle bafoue le mérite, l’universalisme républicain, ces valeurs qui étaient sa boussole.
Édouard Philippe fait figure de favori à droite et au centre droit. Êtes-vous en bons termes et quelles sont vos différences ?
Il m’arrive d’échanger avec lui, nous nous connaissons depuis longtemps et partageons des affinités culturelles. Nos différences ? Il est très connu. Pas moi. Il est au nord-ouest, je suis au sud-est. Nous avons des parcours différents : je viens du petit commerce, il est issu de la haute fonction publique. Il a voulu être ministre d’Emmanuel Macron, pas moi. Enfin, sur le fond, Édouard Philippe est plus étatiste et centralisateur. Je suis décentralisateur, pour la subsidiarité et la responsabilité individuelle.
Êtes-vous favorable à des primaires ?
Si l’élection a lieu aujourd’hui, oui, car personne n’a tué le match.
Sans affirmer que vous êtes un candidat à la présidentielle, est-ce une hypothèse que vous envisagez ?
Je me prépare à faire gagner les principes qui sont les miens. Avec une cohérence de propositions qui plaira ou pas, pour en finir avec quarante ans de « social-étatisme » et remettre notre pays sur une voie d’ordre et de bon sens. Toute autre considération de ma part serait pour l’instant déplacée.
N’est-ce pas de la fausse pudeur ?
Nous ne sommes pas dans le temps présidentiel. Et tout ce qui, de façon perverse, mettrait sur le devant une espèce d’aventure individuelle, un récit narcissique, finirait mal.
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