Manifestation à l'appel de la CGT le 1er octobre. (Miguel MEDINA/AFP)

Réformes

« Les Echos » ont eu accès à un chiffrage du surcoût lié à l'abrogation de la réforme, réclamée par la gauche comme le RN. Une telle décision ferait plonger encore plus dans le rouge le système de retraite.

Les Echos - 18 octobre - Par Solenn Poullennec

Les partisans d'une abrogation de la réforme des retraites vont devoir prendre leurs calculettes. Car revenir en arrière sur le report progressif de l'âge de départ en retraite entré en vigueur à l'automne dernier, dégraderait les finances du système de retraite de 3,4 milliards d'euros dès 2025 et de près de 16 milliards en 2032, selon des chiffres de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) auxquels « Les Echos » ont eu accès.

Or, malgré la réforme, le système des retraites (tous régimes) devrait rester déficitaire à moyen terme, selon le Conseil d'orientation des retraites. Un retour en arrière risquerait donc de faire plonger le déficit du système encore plus sérieusement dans le rouge, à - 15 milliards d'euros environ dès 2025 et à - 32 milliards d'euros en 2032. 

De quoi compliquer encore l'équation budgétaire alors que les finances de la Sécurité sociale, discutées ce lundi au Parlement avec le début des débats en commission sur le budget 2025, sont au plus mal. Le déficit du système de protection sociale, attendu à 18 milliards d'euros en fin d'année est promis à un nouveau plongeon après 2025.

Coup de pouce aux petites pensions

Ce dérapage du système de retraite interviendrait dans l'hypothèse où le Parlement déciderait dès 2025 de revenir seulement sur les mesures dites paramétriques de la réforme. Autrement dit, si le législateur décidait de revenir sur le report progressif de l'âge de départ en retraite, en le ramenant à 62 ans (pour les personnes nées à partir de 1963) et s'il annulait l'accélération de l'augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Pour mémoire, la réforme de 2023 a prévu que les Français devront avoir cotisé 43 ans dès 2027 (avec 172 trimestres de cotisations requis pour les personnes nées à compter de 1965 alors que la réforme menée par la gauche en 2014 n'imposait ce seuil qu'aux Français nés en 1973 et ensuite).

Si le déficit s'aggrave autant dans le scénario d'un retour en arrière sur la réforme, c'est que celle-ci a aussi acté de mesures favorables aux assurés, quitte à réduire les « économies » générées par un allongement de la durée du travail. Les plus petites pensions ont ainsi été revalorisées.

Retour en force du sujet au parlement

L'ampleur de ce coup de pouce avait fait l'objet de vives critiques pendant les débats sur la réforme de 2023 mais les partisans de son abrogation ne prévoient pas de le remettre en cause. D'où l'intérêt des chiffres de la Caisse d'assurance-vieillesse sur les seules « mesures paramétriques ».

Même si le gouvernement Barnier a fermé la porte à une remise en cause de la réforme, le sujet de l'abrogation va revenir en force dès cette semaine au Parlement.

Même si le gouvernement Barnier a fermé la porte à une remise en cause de la réforme, le sujet de l'abrogation, ardemment défendue par les syndicats et la coalition de gauche pendant les élections législatives, va revenir en force dès cette semaine au Parlement. Des députés ont déposé des amendements d'abrogation au projet budget de la Sécurité sociale qui va commencer à être discuté en commission des Affaires sociales à partir de lundi soir.

Lundi, le président de la commission des Finances, Eric Coquerel (LFI), et le rapporteur du budget, Charles de Courson (LIOT), tous les deux favorables à une abrogation, organisent un colloque à l'Assemblée sur le financement des retraites.

Le Rassemblement national en embuscade

A l'été, le groupe LFI avait milité pour une abrogation de la réforme qui serait financée en augmentant les cotisations sur les hauts salaires ou en refondant l'impôt sur la fortune. En octobre, le groupe a cependant déposé une proposition de loi misant sur une « contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des sociétés pétrolières et gazières » et sur une « majoration » de l'accise sur le tabac, sans préciser leur rendement et en estimant que le coût d'une abrogation de la réforme est surévalué.

De son côté, le Rassemblement national compte porter un détricotage de la réforme de 2023 le 31 octobre à l'occasion de sa niche parlementaire. Dans sa proposition de loi, dont la recevabilité est contestée par le président Horizons de la commission des Affaires sociales, Frédéric Valletoux, le groupe va même plus loin qu'une abrogation puisqu'il propose de ramener la durée de cotisation de 43 à 42 ans. Une mesure qui serait sur le papier compensée par une hausse de la taxe sur les transactions financières et de la fiscalité du tabac.

La proposition de loi, même si elle promet d'électriser l'Assemblée a toutes les chances d'être rejetée et de faire long feu sachant que le Sénat est majoritairement défavorable à une remise en cause de la réforme.