Politique
On finissait par désespérer. On savait que la droite n'était pas morte malgré tous les oiseaux de mauvais augure qui se repaissaient, depuis des années, de ses dépouilles anticipées.
Justice au singulier - 18 novembre 2024 - Le Blog de Philippe Bilger*
On le savait mais à force, on finissait par douter. Elle ne manquait pas de personnalités qui avaient des idées. Mais aux ambitions tellement personnelles qu'elles leur interdisaient d'aspirer à une unité pourtant nécessaire pour durer et gagner. Une partie de la droite n'était pas loin de rêver à une fusion avec un macronisme qui lui aurait enlevé le peu de force qui lui restait. Quand elle ne s'obstinait pas à ressembler, sur un mode suicidaire, à ce que ses adversaire capitaux - la gauche et l'extrême gauche - lui imposaient d'être !
La dissolution, catastrophe politique, a gravement mis en danger la France mais a abouti à l'étrange victoire d'un camp minoritaire qui s'est retrouvé en charge du pays, sous l'oeil d'un président désoeuvré. Et sans doute angoissé d'avoir à s'occuper jusqu'en 2027.
Michel Barnier nommé Premier ministre a démontré au moins cette évidence que la France, malgré des apparences chaotiques, tumultueuses, désirait de l'apaisement et était lassé d'un personnel politique confondant l'excitation, la partialité et la violence avec l'esprit démocratique. Je suis persuadé que dans les circonstances difficiles que le gouvernement doit affronter, quoi que pense le citoyen de la validité de son projet plus inspiré par une réalité terriblement contraignante que librement élaboré, il est reconnaissant à Michel Barnier d'avoir mis du baume sur les plaies au lieu de les exacerber ; et d'avoir placé au premier plan de ses préoccupations l'écoute, le respect, et l'intelligence d'une adaptation au sentiment collectif.
Du 15 au 21 décembre, cette équipe gouvernementale sera-t-elle victime d'une motion de censure ?
Malgré ce risque, la nouveauté, à droite, est l'émergence tout d'abord d'un grand ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau (BR), soutenu par le Premier ministre. Et d'une autre personnalité qui a enfin clairement manifesté ses desseins, ses analyses et son ambition présidentielle. Avec une netteté qu'on attendait, qu'on espérait de lui, il a introduit dans le débat de droite une argumentation irrésistible. On aura compris qu'il s'agit de David Lisnard qu'il va devenir impossible de réduire avec condescendance au statut de maire de Cannes alors qu'il est président de l'Association des maires de France et que maintenant il s'affiche sans équivoque candidat pour 2027. En démontrant, le moment venu, la nécessité d'une primaire.
Pour lui, en effet, Laurent Wauquiez a révélé ses limites et si jamais il a pu apparaître comme un leader naturel, surtout pour Éric Ciotti qui a bien changé, il ne l'est plus depuis longtemps. Il ne cesse de prouver à la tête de la Droite républicaine à l'Assemblée nationale qu'il est davantage un homme de coups et de manoeuvres politiciennes, qu'un président respectable grâce à la rigueur de ses choix et convictions et à la cohérence de son action.
David Lisnard n'éprouve pas le besoin de traîner dans la boue le RN pour se poser en adversaire de ce dernier. Il lui reproche fondamentalement d'être "centralisateur et étatique". Ce qui est largement suffisant pour s'en dissocier (La Tribune Dimanche).
Bruno Retailleau, depuis qu'il a été nommé ministre, n'a pas commis une erreur, n'a pas tenu un propos que je n'approuverais pas, n'a pas fait un constat qui ne soit pas irréfutable, n'a pas engagé une action qui ne soit pas souhaitable. Il ne peut pas évidemment tout accomplir en si peu de temps ministériel mais il refuse de s'accommoder d'une réalité ensauvagée et désastreuse, surtout pour les classes les plus modestes et les plus fragiles, sans avoir l'acharnement de la réduire, de la combattre. Il ne se sert pas que des mots pour lutter contre les maux de notre société, l'immigration, le narcotrafic, les violences contre les policiers et l'autonomie belliqueuse et rentable, hors nation, de certaines de nos cités : il est conscient que sans les actes il sera comme les autres ministres, ses prédécesseurs : un admirable parleur, mais c'est tout (Le Grand Jury, 17 novembre).
La constance de ses desseins, la stabilité de ses dénonciations et la puissance de sa vision sont profondément rassurants. Le Retailleau d'hier, celui du Sénat, est tout entier dans le ministre qu'il est devenu. Il y a là, dans l'affirmation de principes et de résolutions qui n'ont pas fluctué au gré des humeurs et de la démagogie, une sérénité qui rassure le citoyen, une confiance qui le fait espérer, une admiration dont il a besoin quand la politique aujourd'hui est davantage un concours de vulgarités assumées ou d'évolutions tactiques qu'un souci d'honnêteté, de rigueur et de cohérence. Avec cette singularité qui distingue radicalement Bruno Retailleau de certains autres de son camp, ou d'un Jean-Luc Mélenchon : il n'est pas à son service mais à celui de la France.
On aurait tort de m'accuser de naïveté. Je reconnais le talent d'un Gabriel Attal mais je ne l'ai jamais porté aux nues pour la densité et la constance du fond. Bruno Retailleau est un roc sur tous les plans.
Il y a donc, à droite, du nouveau. Avec ces deux personnalités qui non seulement n'ont pas honte d'être de droite mais en sont fières parce que leur conception de droite est courageuse, libre et exaltante. Heureusement orpheline de tout mimétisme de gauche.
Je tiens aussi à les réunir parce que Bruno Retailleau et David Lisnard ont pâti, tous deux, d'une condescendance, voire d'un mépris de certains de leurs collègues à droite comme à gauche. Parce que leur apparence ne plaît pas, parce qu'ils sont à part.
Le signe le plus éclatant du fait qu'on a besoin d'eux. Pour le présent comme pour le futur.
* Philippe Bilger est Magistrat honoraire - Président de l'Institut de la Parole
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