
Tribune
À défaut du De Gaulle de 1958, la France aurait bien besoin d’un président qui, à l’instar de Reagan, Thatcher ou Schröder, aurait la volonté et le courage de réformer le pays en profondeur.
Le Point - 21 mai 2025 - Par Franz-Olivier Giesbert
De grâce, ne regardons plus derrière, mais devant nous. Au fond du tunnel où la France est à l'arrêt depuis la dissolution, comme un train en panne, une lumière scintille : le scrutin présidentiel de 2027, quand tout pourra repartir. À condition que notre pays ne se trompe pas encore en choisissant le conducteur. En tout cas, la campagne est lancée : tandis qu'Édouard Philippe laboure le terrain, voici qu'arrive Bruno Retailleau, consacré président de LR par un score sans appel. « Habemus papam ! »
Gouverner, c'est vouloir et non pas suivre les vents entre deux opérations de com. La France a le chic pour se trouver des présidents intelligents alors qu'il n'y a parfois rien de plus bête qu'une personne intelligente. L'expérience devrait nous avoir appris, depuis le temps, que nous n'avons pas besoin de brio, encore moins de belles paroles, mais simplement de ce courage qui a tant manqué ces derniers temps : la preuve a été faite qu'il peut déplacer les montagnes, surtout quand il est épaulé par un brin de vice.
1958 est une fable pour l'édification des générations futures. À cette époque, la France était par terre, criblée de déficits et de dettes, avec une inflation de 15 %, une classe politique impuissante, une guerre coloniale en Algérie sur le point de virer à la guerre civile. Les déclinistes annonçaient déjà notre mort imminente. De Gaulle est arrivé avec un dessein, sa vareuse et son képi. Avec son plan d'assainissement économique, il lui a suffi de quelques mois pour remettre debout le pays, qui n'attendait apparemment que ça : une main ferme.
Depuis le sursaut gaullien qui l'a remise en selle, la France est toujours veuve et cherche, dès que les vents deviennent mauvais, le personnage providentiel à la de Gaulle, grâce auquel les vaches seront de nouveau bien gardées. Ils pourront toujours le chercher, ils ne le trouveront jamais parce qu'il n'existe plus que dans les livres d'histoire. N'importe qui peut faire l'affaire dès lors qu'il est déterminé à mener les réformes nécessaires et à réduire les dépenses publiques, les déficits et l'endettement pour relancer la machine économique.
Ce n'est pas une histoire de droite ou de gauche, mais une affaire d'audace et de conviction. Ceux qui, au cours des dernières décennies, ont réparé leur pays appartenaient aux deux camps. Mais ils avaient tous en commun une volonté de fer que rien ne pouvait enrayer, pas même les manifestations géantes contre leurs réformes. Certains ne payaient pas de mine, et nos commentateurs ne les trouvaient pas au niveau. Convenons qu'à priori on n'aurait pas parié qu'ils entreraient tous les trois en majesté dans l'Histoire.
Ancien acteur de série B, Ronald Reagan avait une réputation d'idiot. En tout cas dans les médias, notamment en France. Doté d'une solide expérience – huit ans gouverneur de la Californie – et d'un incroyable charisme, sans parler de son sens de la repartie, le 40 e président des États-Unis (1981-1989), un ex-démocrate devenu républicain, a relancé l'économie et redonné confiance au pays. Son secret : il ne cédait jamais. Il aura été un magicien, celui qui a rendu sa grandeur à l'Amérique. Depuis, il a souvent été copié ou singé, par Bill Clinton ou par Donald Trump, mais jamais égalé.
Fille d'une couturière et d'un épicier, Margaret Thatcher était une roturière qui avait vaincu tous les obstacles pour devenir chercheuse en chimie, puis, un jour, Première ministre sous l'étiquette du Parti conservateur (1979-1990). Dépourvue d'esprit et de finesse, elle avait quelque chose d'étriqué. Elle a pourtant ressuscité la Grande-Bretagne, et, quelques années plus tard, son premier successeur travailliste, Tony Blair, n'a eu qu'à se glisser dans ses escarpins. Même chose avec Gerhard Schröder, le chancelier social-démocrate de l'Allemagne (1998-2005) : souvent pompette, ce grand réformateur donna un sacré élan à son pays, et Angela Merkel (centre droit) s'est contentée de chausser ses souliers en faisant, en plus, plusieurs grosses boulettes comme l'arrêt du nucléaire.
Alors que la course présidentielle débute, même si certains postulants sont encore aux fraises, souhaitons-nous que soit élue en 2027 une personne volontaire, avec du caractère. En attendant, foin des dénis, n'ayons pas peur de ne rien nous cacher sur la situation du pays et même de nous dire de tout sur les sujets qui fâchent, les normes, les dépenses, l'assistanat ou l'immigration. « Ce sont les mots qu'ils n'ont pas dits qui font si lourds les morts dans leurs cercueils », disait Henry de Montherlant._
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