Une piste innovante évoquée par Thierry Breton et de forte actualité après le Brexit, serait de créer un fonds européen de défense.
Il permettrait à la zone euro de renforcer son intégration via la défense. Ce fonds sur le modèle du mécanisme européen de stabilité aurait vocation à refinancer l’ensemble des dettes des pays de la zone euro consacrée à la défense. Il serait financé par un prélèvement de TVA ou une baisse de dépenses publiques. Il reprendrait la dette des pays liée à l’effort de défense pour le stock et permettrait aussi de financer le flux de dette.
Si on regarde combien chaque pays a dépensé pour sa défense depuis son entrée dans la monnaie unique, la France arrive en tête avec 720 milliards d’euros, puis viennent l’Allemagne (560 milliards), l’Espagne (200 milliards) etc. Si on retire de la dette de chacun de ces pays la part qui relève de la défense, la dette de la France passerait de 95 % à 61 % du PIB, celle de l’Allemagne est ramenée à 55 %, celle de l’Espagne à 79 % etc. La ¬convergence est de nouveau à portée de main.
Avantages:
- reprendre notre destin en main en relançant l'Europe de la Défense et la convergence du couple franco allemand
- réduire la dette sur PIB de la France à 61 % et éviter ainsi une attaque des marchés prévisible à moyen terme.
- accroître nos investissements en matière de défense et de sécurité au niveau de la zone euro
cette proposition pourrait donner un avantage compétitif à François Fillon vis à vis de ses concurrents dans le cadre d'un grand discours sur la défense en septembre à l'occasion de la célébration de la bataille de Valmy.
Limites:
- le mécanisme de participation au Fonds de développement des capacités militaires pour les pays membres de l'UE nécessite un versement équivalent à 2 points de TVA pour chaque pays.La question légitime est vu le budget contraint actuel de nos armées, sommes nous en capacité de supporter cette charge supplémentaire ? La réponse pourrait être la suivante. Si nous ne prenons pas les devants, une hausse de 1% des taux d'intérêts à moyen terme risque d'avoir un impact négatif sur nos finances publiques équivalent de 20 milliards d'euros soit le prix de cette nouvelle mesure.
- Il faudra s'assurer sur le plan technique de bien comptabiliser ce qui ressort d'une dette défense d'un Etat et valoriser au plus juste les différents programmes d'armements, exercice pas aisé vis à vis des industries d'armement européennes qui par nature sont en vive concurrence.
Questions réponses
avec Thierry Breton
Quel serait l’intérêt de transférer ces dettes dans un fonds européen ?
Il s’agirait de reprofiler la dette de l’ensemble des pays de la zone euro à un moment où ils font face à un défi stratégique majeur. Ce fonds qui pourrait s'appeler mécanisme européen de sécurité et de défense émettrait des obligations à très long terme, de 50 ans par exemple. Ces liquidités lui permettraient de reprendre la dette-défense des Etats qui, depuis la création de l’euro, s’élève au total à environ 2.300 milliards. Le fonds, dont la signature serait garantie par les Etats, émettrait donc des obligations de long terme pour ce montant afin de reprendre à sa charge cet énorme paquet de dette. Ce mécanisme permettrait de remettre à zéro la dette de défense des Etats. Le fonds serait financé par un transfert de ressources fiscales des Etats équivalent à 2 points de TVA qui permettrait de garantir sa signature AAA, de payer les intérêts de la dette et de financer chaque année la moitié des dépenses de défense des pays concernés. Sur ce point, il est indispensable que chacun garde la maîtrise de ses dépenses de souveraineté spécifiques. Le reste – à peu près la moitié – étant mutualisé au niveau européen. Bien entendu, chaque Etat aura toute liberté d’augmenter ou non sa TVA. Pour la France, je recommanderais de baisser les dépenses publiques au prorata des 2 points de TVA. Nous avons largement les marges de manœuvre pour le faire. Enfin, pour rembourser le capital, serait affecté à ce fonds 1 point supplémentaire de TVA dans dix ans sur le reste de la période. Avec ce mécanisme, le fonds reprendrait donc la totalité de la dette-défense des Etats, mais aussi la moitié de leurs dépenses annuelles de ¬sécurité ; le tout sortant de la logique -maastrichtienne.
Pourquoi les autres pays européens, surtout l’Allemagne, accepteraient-ils un tel mécanisme de mutualisation profitant d’abord à la France ?
Parce que l’enjeu est stratégique pour tout le monde. La crainte majeure de Berlin est que la situation d’endettement de la France devienne intenable en cas de remontée des taux d’intérêt, ce qui ne manquera pas d’arriver dans la décennie qui vient. La construction européenne repose sur un équilibre au sein du couple franco-allemand. Si nos situations divergent trop, l’Europe finira par imploser. Notre intérêt commun, c’est de rapprocher rapidement, pas en trente ans, nos positions budgétaires afin de consolider un socle européen. Nous avons une monnaie commune, il nous faut maintenant une défense et une sécurité communes. L’un ne peut fonctionner durablement sans l’autre. C’est le défi historique de la génération qui vient.
Les responsables politiques vous semblent-ils réellement réceptifs à de telles propositions ?
Soyons confiants, c’est dans des périodes comme celle-là que l’Histoire donne l’occasion aux grands hommes d’Etat d’émerger : des de Gaulle, Churchill, Adenauer... Nous sommes au cœur d’une période où notre destin peut basculer. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été à ce point chahutée. Si nous ne reprenons pas en main notre destin, nous resterons prisonniers d’une dette qui nous tire vers le fond et nous empêche de nous projeter vers l’avenir. Nous pouvons agir et redistribuer les cartes en faisant en sorte que la dette ne soit plus un fardeau mais devienne un levier.
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