Finances Publiques
La majorité sénatoriale, emmenée par la droite, entend largement réécrire la copie amendée par les députés.
Le Figaro - 21 novembreb2025 - Par Wally Bordas
Les violentes joutes verbales des députés ont cédé la place aux débats non moins musclés entre sénateurs. Depuis mercredi après-midi, les parlementaires du Palais du Luxembourg ont débuté l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce texte, qui comporte notamment le fameux amendement de suspension de la réforme des retraites du gouvernement, sera discuté par les sénateurs jusqu’au vote solennel, qui aura lieu le 25 novembre. « Je crois sincèrement qu’il existe au Parlement, et tout particulièrement au sein de votre assemblée, une majorité de responsabilités, déterminée à rechercher un compromis pour mettre fin à cette instabilité », a introduit, non sans un clin d’œil moqueur au Palais Bourbon, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, au début des débats.
À l’Assemblée nationale, la totalité du texte n’avait pas pu être examinée, faute de temps. Mais comme il s’y était engagé, l’exécutif n’a fait « aucun tri parmi les plus de 300 amendements adoptés » et les a inclus dans la copie du projet de loi désormais débattu par les sénateurs, a prévenu la ministre dès le début des discussions. « Ce choix implique qu’un certain nombre de dispositions organiques soient absentes du texte et que plusieurs dispositions ne correspondent pas aux intentions du gouvernement. Je pense notamment aux mesures relatives à des nouveaux régimes d’exonérations, alors que le gouvernement cherche plutôt à réduire les niches sociales et fiscales », a détaillé Amélie de Montchalin.
Au Sénat, tout a commencé par une motion de rejet des écologistes, largement rejetée par 243 voix contre, et 34 pour. Les socialistes ne l’ont effectivement pas votée, le PLFSS comportant la suspension de la réforme des retraites, leur plus importante victoire politique de ces dernières années. Puis, les différents groupes ont pris la parole pour donner leurs lignes en vue de l’examen du texte. « La suspension de la réforme des retraites relève de la poudre de perlimpinpin », a notamment critiqué la sénatrice LR Pascale Gruny, dénonçant « un remède prétendument miraculeux mais inefficace ». « Cette mesure inique dans son dispositif aggrave nos dépenses, je vous propose de la supprimer », a-t-elle ensuite plaidé.
Ramener le déficit de la Sécu à 15 milliards d’euros
Réintroduction de la réforme des retraites, rétablissement du gel des prestations sociales et du barème de la CSG - sauf pour les petites retraites -, rétablissement de la taxe exceptionnelle sur les complémentaires santé, possibilité pour le gouvernement de piocher dans les caisses de l’Unédic : la rapporteur générale du budget, Élisabeth Doineau, a ensuite fixé la ligne de la majorité sénatoriale. Autant de mesures votées en commission des affaires sociales du Sénat il y a quelques jours. Objectif : réussir à dégager plus de 13 milliards d’économies en 2026 pour ramener le déficit de la Sécurité sociale à 15,1 milliards d’euros. Loin de ce qui a été voté par les députés lors de l’examen au Palais Bourbon.
« La majorité sénatoriale veut passer le Kärcher sur notre modèle social », a quant à elle dénoncé la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly. « Ces dernières semaines, nos visions n’ont pas toujours été les mêmes. Mais quand l’essentiel est en jeu, la gauche sait se rassembler pour le défendre », a de son côté plaidé, lors d’une conférence de presse commune avec les autres groupes de gauche, le patron du groupe socialiste, Patrick Kanner. Qui a également lancé : « Nous allons entrer en résistance avec un front très unitaire, avec nos collègues communistes et Verts. (…) Globalement, nous allons montrer un visage unitaire face à une droite réactionnaire, au sens littéral du terme, c’est-à-dire qu’ils veulent revenir en arrière et même plus qu’en arrière, en refusant le travail fait à l’Assemblée. »
Concrètement, la gauche ne pourra rien faire - ou presque - face à la large majorité sénatoriale, composée des Républicains, de l’Union centriste (UC) et même des macronistes et des soutiens d’Édouard Philippe, qui souhaitent également revoir la copie votée à l’Assemblée nationale. « On peut faire durer les débats et gagner du temps, mais malheureusement on n’arrivera rien à obtenir et on ne pourra rien faire sur la réintroduction de la réforme des retraites », déplore un élu PS. Mais la navette parlementaire est loin d’être terminée. Et le sort de la contestée réforme, votée sous Élisabeth Borne, lui, est encore loin d’être scellé.
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