Pensez-vous qu’il faille permettre aux collectivités territoriales de pouvoir décider des programmes ?
Non, je ne le pense pas. Le législateur national définit un cadre national des programmes, qui doit être succinct et fixer des minima. Ensuite, chaque établissement doit pouvoir définir, en associant ses professeurs voire en consultant les parents, le programme exact qui est suivi en son sein. En Grande-Bretagne, il y a eu de grandes réformes qui ont conduit au développement massif des free schools. Ce sont des écoles qui ont précisément choisi de se débarrasser du pouvoir des élus locaux de manière à décider de tout à l’échelle de l’établissement, en bénéficiant d’un financement public et national. S’agissant du pouvoir pédagogique, il doit être assumé par les professeurs qui doivent se coordonner avec le directeur en tant qu’animateur et capitaine du bateau pédagogique. Ça ne doit pas passer par le pouvoir politique qu’il soit local ou national.
Une réforme dont on entend beaucoup parler est celle qui introduit le chèque-éducation. Elle a été mise en place en Suède, notamment. Qu’en pensez-vous ?
Le chèque-éducation, c’est l’idée que les gens doivent pouvoir choisir entre le public et le privé sans barrière financière. Ça veut dire que l’argent public va payer les frais de scolarité, que le choix des parents soit opéré au profit du public comme du privé. C’est donc inodore et incolore à tel point qu’en Suède les parents ne savent même plus si l’école de leurs enfants est publique ou privée.
Le contribuable lambda paie des impôts et peut décider via cette réforme du chèque-éducation du choix de l’école. En soi, cela répond à la question « Où vont mes impôts ? »
Oui, alors qu’en fait, quand on regarde la situation en France, vous payez l’école publique alors que vous pensez que c’est gratuit puisqu’on vous la présente comme telle. Quand vous choisissez une école privée, vous payez une partie du coût mais l’essentiel sera assumé par le contribuable français. Si vous choisissez une école indépendante (appelée aussi école libre ou hors contrat), l’argent sortira directement de votre poche sachant qu’en tant que contribuable vous allez aussi payer pour l’enseignement public, pour l’enseignement sous contrat mais aussi pour les cours de soutien défiscalisés à 50%. Il n'y a pas du tout d’égalité de traitement économique et fiscal entre les citoyens selon le système que ceux-ci choisissent. L’État exerce une pression multiforme sur les citoyens pour qu’ils optent pour l’enseignement public. En France, nous ne pouvons pas dire que les parents bénéficient d’un vrai choix scolaire. Ils sont contraints par la carte scolaire au sein de l’enseignement public et par les barrières financières et le manque de place dans l’enseignement privé. A contrario, nombreux sont les pays étrangers qui considèrent que le citoyen a le droit de choisir sans contrainte ni pression l’école qui convient à ses enfants. C’est son droit démocratique. Il est temps de faire cette révolution culturelle, de rendre le pouvoir aux parents.
Qu’en est-il du développement des écoles indépendantes ? Je crois qu’il y a une loi qui bloque l’enseignement privé à 20% de l’ensemble des élèves…
En France, il y a en effet depuis 1985 une coutume politique, une règle informelle, qui essaie de bloquer à 20% maximum le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement sous contrat. L’État organise une pénurie pour que les gens ne puissent pas faire leur choix alors que 60% des parents voudraient scolariser leurs enfants dans l’enseignement privé. Il y a 20% de gens qui par leur réseau social, leur argent et leur adresse peuvent mettre leurs enfants dans une école privée sous contrat. Et à côté de cela, il y a une soupape de liberté due à la création de nouveaux établissements qui sont complètement indépendants et en très forte croissance. C’est le seul secteur éducatif en croissance aujourd’hui. 172 établissements indépendants supplémentaires ont ouvert à la rentrée 2022, comme le recense l’Observatoire de la liberté d’enseignement, géré par l’association Créer son école. Le plus difficile dans la création d’un bon établissement indépendant est de trouver d’excellents professeurs, car la profession est globalement en crise et que les moyens financiers manquent pour payer les enseignants comme ils le méritent.
Combien y a-t-il d’écoles indépendantes en France ?
En 2022, on en compte à peu près 1 800. 90 000 élèves y sont scolarisés. Quand notre association Créer son école a commencé son travail en 2004, il y avait à peine une centaine d’écoles !
En 2015, vous avez rédigé une tribune pour le Figaro Vox dans laquelle vous parlez des zones d’ombre des écoles sous contrat musulmanes. Vous disiez que, sans le savoir, le contribuable paie des écoles rattachées au fondamentalisme islamique notamment aux Frères musulmans.
Lorsqu’il y a eu la loi sur le séparatisme, on m’a dit : « Oui, vous comprenez, il faut beaucoup plus verrouiller les écoles indépendantes car il pourrait y avoir parmi elles des écoles islamistes. » Il est important de préciser que l’État avait déjà tout pouvoir de les inspecter et de les fermer si elles créaient un trouble à l’ordre public ou ne respectaient pas le droit à l’éducation des enfants. Mais c’est le courage qui lui manquait. Il y a de toute manière très peu d’écoles musulmanes indépendantes déclarées en tant qu’écoles indépendantes. En revanche, on compte à peu près cinq écoles privées sous contrat musulmanes. Trois de ces écoles appartiennent à la FNEM (Fédération nationale de l'enseignement privé musulman) qui est l’émanation de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) et qui est devenue Musulmans de France. Elle correspond à la branche française des Musulmans de France et donc des Frères musulmans. La situation est cocasse car Manuel Valls disait qu’il fallait « nommer l’ennemi », à savoir les Frères musulmans, et qui dans le même temps était présent à l’inauguration de l’école Ibn Khaldoun à Marseille, et encourageait sa ministre Najat Vallaud-Belkacem à passer sous contrat le plus d’écoles musulmanes possible.
Et les politiques ne disent rien sur ces écoles-là ?
Il y a un problème de clarification politique. Il ne faut pas prendre les Français pour des andouilles en leur disant que les écoles indépendantes font le lit de l’islamisme tout en ne voyant pas que les écoles indépendantes françaises dans leur ensemble sont à 80% non confessionnelles. Les écoles indépendantes musulmanes ne représentent même pas 1% de la totalité de ces écoles et elles sont en très faible progression. Le problème doit être traité là où il se trouve. Les écoles coraniques, les cours de soutien, les associations périscolaires, les clubs sportifs (foot, arts martiaux), les écoles clandestines (non déclarées) sont au cœur de l’islamisation de la jeunesse. Les écoles indépendantes de confession musulmane font figure, dans ce contexte, le plus souvent de bouc émissaire.
Pap Ndiaye a placé ses enfants à l’École alsacienne et non pas à l’école publique…
Les politiques savent très bien dans quel état est l’école publique, à tel point qu’ils n’y mettent pas leurs enfants. Je crois qu’il faut regarder cette chose incroyable en face : on a un président de la République au discours très libéral et qui choisit ensuite un ministre, Pap Ndiaye, ayant lui-même ses enfants dans une école privée qui est celle du show-biz. Cette école de l’entre-soi est payée par le contribuable. Ces personnes-là prêchent pour l’école publique mais n’y mettent pas les pieds. Quelle hypocrisie !
Selon vous, quelle est la pire dépense de l’État en termes d'éducation ?
La pire dépense de l’État est d’avoir 300 000 personnes qui suradministrent et paralysent le système général. Arrêtons avec tout ce personnel administratif qui fait crouler sous la paperasse les professeurs. Ces derniers ont besoin de soutien de leur hiérarchie, d’autonomie, de responsabilisation et…d’être devant leurs élèves. Là, ils retrouveront le goût de l’enseignement. Pour ceux qui n’en ont plus le goût ou manquent de capacité, une porte de sortie doit leur être proposée de manière réaliste et humaine.
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