Entreprises
Le président d’Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale et patron du parti Renaissance a écrit à 60 000 chefs d’entreprise pour souligner ce qu’il estime être les succès de son groupe dans le débat budgétaire
L'Opinion - 28 novembre 2025 - Par Matthieu Deprieck
Le débat budgétaire reprend à l’Assemblée nationale samedi avec le projet de loi de financement de Sécurité sociale (PLFSS). Le projet de loi de finances poursuit, lui, son examen au Sénat.
L’opération est massive. Le groupe présidé par Gabriel Attal à l’Assemblée nationale, « Ensemble pour la République », a écrit à 60 000 entreprises ces derniers jours pour les informer des gains obtenus dans le débat budgétaire. Cinq modèles de courriers à en-tête de l’Assemblée ont été rédigés : un général et quatre spécifiques pour les auto-entrepreneurs, les commerçants, les transporteurs routiers et les hôteliers, restaurateurs et cafetiers. Chacune de ces missives rappelle le bilan macroniste depuis 2017, liste les mesures bénéfiques pour chaque catégorie professionnelle et souligne les votes des oppositions.
Les commerçants sont ainsi informés de la création d’une taxe Shein, du nom de la plateforme chinoise, en première lecture du projet de loi de finances (PLF), votée par l’ensemble des groupes politiques. A l’exception de l’extrême droite. « Le Rassemblement national ne défend ni les entreprises françaises, ni notre souveraineté », écrit d’ailleurs le groupe attaliste.
Inventaire. Les auto-entrepreneurs apprendront que les députés EPR se sont battus pour repousser le projet gouvernemental de baisse du seuil de franchise de TVA pour leur activité. Et ce, « alors que La France insoumise a toujours fustigé le statut d’auto-entrepreneur et que le Rassemblement national proposait, pour le budget 2025, une mesure encore plus sévère d’abaissement des seuils », détaille EPR.
En ouvrant leur boîte aux lettres en ce début de semaine, les restaurateurs découvriront, eux, que si la défiscalisation des pourboires payés par carte bancaire est prolongée jusqu’en 2028, c’est grâce aux macronistes. En tout cas, un peu. A l’Assemblée nationale, le RN et les Républicains avaient aussi soutenu la mesure. Le courrier ne rappelle pas l’engagement d’Emmanuel Macron pris fin septembre de supprimer « toute la fiscalité et les charges » sur les pourboires.
De très nombreuses entreprises, petites ou moyennes, n’ont pas de directions juridiques puissantes ou de relais au Parlement. Elle forment un tissu local de sociétés pas aussi bien équipées que les géants de leur secteur. Gabriel Attal a choisi de leur parler en direct plutôt que d’ajouter au brouhaha médiatique
L'entourage de Gabriel Attal
Enfin, les transporteurs routiers pourront remercier les députés du groupe EPR de s’être opposés au projet d’augmentation des taxes sur le bioéthanol, même si le gouvernement y avait renoncé au début de l’examen budgétaire.
Le courrier général reprend, lui, tout ce que Gabriel Attal considère comme des victoires : la réduction de l’assiette de la taxe sur les holdings, le rétablissement du dispositif « jeunes docteurs », le renforcement du programme Jeunes Entreprises Innovantes, les oppositions à la limitation du crédit impôt recherche, à la modification du pacte Dutreil et à la suppression du dispositif Madelin. A l’inverse du RN, « l’ennemi de l'économie et des entreprises ».
Les équipes de Gabriel Attal ont consacré beaucoup d’énergie à cette opération. Pour constituer le gigantesque fichier d’envoi, elles ont croisé les listes de signataires de tribunes contre les projets de taxe, les annuaires des fédérations professionnelles, le répertoire dans lequel Gabriel Attal note le nom de tous les dirigeants qu’il rencontre depuis le début de sa carrière ministérielle. Les courriers ont été signés de sa main et de celle des parlementaires EPR du département concerné. Le patron du groupe EPR a veillé à associer à ces courriers plusieurs députés : l’ex-ministre du Commerce, Olivia Grégoire (Paris) pour la taxe Shein ; Paul Midy (Essonne) pour la baisse de TVA sur les auto-entrepreneurs ; Brigitte Klinkert (Haut-Rhin) pour la défiscalisation des pourboires. Gabriel Attal a prévu de réécrire aux chefs d’entreprise après l’adoption du budget quand les mesures seront définitives.
Parts de marché. Cette opération de grande ampleur s’inscrit dans un ensemble d’initiatives menées depuis le printemps dernier. L’objectif est de s’adresser aux patrons sans passer par les syndicats nationaux comme le Medef ou la CGPME. « De très nombreuses entreprises, petites ou moyennes, n’ont pas de directions juridiques puissantes ou de relais au Parlement. Elle forment un tissu local de sociétés pas aussi bien équipées que les géants de leur secteur. Gabriel Attal a choisi de leur parler en direct plutôt que d’ajouter au brouhaha médiatique », vante son entourage. Dans cette optique, arrivera bientôt au siège de Renaissance un nouveau conseiller présenté comme un « sherpa économique ». Ce cadre du Medef sera chargé de faire le lien entre Renaissance et les entreprises, partout en France.
Tout le monde se repeint en amis des patrons. Nous, nous rappelons simplement notre cohérence
L'entourage de Gabriel Attal
Si Gabriel Attal met autant d’énergie sur le terrain économique, c’est qu’il a bien noté que toutes les formations politiques cherchent à tirer leur épingle du jeu budgétaire. « Tout le monde se repeint en amis des patrons. Nous, nous rappelons simplement notre cohérence », défend l’entourage du probable candidat à la prochaine présidentielle.
Dans le premier quinquennat, les chefs d’entreprises faisaient figure de pilier électoral de la macronie. La politique de l’offre, la baisse des impôts de production, la recherche d’une meilleure compétitivité étaient autant d’arguments capables de les séduire. Depuis, l’étoile d’Emmanuel Macron a pâli. Les macronistes ont perdu les manettes du pouvoir. Pas aux yeux de l’opinion publique. Ils se retrouvent à devoir assumer la responsabilité de mesures qu’ils sont contraints de soutenir sous peine d’être accusés de vouloir faire chuter le gouvernement et d’accroître l’instabilité.
De cette position inconfortable, ils observent le RN multiplier les déclarations d’amour à l’égard des patrons. Semaine après semaine, Jordan Bardella gagne, chez eux, des parts de marché.
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