Budget
Face au sursis du gouvernement, le Rassemblement national peaufine son programme économique pour 2027. Et assume sa conversion à la politique de l’offre.
Le Point - 23 octobre 2025 - Par Charles Sapin
Point de suspense. « Il n'est pas question que nous acceptions ce budget ! » clôt Marine Le Pen, ce jeudi, en marge de la présentation du contre-budget du Rassemblement national devant la presse, réunie à la Maison de la chimie. « Il y a dans ce projet de loi de finances de la Sécurité sociale du gouvernement des choix que l'on ne peut pas soutenir », martèle-t-elle. Qu'importe la suspension de la réforme des retraites, concédée par Sébastien Lecornu. Si la mesure est « soutenue » par le RN, elle est moquée comme « une vaste plaisanterie », tout juste destinée à servir d'excuse au Parti socialiste pour ne pas faire tomber le gouvernement Lecornu II… Non sans un brin d'amertume.
Il y a quelques semaines encore, le Rassemblement national était persuadé de l'imminence d'une nouvelle chute du Premier ministre Lecornu. Celle-là même qui aurait dû conduire à une nouvelle dissolution et donc, à de nouvelles élections législatives pleines de promesses sondagières pour le RN. Las, la non-censure tant du Parti socialiste que des députés Les Républicains a offert un sursis au gouvernement. Et par là même contraint les troupes de Marine Le Pen à s'atteler, de nouveau, à un exercice dont elles sont désormais coutumières : celui des contre-propositions budgétaires.
Un budget en forme d'arme politique
Au regard du cordon sanitaire qui subsiste, au sein de l'Assemblée, à l'encontre des propositions du Rassemblement national, celles-ci n'ont pas ou peu de chances de se traduire en réalité. Il n'empêche, l'objectif est ailleurs. Il est d'ailleurs triple : égratigner ce qu'il reste de bilan économique d'Emmanuel Macron au pouvoir, crédibiliser l'offre économique et financière du RN, voire en profiter pour accélérer l'entreprise de séduction d'un électorat nouveau. Majoritairement issu du patronat ou du monde entrepreneurial. « Un budget, c'est la traduction financière de choix politiques, appuie en guise d'introduction Marine Le Pen. Ce n'est pas un tableau Excel avec des plus et des moins, mais surtout un équilibre politique. »
Sur ce dernier point, le contre-budget 2026 est dans la droite ligne de la précédente mouture présentée en 2025, bien que davantage chiffré. S'il reprend les mêmes axes d'économies que l'année précédente, il en amplifie très fortement les efforts. Ainsi, ce n'est plus de 5 milliards que le RN entend baisser la contribution française à l'Union européenne mais de 8,7. Ce n'est plus 3,4 milliards d'économies qui sont escomptés sur le dos des agences et opérateurs de l'État mais plus du double. « Nous demandons en priorité des efforts à l'État et ses agences avant d'aller faire la poche des Français et des entreprises », assume le monsieur économie du parti à la flamme, le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.
Quant aux économies sur l'immigration, Marine Le Pen espère récupérer près de 12 milliards d'euros, contre seulement 4 l'année passée. Grâce au conditionnement des prestations de solidarité non contributives pour les étrangers à un minimum de 5 ans de travail à temps plein ; la réduction drastique du panier de soin de l'aide médicale d'État transformée en une aide médicale d'urgence et enfin, la suppression du visa pour soins. Également chiffrée à 1,3 milliard d'économies, la fin des accords de 1968 avec l'Algérie, dont le coût – estimé à plus de 2 milliards d'euros – a récemment été dénoncé dans un rapport parlementaire du député Renaissance Charles Rodwell, révélé en exclusivité dans Le Point.
Le RN muscle son discours pro-entreprises
Côté clin d'œil aux entreprises, le parti de Marine Le Pen assume une forte baisse des impôts de production (16,2 milliards), une baisse du coût de l'énergie via la TVA (11 milliards) et un franc allègement de taxes annexes comme du coût du travail. Autant de gestes accélérant la réorientation du programme économique du Rassemblement national vers une politique de l'offre. Bien que quelque peu tempérée par – nouveauté de ce contre-budget – un paquet de nouvelles recettes chiffrées. Comprenant notamment la création d'un impôt sur la fortune financière (4 milliards), et d'une taxe sur le rachat d'actions (8,4 milliards) comme sur les transactions financières intra-journalières (3 milliards).
Au global, le Rassemblement national se persuade que son budget permettrait une baisse d'un milliard de prélèvements obligatoires, contre 19 milliards supplémentaires prévus au budget Lecornu. Comme il permettrait de maîtriser à 107 milliards le déficit public contre les 143 annoncés par Sébastien Lecornu. Avec sa perspective de 36 milliards d'euros d'économies dégagées sur l'année, le RN Jean-Philippe Tanguy dit être à même de « ralentir l'effet boule de neige » d'un perpétuel renchérissement de la dette. En clair, le RN promet d'économiser sans baisser les prestations sociales, sans augmenter les impôts et sans réduire le nombre de fonctionnaires, en ne touchant qu'aux dépenses de l'État. Un récit crédible… surtout dans l'opposition.
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