Fiscalité
Nombre d'amendements au projet de loi de finances pour 2025 durcissent considérablement la fiscalité de l'épargne. Assurance-vie, plus-values immobilières, flat tax, pacte Dutreil… ce qui pourrait changer.
Les Echos - 18 octobre 2024 - Par Sandra Bouillard
La navette parlementaire démarre à peine. Le débat sur la fiscalité des particuliers est au coeur des discussions, en plein vote du projet de loi de finances pour 2025. Plus d'impôts ? Pour qui ? Sur quelles enveloppes ? Tour d'horizon des principaux amendements déjà votés en commission des finances et qui ont des chances de figurer dans le texte final, et de leurs conséquences sur l'épargne de ménages.
Assurance-vie : fin de l'exception successorale
Avec 44 millions de contrats ouverts, il s'agit de l'enveloppe d'épargne préférée des Français. Un fonctionnement simple couplé à une fiscalité avantageuse ont contribué à son succès. Mais l'assurance-vie est sur la sellette. En septembre, la Cour des comptes a publié un rapport sur les droits de succession, dans lequel elle a particulièrement critiqué le régime fiscal des assurances-vie, jugé « plus avantageux que le droit commun ». L'institution souligne que ces dérogations profitent essentiellement aux ménages disposant de patrimoines importants.
Ce régime permet aujourd'hui une exonération fiscale totale des droits de successions lorsque l'assuré verse des primes avant l'âge de 70 ans, dans la limite de 152 500 euros par bénéficiaire. Au-delà de ce montant, les sommes transmises sont soumises à un prélèvement forfaitaire de 20 % pour la part comprise entre 152 501 € et 852 500 €, et de 31,25 % pour la part qui dépasse 852 500 euros. Les primes versées après 70 ans bénéficient d'un un abattement global de 30 500 euros.
Mais ce régime pourrait disparaître. Un amendement prévoit d'aligner la fiscalité de l'assurance-vie à celle de la succession, soit 20 % jusqu'à 552 324 euros (au lieu de 700 000 euros), 30 % jusqu'à 902 838 euros, 40 % jusqu'à 1 805 677 euros et 45 % au-delà de 1 805 677 euros.
Flat Tax : une augmentation à 33 %
Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou « flat tax » est instauré en 2018 après la suppression de l'ISF. Il a pour objectif d'unifier la taxation des revenus du capital à 30 %, prélèvements sociaux compris. Après de longs débats, un amendement a été retenu, proposant de fixer ce taux à 33 %. Plus précisément, la part d'Impôt sur le Revenu (IR) augmenterait de 12,8 % à 15,8 %.
Selon Jean-Paul Mattei (MoDem), l'auteur du texte, cette mesure vise à « rééquilibrer la contribution des revenus du capital par rapport aux revenus du travail, qui apportent actuellement une part plus importante au budget de l'Etat ».
Cette mesure s'appliquerait directement à de nombreux produits d'épargne et d'investissement. Elle toucherait notamment les comptes-titres et les dividendes , mais aussi les bénéfices réalisés sur les livrets bancaires imposables, les comptes à terme et les obligations. Elle s'impose également sur les bénéfices des assurances-vie les plus récentes (après 2017) lorsque les versements effectués sur le contrat dépassent 150 000 euros.
Pacte Dutreil : des conditions plus strictes
Une marotte revient chaque année, la remise en cause de la fiscalité applicable dans le cadre d'un Pacte Dutreil. Celui-ci permet de transmettre une entreprise familiale avec un abattement de 75 %. Accusé de constituer une niche trop généreuse pour les ménages les plus aisés, cet atout pourrait être considérablement restreint.
Un amendement prévoit que seule la fraction de la valeur correspondant strictement aux actifs professionnels serait éligible à l'exonération partielle. Concrètement, les actifs financiers ou immobiliers détenus au sein de l'entreprise, mais n'étant pas en lien direct avec son fonctionnement, ne bénéficieront plus de l'avantage fiscal.
En plus de cette limite, le texte prévoit qu'au moins un des donataires soit âgé de 18 à 60 ans au moment de la transmission.
Enfin, le calcul de la plus-value est remis en question par un texte adopté en commission. Lors d'une revente après une succession en Dutreil, l'exonération appliquée au moment de la succession n'est actuellement pas prise en compte pour le calcul de la plus-value. Concrètement, imaginons qu'une personne reçoive une entreprise en donation, et que sa valeur soit d'un million d'euros. Grâce au pacte Dutreil, 75 % de cette valeur est exonérée, donc 750 000 euros ne sont pas pris en compte pour les droits de donation. Avec cet amendement, la valeur d'acquisition serait de seulement 250 000 euros.
Si, plus tard, le donataire décide de vendre l'entreprise pour 1,5 million d'euros, la plus-value sera calculée comme ceci : Plus-value = Prix de vente - Valeur d'acquisition. Avec l'ancien système, la plus-value aurait été : 1,5 million - 1 million = 500 000 euros. Mais avec l'amendement, la plus-value imposable sera de 1,5 million - 250 000 euros = 1,25 million euros.
Plus-value immobilière : vers la fin de l'abattement pour durée de détention ?
Actuellement, les propriétaires profitent d'exonérations fondées sur la durée de détention. La plus-value au moment de la cession est imposée à un taux global de 36,2 % (19 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux) après application d'abattements pour durée de détention. Ces derniers entraînent une exonération totale d'impôt sur le revenu au bout de 22 ans ; l'exonération totale des prélèvements sociaux intervenant après 30 ans. Mais un amendement pourrait remettre à plat les règles du calcul.
L'exonération pourrait être remplacée par une indexation du prix d'acquisition en fonction de l'inflation. L'imposition se ferait ensuite à la Flat Tax (30 % actuellement mais dont le taux serait porté à 33 %). L'objectif annoncé est d'encourager à la revente, permettant théoriquement de fluidifier un marché immobilier devenu atone.
En outre, l'exonération de la résidence principale serait conditionnée à une durée d'occupation de cinq ans minimum. Sauf cas exceptionnel (séparation, mutation, hospitalisation…). La flat tax serait appliquée sur la plus-value de revente si le bien est cédé avant ces cinq années.
Impôt universel : une assiette mondialisée pour les non-résidents français
Aujourd'hui, les non-résidents sont imposés en France uniquement sur leurs revenus de source française (comme les revenus immobiliers ou les revenus d'activité générés en France). Visant l'exil fiscal, un amendement cible les personnes ayant résidé en France pendant trois ans sur les dix dernières années. Les expatriés ayant la nationalité française seraient imposables sur leurs revenus mondiaux, qu'ils soient soumis à l'Impôt sur le revenu ou à la flat tax.
Cette mesure, difficile à mettre en oeuvre, permettrait de créer un impôt universel ciblant particulièrement les paradis fiscaux. Le texte soumis précise que « ce dispositif cible les pays dont les taux d'imposition sont au moins 50 % inférieurs à celui de la France, que ce soit en matière d'impôt sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Les impôts payés dans le pays de résidence seraient soustraits de la facture finale.
Héritage : une augmentation des taux d'imposition
Enfin, les députés Ensemble pour la république (EPR) ont proposé un texte permettant, d'un côté, une exonération plus importante pour les donations en ligne indirectes. L'amendement « vise à doubler les abattements dont peuvent bénéficier les frères et soeurs, les neveux et nièces et à créer de nouveaux abattements pour les enfants de conjoint et petits-enfants de conjoint, dans le cadre d'une donation ». Mais cet avantage n'est pas sans inconvénient.
Une deuxième partie du texte propose de financer cette première mesure en augmentant le taux d'imposition de la tranche la plus élevée, actuellement fixé à 3 611 354 €. Le taux appliqué passerait de 45 % à 49 %.
Donation : nouvelle exonération pour les dons d'argent
Rare amendement allant dans le sens d'un allégement fiscal : un don supplémentaire de 150 000 euros, sans fiscalité. C'est ce que prévoit cet amendement pour relancer les transactions dans l'immobilier dans le neuf. Cette exonération s'appliquerait à condition que le donataire soit un descendant dont le projet est d'acheter un logement neuf, pour en faire sa résidence principale. Le texte, s'il est adopté, n'est prévu que pour un an, du 1er janvier au 31 décembre 2025.
Ce dispositif serait également cumulable avec l'exonération des droits de mutation à titre gratuit, qui permet une donation de 100 000 euros tous les 15 ans.
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