
Fiscalité
Le maire de Cannes et président de Nouvelle Énergie dénonce un débat démagogique, qui risque de freiner l’investissement et d’affaiblir la France.
Le JDD - 21 septembre 2025 - Propos recueillis par Jules Torres
Le JDD. La semaine a été dominée par le débat sur la taxe Zucman. À vos yeux, s’agit-il d’un nouvel avatar de la spoliation fiscale prônée par la gauche ?
David Lisnard. C’est la dernière trouvaille de la facilité française vers toujours plus d’impôts. Cela détourne l’opinion du vrai problème : où va notre argent ? Ce débat aurait un sens si nous étions un pays à faible pression fiscale. Mais nous sommes au record mondial, avec 45 % de la richesse nationale confisquée par les prélèvements obligatoires. On ne souffre pas d’un manque mais d’un excès d’impôts et d’un État inefficace. En France, on prélève plus qu’ailleurs, on dépense plus qu’ailleurs, et nos services publics se dégradent. On crée moins de richesse, on asphyxie ceux qui travaillent, et on flatte une idéologie égalitariste qui nivelle par le bas. Or, la fiscalité n’a pas vocation à être morale mais efficace.
Comment la gauche a-t-elle réussi à imposer ce thème au centre du débat politique et budgétaire ?
Par une mécanique bien huilée de communication et parce qu’il existe en France un terreau favorable. Depuis l’Ancien Régime, notre pays vit dans cette tentation permanente de l’étatisme égalitariste qu’Alexis de Tocqueville avait parfaitement décrit. Hélas, la gauche n’a pas le monopole de la démagogie fiscale. Le mal est plus profond : beaucoup au RN, certains au centre et même parfois à LR tiennent le même discours. Voilà pourquoi, avec Nouvelle Énergie, nous proposons une alternative claire : sortir du social-étatisme.
M. Zucman promet 20 milliards d’euros de recettes quand d’autres économistes parlent de quatre fois moins. Qui a raison, selon vous ?
Cette taxe est une illusion dangereuse. Plus que le montant fictif, le vrai problème est le principe : en s’attaquant à la propriété, elle coûterait plus qu’elle ne rapporterait. L’ISF en a été la démonstration : chaque euro collecté détruisait davantage de richesse. On ne multiplie pas les gâteaux en les rognant, on finit par se partager une tartelette. Les revenus modestes seraient les premiers touchés. Les pays qui avaient un impôt sur la fortune l’ont supprimé, la Norvège a reculé en quelques mois. La prospérité publique suppose la création de richesse, donc le respect de la propriété privée. Cette taxe fait l’inverse.
Au-delà du symbole, nombre d’économistes estiment qu’une telle taxe gèlerait l’investissement. Partagez-vous cette inquiétude ?
C’est déjà une réalité. Des entrepreneurs partent à Milan ou à Dubaï. Nous importons de la pauvreté et nous exportons des talents. L’exemple de Doctolib est parlant : valorisée à plusieurs milliards, elle réinvestit dans sa croissance. Une telle taxe contraindrait ses fondateurs à vendre des parts, diluant le capital français au profit d’intérêts étrangers. C’est un impôt sur des actifs non liquides, contraire au principe de capacité contributive. Il ne s’attaque pas seulement au présent, il hypothèque l’avenir. On ne prépare pas l’avenir en le taxant.
« Nous continuons d’empiler les normes, d’étouffer la création de valeur, et de croire que l’on résoudra nos problèmes par de nouveaux impôts »
Comprenez-vous malgré tout les Français qui réclament plus de justice fiscale ?
Oui. Je vois des gens qui travaillent et dorment dans leur voiture, des jeunes qui rament, des retraités qui n’y arrivent plus. Mais répondre par la démagogie fiscale, c’est aggraver leurs difficultés. Les plus modestes seraient encore plus pauvres avec ce type de taxe, car elle affaiblirait la croissance et donc les revenus. Il faut rappeler une vérité élémentaire : la production précède la distribution. Moins on produit, moins on peut distribuer. Aujourd’hui, nous avons les salaires bruts parmi les plus élevés du monde, et les salaires nets parmi les plus bas. La différence, c’est l’État-providence, devenu un État de dépendance. Il faut en sortir si l’on veut redonner de l’espérance aux classes moyennes et populaires.
Après la dégradation de la note de la France par Fitch, vous évoquiez le « triple S » : socialisme, surréglementation, spoliation fiscale. Sommes-nous toujours prisonniers de ce modèle ?
Plus que jamais. Nous continuons d’empiler les normes, d’étouffer la création de valeur, et de croire que l’on résoudra nos problèmes par de nouveaux impôts. C’est le logiciel du social-étatisme, dont le macronisme n’a été que la dernière déclinaison sophistiquée. On perfuse un État-providence déjà mort, au prix d’un endettement abyssal et d’une fiscalité qui décourage tout effort.
Sébastien Lecornu vient d’arriver à Matignon. Croyez-vous qu’il ait les moyens de rompre avec cette logique ?
Je ne veux pas faire de procès d’intention. C’est un homme habile et intelligent, il vient d’être nommé. Mais il arrive à la fin de trois cycles : celui de l’européanisation du monde débuté à la Renaissance ; celui de l’État-providence bâti après-guerre, qui reposait sur la démographie, une immigration limitée et de travail, et une forte productivité – ce cycle est terminé ; et le cycle politique du macronisme, qui est un échec et touche à sa fin. Dans ce contexte, continuer comme avant, c’est être la rustine du Titanic. On peut changer de commandant, le bateau coule quand même. Il faut changer d’embarcation : passer d’un État-providence à un État-performance.
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