Vendredi, tard dans la soirée, l'Assemblée nationale a voté en faveur de l'instauration d'un « impôt sur la fortune improductive ». (REUTERS/Gonzalo Fuentes)

Fiscalité

Les députés n'ont pas adopté la taxe Zucman cette semaine à l'Assemblée, mais ils ont multiplié les mesures pour taxer davantage les entreprises. Passage en revue des principales dispositions adoptées en première lecture.

Les Echos - 1er novembre 2025 - Par Valerie Landrieu, Véronique Le Billon

 

Les députés ont multiplié les mesures fiscales cette semaine dans l'hémicycle et en commission, sous l'oeil inquiet d'un gouvernement qui espère décrocher une non-censure du budget 2026. Passage en revue des principales mesures adoptées en première lecture pour les entreprises et les ménages - fortunés ou pas. La discussion va se poursuivre ce début de semaine.

· Fiscalité très alourdie pour les multinationales

Les députés ont adopté un amendement surprise et massif, le 28 octobre, pour les grandes entreprises : contre l'avis du gouvernement, ils ont voté la création d'un « impôt universel » sur les bénéfices réalisés en France par les multinationales, à hauteur de 25 %. L'objectif affiché est de limiter les stratégies d'optimisation par le transfert de bénéfices vers des juridictions à fiscalité plus avantageuse. Recettes estimées pour l'Etat : 26 milliards d'euros, selon les défenseurs de la taxe. Le gouvernement, hostile à la mesure, a pointé la difficulté à appliquer cette mesure, compte tenu des conventions fiscales internationales.

Mercredi soir, les députés ont aussi abaissé le seuil de déclenchement de la taxe existante sur les bénéfices des multinationales, « l'impôt minimum mondial » mis en place depuis 2024, à 500 millions d'euros de chiffre d'affaires au lieu de 750 millions d'euros, là encore contre l'avis du gouvernement.

· Un doublement du taux de la taxe Gafam

Dans une logique identique de « juste contribution », les députés ont aussi acté le doublement, de 3 à 6 %, de la « taxe Gafam », initialement introduite pour taxer les géants (américains) numériques. Un prélèvement déjà censé rapporter en l'état actuel de la fiscalité quelque 880 millions d'euros l'an prochain.

· Une surtaxe d'impôt sur les sociétés

Cette fois, c'est le gouvernement qui a proposé la mesure : les députés ont adopté un amendement de l'exécutif qui surtaxe de 2 milliards d'euros (par rapport au rendement déjà attendu l'an prochain) les bénéfices des grandes entreprises. La surtaxe d'impôt sur les sociétés (IS), qui devait d'abord s'appliquer de manière exceptionnelle en 2025, avait été prolongée pour 2026 mais avec des taux divisés par deux.

L'amendement finalement adopté remonte à 35,3 % le taux de surtaxe pour les plus grandes, tandis que les ETI voient leur taux de surtaxe baisser à 5 %. Les très grandes entreprises verront donc leur taux effectif d'IS, après surtaxe, passer de 35 % en 2025 à 33,8 % en 2026. Pour les autres entreprises visées, il passera de 30,15 % en 2025 à 26,25 % en 2026. Environ 440 entreprises seront concernées (comme cette année).

· La fiscalité des rachats d'actions alourdie

Les députés ont adopté un amendement qui élargit l'assiette des entreprises assujetties à la taxe sur les rachats d'actions à l'ensemble des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Le taux passe de 8 à 33 %. « On doit s'attaquer à cet argent, et pas à nos TPE/PME », a soutenu Kévin Mauvieux (RN), jugeant que cette mesure devrait rapporter quelque 8 milliards d'euros.

Sur proposition de LFI, un amendement a aussi été adopté sur les « superdividendes » : il vise les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros, dont les dividendes ont augmenté de 25 % par rapport à la période pré-Covid. Un taux de taxation progressif selon le niveau d'augmentation des dividendes par rapport à cette période serait mis en oeuvre.

· Un geste important pour les PME et sur la CVAE

Parmi les mesures coûteuses mais favorables aux entreprises, l'élargissement de l'assiette donnant droit à un taux réduit d'impôt sur les sociétés pour les PME. Issu d'un amendement socialiste, il est évalué à 1,8 milliard d'euros. Les députés ont aussi acté la reprise l'an prochain de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

· Une taxe restreinte sur les holdings

L'article initial du projet de budget proposait une taxe (complexe) sur les holdings patrimoniales, comprenant des exemptions pour préserver l'activité économique. Elle devait concerner 10.000 holdings sur les 30.000 existantes en France, pour un rendement légèrement inférieur à 1 milliard d'euros.

L'amendement adopté limite la taxe « aux seuls actifs qui ne pourraient manifestement pas être affectés à une activité économique réelle », autrement dit des biens somptuaires (yachts, avions, bijoux, objets d'art…). Leur taxation serait portée de 2 % à 20 %. Avec un seuil de détention d'une holding par ailleurs rehaussé de 33,3 % à 50 %.

· Une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prolongée

Le 29 octobre, les députés ont approuvé des amendements visant à prolonger la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), qui s'ajoute à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). Initialement instaurée comme une mesure temporaire par la loi de finances 2025, cette taxe s'ajoute à l'impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés.

La CDHR, instaurée par la loi de finances pour 2025, vise à assurer une imposition minimale de 20 % des revenus fiscaux de référence supérieure à 250.000 euros pour les célibataires et 500.000 euros pour les couples. L'Assemblée nationale a voté la prolongation de cette contribution jusqu'à ce que le déficit public repasse sous la barre des 3 % du PIB. La mesure devrait rapporter 1,5 milliard d'euros en 2026, selon les estimations du gouvernement.

· Création d'un impôt sur la fortune « improductive »

Vendredi soir, l'Assemblée nationale a voté en faveur de l'instauration d'un « impôt sur la fortune improductive ». Sont visés les actifs qui ne génèrent pas de revenus ou ne contribuent pas directement à l'économie réelle. L'objectif est de décourager l'accumulation de capitaux dormants et d'inciter les détenteurs de grandes fortunes à investir dans des secteurs créateurs de valeur.

Ce nouvel impôt se distingue de l'ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de l'actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) par son ciblage sur le caractère « improductif » des biens. Le seuil a été maintenu au niveau actuellement applicable pour l'IFI (1,3 million d'euros), avec un taux unique de 1 % et la possibilité pour chaque foyer fiscal d'exclure un bien dans la limite d'un abattement de 1 million d'euros. Le rendement de la mesure n'a pas été détaillé.

· Rejet de la taxe Zucman, « light » ou pas

Les amendements déposés par le PS, les écologistes et LFI pour mettre en place un impôt minimal de 2 % visant les détenteurs de patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, promu par l'économiste Gabriel Zucman, ont tous été largement repoussés par l'Assemblée.

Les variantes proposées, comme l'ISF climatique ou encore la « taxe Zucman light », décrite dans un amendement de la députée PS Estelle Mercier et excluant les entreprises innovantes et familiales sous conditions strictes, ont été également été rejetées. Avec leur proposition de version allégée de la taxe Zucman, les socialistes évoquaient des recettes fiscales de l'ordre de 5 à 7 milliards d'euros.

· Pas de gel des barèmes de l'impôt sur le revenu ou des retraites

Le 25 octobre, les députés ont rejeté le gel du barème de l'impôt sur le revenu, qui aurait pu faire entrer 200.000 foyers supplémentaires dans l'impôt et alourdi la facture des autres contribuables. La mesure devait apporter près de 2,2 milliards d'euros de recettes fiscales. Le vote à l'Assemblée a réuni une large coalition composée de l'extrême droite, de la droite, d'une partie des macronistes et les Insoumis, approuvant un amendement de Laurent Wauquiez. Sans ce gel, le barème continue d'être ajusté à l'inflation.

Vendredi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a aussi annoncé des concessions pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui sera en débat en séance ces prochains jours : le gouvernement est « favorable » aux amendements qui viendront dégeler les pensions de retraite et les minima sociaux.

· Les heures supplémentaires des salariés défiscalisées

Le 29 octobre, des amendements de Laurent Wauquiez, le chef de file des Républicains à l'Assemblée, ont été votés pour défiscaliser les heures supplémentaires et les pourboires. C'est un coup de pouce au pouvoir d'achat, mais il en coûterait un milliard d'euros aux finances publiques, selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Les heures supplémentaires bénéficient aujourd'hui d'un avantage fiscal dans la limite de 7.500 euros par an. Pour les pourboires, les députés ont voté la défiscalisation des sommes payées par carte bancaire jusqu'en 2028 - la mesure devait s'éteindre fin 2025.