Xavier Niel Godeau 01 Xavier Niel, fondateur de Free. - Sipa Press

Fiscalité

« Je pense que ceux qui changent le monde, c’est pas les politiques, mais les entrepreneurs », assure le fondateur de Free.

 L'Opinion - 2 décembre 2024 - Corinne Lhaïk et Rémi Godeau

Xavier Niel parle comme il est : spontané, provocateur, amuseur... Parti de zéro, passé par la case prison, inventeur génial de la box, aujourd’hui neuvième fortune de France (selon le classement Challenges), le fondateur de Free cultive un esprit iconoclaste. Dans un livre intitulé Une sacrée envie de foutre le bordel, il raconte sans arrière-pensées sa réussite, son rapport à l’argent, ses échecs, mais aussi comment il a inventé une école de codage sans profs, créé le plus grand incubateur de start-up au monde, acquis des médias, investi dans l’intelligence artificielle... Son co-auteur Jean-Louis Missika le décrit comme un homme lucide, avant tout « attaché à la liberté ». Pour l’Opinion, unique entretien accordé à la presse écrite après la parution de son ouvrage, Xavier Niel garde son ton libre, le luxe suprême des riches flibustiers qui ont peur de s’embourgeoiser.

 
 

Pourriez-vous devenir l’Elon Musk d’Emmanuel Macron ?

 

C’est bien payé ? [rires] Je crois que c’est impossible en France. Le fonctionnement institutionnel fait que le pouvoir est beaucoup plus partagé chez nous qu’aux Etats-Unis. Donald Trump a la majorité à tous les étages : au Sénat, à la Chambre des représentants, à la Cour suprême. C’est un président surpuissant. Ceci dit, sans être devin, je pense que sa bromance avec Elon Musk ne tiendra pas six mois. Parce qu’ils ont tous les deux un gros ego, et parce qu’ils sont incompatibles dans leur rapport avec la Chine. Dans sa première mandature, Trump a bossé pour lui seul. Dans sa seconde, il pourrait se consacrer aux Etats-Unis.


 
 

Trump II pourrait donc être un bon président…

J’ai pas dit ça ! Vous imaginez, si je vous disais ça ? Je me ferais allumer ! Vous venez voir un gauchiste et vous vous retrouvez à parler avec un trumpiste [rires] !

 

Vous racontez dans votre livre que vous êtes l’agent traitant des stars de la Silicon Valley à Paris. Que vous disent-ils sur l’élection ?

C’est partagé. Harris promettait une fiscalité confiscatoire, avec la taxation des plus-values latentes. Trump a promis de baisser les impôts. Et puis il leur a donné le sentiment qu’une proximité pouvait leur fournir des avantages. Regardez le cours de bourse de Tesla ou la valeur du bitcoin. Des patrons américains se sont dit qu’ils allaient se ranger du côté du plus fort.

 
« Etre en Europe, c’est une chance : c’est la possibilité de vendre et d’investir à la fois aux US, en Chine, et en Inde. Le défi, c’est de construire un marché dans lequel des entreprises créent de la valeur »
 

Pour l’Europe, ce n’est pas la même chose…

Vous avez deux manières de voir les choses. La vision pessimiste : America First, ça veut dire « le reste du monde après » . La vision optimiste : Trump va nous obliger à bouger, à nous prendre en charge. Moi, je suis toujours optimiste.

 

Le scénario optimiste, c’est quoi ?

Entre le grand bloc américain et le grand bloc chinois, l’Europe réussit à créer un troisième grand bloc. Après tout, le Covid nous a obligés à nous interroger sur notre dépendance. Pareil pour l’Ukraine. Après l’élection de Trump, l’Europe doit se prendre en charge.

 

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A court terme, comment devrait-elle réagir ?

En investissant. Mais pour ça, il faut apprendre à dégager des marges pour avoir du cash… L’Europe a un déficit commercial vis-à-vis de la Chine, mais un surplus avec les Etats-Unis. Les US vont instaurer des droits de douane, on risque de se retrouver avec un surplus très réduit vis-à-vis des Etats-Unis. Un truc pas top, quoi ! Mais être en Europe, c’est une chance : c’est la possibilité de vendre et d’investir à la fois aux US, en Chine, et en Inde. Le défi, c’est de construire un marché dans lequel des entreprises créent de la valeur.

 
Les télécoms, c’est dans un métier régulé, avec un nombre d’acteurs fini par marché, dans lequel il est difficile d’avoir de nouveaux entrants, et vous équipez la totalité des êtres humains de la Terre. Pas mal, non ?
 

Pour Free, quel pourrait être l’impact de l'élection de Trump ?

On fait des télécoms dans plus de 28 pays, avec des marques différentes : Free en France, Iliad en Italie, UPC Play en Pologne, Eir en Irlande... Chaque Etat à sa législation, sa réglementation. On les voit comme autant de marchés indépendants. Donc, l’impact est nul. En revanche, il peut être macroéconomique et géopolitique. Un exemple : on vient d’acheter un opérateur en Ukraine. C’est le plus gros investissement étranger en Ukraine des douze dernières années. Dans ce cas, c’est vrai, on est dépendants du soutien des Etats-Unis à l’Ukraine.

 

Et avec les Gafam, le rapport de force peut-il changer pour les opérateurs télécoms ?

Les gens me demandent toujours : mais pourquoi tu as choisi les télécoms ?

 

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Alors que les plateformes et les Gafam créent beaucoup plus de valeur...

OK, mais on peut regarder le sujet d’une autre manière. Les télécoms se trouvent au milieu de tout ça. Nous, on sert d’interface obligatoire entre les consommateurs, les vendeurs de terminaux et les Gafam. Moi, j’aime assez être au centre des dix entreprises les plus riches du monde. Elles ont besoin de nous. Si demain les opérateurs télécoms n’existent plus, Google, TikTok et Snapchat n’existent plus. Après, à nous d'être capables de récupérer de la valeur... Mais les télécoms, c’est dans un métier régulé, avec un nombre d’acteurs fini par marché, dans lequel il est difficile d’avoir de nouveaux entrants, et vous équipez la totalité des êtres humains de la Terre. Pas mal, non ?

 
C’est plus facile d’augmenter les impôts que de se mettre au boulot pour faire des économies, c’est sûr ! C’est de la démagogie
 

Que devrait faire l’Europe au niveau institutionnel cette fois-ci ? Vous dites se donner des marges...

Apprendre à gérer. Devenir un regroupement d’Etats bien gérés, avec des marges de manœuvre pour investir.

 

Donc des marges budgétaires. On en vient ainsi à la situation française, l’un des pays d’Europe dont les marges budgétaires sont les plus faibles. Vous avez dit que la France était un paradis fiscal pour les entreprises...

Non, pour les entrepreneurs !

 

Pour les entrepreneurs. Vous le dites toujours aujourd’hui ?

Oui. Ce n’est pas le pire pays au monde. La France est devenue une destination de choix pour les investisseurs du monde entier grâce à une stabilité fiscale et à une image pro-business. Ça a permis de faire baisser le chômage. Mais dès lors que le gouvernement commence à toucher la fiscalité des entreprises, les choses changent. Au début, il était question d’alourdir uniquement la fiscalité des 200 premières entreprises françaises et des plus riches. A la fin, c’est tout le monde qui se retrouve surtaxé. Ils préfèrent ça plutôt que de s’attaquer au vrai problème : la gestion de l’Etat. C’est plus facile d’augmenter les impôts que de se mettre au boulot pour faire des économies, c’est sûr ! C’est de la démagogie : comme les riches sont un nombre restreint, on cherche la masse critique…

 
Au bout du bout, la hausse de la fiscalité envoie deux messages négatifs. Le premier, vous enlevez du cash aux entreprises, vous créez du chômage et de la précarité. Le second, vous créez de l’instabilité, vous détruisez de la confiance, donc vous découragez l’investissement
 

Et on taxe plus large… 

Bah, un bon impôt, c’est un impôt à la base large et au taux faible. Là, on a pris une base très très étroite et un très gros taux, pour s’apercevoir que ça rapporte peanuts. Tout ce qui est rajouté en termes de lourdeur fiscale aux entreprises, c’est assassin. La fiscalité personnelle, c’est un autre sujet. Je n’ai pas de problème là-dessus : vous pouvez me taxer à 100 %, je resterai dans ce pays. Mais on serait combien à rester ? Avec la simple hausse envisagée, j’en connais beaucoup qui veulent déjà partir… Quant aux entreprises, c’est autant qu’elles n’auront pas pour investir, pour se développer, pour créer de nouveaux emplois.

 

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Quel sera l’impact pour Free ?

Pour 2025, c’est 120 millions d’euros. C’est toujours trop. C’est 120 millions d’euros que nous n’utiliserons pas en investissement dans des infrastructures en France ou dans l’acquisition de sociétés. Au bout du bout, la hausse de la fiscalité envoie deux messages négatifs. Le premier, vous enlevez du cash aux entreprises, vous créez du chômage et de la précarité. Le second, vous créez de l’instabilité, vous détruisez de la confiance, donc vous découragez l’investissement.

 
Sur les hausses d’impôt, le gouvernement aurait dû dire : c’est exceptionnel, ce n’est vraiment que pour un an
 

Les entreprises entrent dans une zone dangereuse ?

Le gouvernement aurait dû dire : c’est exceptionnel, ce n’est vraiment que pour un an.

 

C’est deux ans...

Vous savez quoi ? De manière démagogique, dites un an, et l’année suivante, recommencez. C’est tellement plus intelligent ! Un an, pour tout le monde, c’est vraiment exceptionnel. Et vous pouvez au moins vous dire, au fond de votre tête, qu’après, c’est fini. Mais deux…

 

Vraiment, vous auriez préféré qu’on vous dise c’est pour un an et qu’on vous refasse le coup l’année suivante ?

Nous Français, on sait ce qu’exceptionnel veut dire, on connaît l’histoire… Mais pour un investisseur étranger, c’est différent. Cette instabilité fiscale et politique, c’est nouveau pour eux. Ils ne comprennent pas. Et quand on ne comprend pas, on est attentiste. On est début décembre, on va avoir potentiellement une fiscalité rétroactive sur l’année, votée en décembre, sans savoir à quelle sauce on va être mangés. C’est effrayant ! Une fois de plus, on a le droit de faire des bêtises une année. De dire  : il y a urgence, on n’a pas le temps de restructurer le pays, donc en attendant, il faut de l’exceptionnel. Mais ça doit être réellement limité dans le temps.

 

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Vous pensez donc que ça va durer plus de deux ans…

Je pense que l’Etat n’a pas le courage de se réformer. Nos services publics fonctionnent mal, avec des gens mal payés. A l’hôpital, à l’école, ils ne sont pas assez payés et s’en plaignent légitimement. De l’autre côté, la France a les prélèvements rapportés au PIB les plus élevés au monde. Le problème, ce ne sont pas les professeurs, ni les médecins ou les infirmières. Le problème, c’est ce truc nuageux, incompréhensible, lourd et administratif, entre eux et la tête de l’Etat.

 

Vous n'êtes pas tenté par la politique, mais vous avez quand même une démarche citoyenne qui est très politique. Avec comme priorité l’ascenseur social, la diversité et le renouvellement des élites…

Je pense que ceux qui changent le monde, ce ne sont pas les politiques, mais les entrepreneurs. On a quelques-unes des plus belles entreprises du monde en France ! Mais dans cinquante ans ? Les dix premières entreprises américaines d’aujourd’hui n’existaient pas il y a vingt-cinq ans. Et en France, nos grandes entreprises, elles, existaient toutes déjà il y a vingt-cinq ans. Nous n’avons pas cette capacité de création de nouvelles grandes entreprises. Parce que les jeunes n’en créent pas assez. Moi, j’ai envie qu’elles existent parce que j’aime ce pays. Il est incroyable, fantastique. Comment est-on capable de faire émerger une nouvelle génération de gamins de 25 ou 30 ans, qui vont créer des boîtes incroyables qui seront les Total ou le LVMH de demain ?

 

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Vous dites pourtant que la France est un pays d’entrepreneurs…

Le mot entrepreneur est un mot français utilisé dans le monde entier. C’est donc bien que l’entrepreneuriat doit être dans notre ADN ! C’est une loi statistique : plus on crée de sociétés, plus on aura de licornes, plus on aura de décacornes, etc. Vous allez me dire que je suis un gauchiste qui veut créer une base taxable pour demain. Ça me va !

 
La France possède le troisième écosystème d’IA au monde. Pour une seule raison : on a les talents. On a des écoles d’excellence en mathématiques et en mathématiques appliquées
 

Ce n’est pas un problème français, mais plutôt européen, non ?

Ouais, mais moi je connais un truc, c’est la France. J’y vis depuis 57 ans. Et c’est ici que j’essaie d’avoir des idées pour aider.

 

Prenons un exemple : l’école 42.

Je voyais que tous mes copains américains fondateurs de boîtes qui cartonnent étaient eux-mêmes codeurs. Donc je me dis : si on a plus de codeurs, on aura plus d’entreprises tech et plus de start-up qui cartonnent. Donc il faut une école de codeurs gratuite. C’est assez simple.

 

Sur l’intelligence artificielle, l’Europe, la France peuvent-elles jouer leur carte face à la Chine et aux Etats-Unis ?

Mais elle la joue déjà ! La France possède le troisième écosystème d’IA au monde. Pour une seule raison : on a les talents. On a des écoles d’excellence en mathématiques et en mathématiques appliquées : Polytechnique ou le master MVA produisent les meilleurs chercheurs au monde en intelligence artificielle. Et il n’y a pas une start-up d’IA au monde qui cartonne sans y trouver plein de Français !

 

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L’environnement est-il propice pour que nos start-up deviennent des géants mondiaux ?

Oui. Par exemple, on a en France une très belle start-up d’intelligence artificielle dont les fondateurs sont américains. Ils ne sont pas installés aux Etats-Unis, ils sont venus s’installer en France. Leur boîte s’appelle Poolside, et elle a fait de grosses levées de fonds.

 
Emmanuel Macron a amené les investisseurs du monde entier en France. Il a créé énormément de valeur pour le pays. Après, est-ce que l’administration a été gérée d’une manière idéale ? L’a-t-elle déjà été, dans son histoire ? Je ne connais pas assez l’histoire du pays pour juger
 

Succès entrepreneurial d’un côté. Réforme de l’Etat en panne de l’autre. Il y a quelqu’un qui s’occupe de ça et que vous connaissez bien. Il s’appelle Emmanuel Macron !

Ah non, ce n’est pas le rôle du Président ! On a un Premier ministre, non ? Il a l’air de vouloir s’en saisir, j’espère qu’il le fera. Et on a un ministre, Guillaume Kasbarian, qui a fait des déclarations qui me rendent optimiste.

 

Le Président a eu les manettes pendant sept ans. Il ne s’est pas passé grand-chose sur la sphère publique…

Il a amené les investisseurs du monde entier en France. Il a créé énormément de valeur pour le pays. Après, est-ce que l’administration a été gérée d’une manière idéale ? L’a-t-elle déjà été, dans son histoire ? Je ne connais pas assez l’histoire du pays pour juger. Ce que je vois, c’est que le Président a contribué à transformer l’image de la France. Par ailleurs, durant son mandat, le nombre de créations de start-up a explosé.

 

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Il a pris le risque de remettre cette attractivité en question avec la dissolution...

C’est facile de dire après coup que c'était une mauvaise idée. Mais, on n’a jamais tort de demander aux gens ce qu’ils pensent. Et une élection, c’est ça. Vive la démocratie !

 

Vous approuvez cette décision ?

Je ne suis pas un homme politique, j’ai la chance de ne pas avoir à l’approuver ou à la désapprouver. Je dis juste que quand vous faites de la politique et que vous voulez gagner, il faut prendre des risques. Est-ce que le pari est réussi ou raté ? C’est un autre sujet.

 

On est à un moment de bascule ? Vous diriez là, on est toujours du bon côté de la force.

Oui, à condition que les choses exceptionnelles soient réellement exceptionnelles.

 
Si vous instaurez la proportionnelle avec prime majoritaire, et que vous avez trois blocs à 30 %, ça devient le loto pour celui qui gagne. Donc il y aurait une illégitimité même pour le parti majoritaire. Dans tous les cas, c’est compliqué
 

Que peut faire Macron pendant les deux ans et demi qui viennent ?

La question est celle de l’instabilité politique. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, vous avez trois grands blocs incompatibles.

 

C’est un phénomène durable. La dissolution a fait apparaître que la France est entrée dans une nouvelle ère sans majorité.

Si vous instaurez la proportionnelle avec prime majoritaire, et que vous avez trois blocs à 30 %, ça devient le loto pour celui qui gagne. Donc il y aurait une illégitimité même pour le parti majoritaire. Dans tous les cas, c’est compliqué.

 

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Que peut faire le Président avec ça ?

Etre le garant de l’unité de la Nation.

 

Ce n’est pas spontanément la fonction qu’on lui attribue…

Il a été élu pour ça.

 
Quand même, un truc hallucinant, c’est que ces derniers jours, vous avez l’impression que, au-delà de quelques personnes dans le bloc central, le seul raisonnable sur le soutien aux entreprises, c’est Jordan Bardella. C’est effrayant...
 

Pas au début, non…

Dans la Constitution, c’est implicite…

 

Est-ce qu’on peut dans les deux ans et demi qui viennent trouver des mesures consensuelles en faveur des entreprises ?

Quand même, un truc hallucinant, c’est que ces derniers jours, vous avez l’impression que, au-delà de quelques personnes dans le bloc central, le seul raisonnable sur le soutien aux entreprises, c’est Jordan Bardella. C’est effrayant...

 

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Dans son livre, il écrit que vous êtes le modèle de la réussite de l’entrepreneur français…

Je vais rougir... [rires].

 

Cela vous gêne ?

Je suis juste triste que Jean-Luc Mélenchon n’ait pas dit pareil. Ça me fait de la peine. J’aurais bien aimé ! Vous m’auriez dit : Mélenchon et Bardella vous identifient comme le modèle de la réussite française… Ça aurait équilibré [rires].

 

On est quand même dans un pays qui n’aime pas trop ses chefs d’entreprise, surtout quand ils réussissent…

On ne vient jamais m’emmerder.

 

Parce que vous êtes transgressif, c’est ça ?

Parce que je suis né à Créteil, dans une famille moyenne et que je parle normalement à tout le monde.

 

Personne pour vous reprocher votre fortune ?

Sur les réseaux sociaux, parfois un peu. Mais ça ne m’est jamais arrivé en face. Quand vous êtes un entrepreneur parti de pas grand-chose, vous êtes moins stigmatisé que d’autres. Je n’ai pas l’impression que les Français que je connais ou les gens avec qui je travaille n’aiment pas leurs patrons. Mais je ne suis peut-être pas typique de l’image que l’on se fait du patron.

 
Si vous voulez exister dans un monde vachement normé, c’est important d’être disruptif. Quand on s’est lancé en 1999, il y avait 70 fournisseurs d’accès à Internet qui se sont lancés en même temps. Et nous, on est les seuls survivants des 70 !
 

Vous évoquez aussi dans votre livre votre passage en prison. Avez-vous revu vos anciens codétenus ?

On a un peu échangé des courriers. La personne avec qui j’ai le plus parlé, c’est un commissaire de police qui avait tué sa femme parce qu’il l’avait surprise au lit avec une autre femme. Et mes autres codétenus, c’était un festival : un militaire qui avait tué quelqu’un dans un théâtre d’intervention à l'étranger, un gardien de prison qui avait été un peu trop proche de prisonniers, un douanier qui avait fraudé... Quand j’arrive, je leur dis que je suis innocent. Et eux me répondent : mais on est en détention provisoire, on est tous innocents !

 

Avec le temps, vous êtes devenu un peu sage, vous étiez dur avec les journalistes à une certaine époque, non ?

J’étais le roi du procès en diffamation. Globalement, je les ai tous perdus. Un jour, le rédacteur en chef de Libé fait l’objet d’une plainte : le juge le réveille à 6 heures du mat’ et le met en garde à vue. Je me suis dit, quand même, ça fait beaucoup pour une virgule mal placée… Ça m’a bien calmé. Mais nos concurrents, eux, n’ont pas arrêté : on a eu une condamnation à 40 millions d’euros car j’avais dit que si les gens restaient abonnés chez les autres opérateurs, c’étaient des pigeons... Depuis, je fais attention avant de dire le mot « pigeon ».

 

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La disruption en pub, c’est un peu une marque de fabrique, non ?

Si vous voulez exister dans un monde vachement normé, c’est important d’être disruptif. Quand on s’est lancé en 1999, il y avait 70 fournisseurs d’accès à Internet qui se sont lancés en même temps. Et nous, on est les seuls survivants des 70 ! Ça vient d’un rapport qualité/prix qui est, je pense, de loin le meilleur, et mais probablement aussi d’une communication différente.

 

Quand vous répondez à vos détracteurs sur X, comme cette photo devant un Lidl à Marseille par exemple, c’est du pur humour ou du marketing ?

Il n’y a aucune stratégie cachée. Ça me fait juste marrer. Elon Musk avait tweeté un truc avec Iliad dedans, je lui ai répondu : « Tu me cherches ? »

 

Parce que, comme vous l’écrivez, « tout ça n’est qu’un putain de jeu » ?

Ouais. A la fin, on mourra tous. Alors autant s’amuser un peu avant.