
Finances publiques
Le projet de budget dévoilé mardi par Sébastien Lecornu vise à ramener le déficit public à 4,7 % du PIB. Parmi les mesures avancées, le prolongement d’un an de la contribution différentielle sur les plus hauts revenus.
Le Monde - 14 octobre 2025 - Par Denis Cosnard
Le projet de loi de finances soumis au conseil des ministres, réuni exceptionnellement mardi 14 octobre, n’a rien de définitif. Il a été « plutôt imaginé pour que le débat ait lieu », a dit et répété le premier ministre. Sébastien Lecornu a ainsi prévenu que l’objectif de déficit public inscrit noir sur blanc – 4,7 % du produit intérieur brut (PIB) – pourrait être assoupli et se rapprocher de 5 %. Cela permettrait, par exemple, d’absorber l’impact financier d’une suspension de la réforme des retraites, évalué à quelques centaines de millions d’euros la première année.
S’il n’est pas bloqué par un vote de censure, le débat promis s’annonce riche. Dans son état actuel, l’ébauche signée par Sébastien Lecornu à partir de la copie léguée par son prédécesseur, François Bayrou, met sur la table pas moins de 29 mesures fiscales. « Je ferai une proposition de budget dans laquelle certains impôts augmenteront, mais d’autres diminueront », avait indiqué le premier ministre dans Le Parisien, le 26 septembre. C’est bien le cas.
Le texte prévoit de créer plusieurs nouvelles taxes. La première porterait sur les actifs « non affectés à une activité opérationnelle » des holdings patrimoniales. Elle ciblerait de 20 000 à 30 000 de ces structures où les très riches placent une partie de leur fortune à l’abri du fisc, tant qu’ils n’en ont pas besoin. « C’est un mécanisme désormais assez usité – disons-le franchement – d’évitement et parfois de contournement de l’impôt », avait admis la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, en juillet.
Ces montages, légaux, « expliquent la perte de progressivité de l’imposition du revenu observée par certaines études pour environ 4 000 ménages les plus fortunés », relève l’exposé des motifs. Cette taxe sur les holdings, ersatz de taxe Zucman, ne toucherait cependant pas les biens professionnels, ce qui réduirait son rendement d’environ 90 %. Elle pourrait rapporter entre 1 et 1,5 milliard d’euros.
Réformer plusieurs impôts existants
Deuxième innovation, une taxe sur les « petits colis » en provenance de pays non européens, ces colis de moins de 150 euros, surtout chinois, accusés de tuer le petit commerce. Le projet mentionne aussi une fiscalisation de « l’ensemble des produits à fumer », ce qui annonce une taxe sur le vapotage, que les industriels du secteur avaient jusqu’ici réussi à repousser avec le soutien de certains militants antitabac.
Le budget Lecornu propose également de maintenir la contribution différentielle sur les hauts revenus, créée en 2025, qui vise une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus. L’autre taxe « exceptionnelle » de 2025, celle sur les profits des grandes entreprises, serait aussi conservée, mais à un taux divisé par deux. Elle ne rapporterait que 4 milliards d’euros au lieu des 8 milliards anticipés cette année.
Le texte prévoit par ailleurs de réformer plusieurs impôts existants. L’une vise l’abattement de 10 % pour « frais professionnels » sur les revenus des retraités. Il serait remplacé par un abattement forfaitaire de 2 000 euros, ce qui améliorerait la situation des couples de retraités les plus modestes, et conduirait les plus aisés à payer davantage. D’autres réformes concerneraient le régime d’aide fiscale à l’investissement productif outre-mer, la réduction d’impôt sur le revenu dite « Madelin », l’écotaxe alsacienne sur les poids lourds, ou encore la fiscalité sur les déchets et celle sur les énergies de chauffage. Au programme encore, le relèvement de plusieurs « droits de timbre », notamment pour les étrangers qui demandent la nationalité française.
Le projet de loi propose en outre de supprimer 23 niches fiscales sur les 474 dispositifs actuels. Sur la sellette se trouvent des niches inutilisées, ou très peu utilisées, comme le fait que les bénéficiaires du prix Nobel soient exonérés d’impôt sur le chèque qui leur est attribué. Le gouvernement veut aussi faire disparaître des niches jugées injustifiées ou à l’efficacité contestée. Il propose ainsi de fiscaliser désormais les indemnités journalières pour affection longue durée, de supprimer la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur, et de supprimer ou réduire les avantages fiscaux accordés aux carburants d’origine végétale B100 et E85.
En sens inverse, Sébastien Lecornu souhaite réduire d’un tiers la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt honni des industriels. Une première étape en vue de sa suppression pure et simple. De même, il est envisagé de renforcer les dispositifs fiscaux de soutien des quartiers urbains en difficulté. Et d’alléger encore la fiscalité sur les dons en faveur des organismes d’aide aux plus démunis, « confrontés à une stagnation des dons consentis à leur profit ». Le plafond de versements ouvrant droit à une réduction d’impôt de 75 % serait doublé, à 2 000 euros. Un sérieux coup de pouce au fameux « amendement Coluche ».
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