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Premier ministre de gauche, gouvernement technique... Notre journaliste François-Xavier Bourmaud passe en revue les options dont disposerait Emmanuel Macron si le gouvernement Barnier était renversé
L'Opinion - 26 novembre 2024 - Par François-Xavier Bourmaud et Jérémy Bouillard
Faut-il prendre au sérieux la menace d’une censure du gouvernement Barnier brandie par les leaders du NFP et que le RN pourrait voter ?
La menace que le Rassemblement national vote une motion de censure déposée par les membres du NFP est une menace crédible. Mais elle est à double tranchant pour Marine Le Pen et le Rassemblement national. On voit bien au RN que la base militante demande cette censure et c’est une demande qui ne cesse de progresser depuis l’installation du gouvernement de Michel Barnier.
Mais, de l’autre côté, le Rassemblement national étant engagé dans un processus de normalisation, la « stratégie de la cravate » pour être respectable, il leur faut aller conquérir des électeurs, des nouveaux électeurs, qui détestent le chaos et qui demandent de la stabilité. Or, voter la motion de censure, c’est répondre au cœur de l'électorat du Rassemblement national. Mais c’est aussi se fermer la porte à ces nouveaux électeurs potentiels, ceux qui pourraient rejoindre le RN et l’aider à accéder à l'Élysée.
Donc la décision de Marine Le Pen de brandir ou pas la censure est extrêmement complexe pour ça. Elle a encore un peu de temps pour se décider, jusqu'à fin décembre. Mais elle décidera de toute façon en fonction de ces deux enjeux-là.
De quelles options disposerait Emmanuel Macron si le gouvernement était renversé ?
Si le gouvernement de Michel Barnier est censuré, il tombe dans la seconde et Emmanuel Macron doit en nommer un nouveau. Il y a plusieurs options qui s’offrent à lui. Un peu comme en juillet dernier après le second tour des élections législatives, mais avec l’option LR en moins puisque l’alliance avec Les Républicains aurait fait preuve en tout cas de son échec, il pourrait décider de se tourner vers la gauche et d’aller chercher un Premier ministre issu des rangs socialistes.
Ce qui suppose quand même plusieurs choses. La première, c’est que les socialistes rompent avec La France insoumise. Et la deuxième, c’est que les socialistes qui accepteraient d’entrer dans un gouvernement dirigé par un socialiste, bénéficient de la bienveillance des Républicains, ce qui n’est pas gagné non plus. En tout état de cause, si Emmanuel Macron décidait de nommer un Premier ministre de gauche, il serait tout aussi exposé à une motion de censure que Michel Barnier. Et on en reviendrait un peu à la même situation qu’en ce moment avec un gouvernement menacé de tomber à tout moment.
Autre option qui se présente pour Emmanuel Macron, c’est celle de nommer un gouvernement technique. C’est une piste qu’il avait explorée déjà à la fin du mois d’août en évoquant l’hypothèse de nommer le président du Conseil économique, social et environnemental à Matignon, Thierry Beaudet. Cette piste avait été écartée parce qu'à l'époque, il avait été jugé qu’il fallait un Premier ministre politique.
Si le gouvernement tombe, et donc que le budget 2025 n’est pas voté, à ce moment-là, le budget 2024 s’appliquera et un gouvernement technique serait possible. Ce serait une sorte de gouvernement de gestion des affaires courantes où il s’agirait d’administrer le pays avec des hauts fonctionnaires, des diplomates, des experts, mais sans attache partisane. Le temps que le président de la République retrouve ses marges de manœuvre politiques, à savoir son droit de dissoudre l’Assemblée nationale.
Il y a une troisième piste qui s’offre à Emmanuel Macron, mais elle est peu probable, c’est celle de renommer immédiatement Michel Barnier à Matignon après la censure de son gouvernement. C’est politiquement explosif puisque le Premier ministre se retrouverait tout autant exposé à une autre motion de censure qu’il l’est aujourd’hui.
En cas de censure, LFI et le RN appellent Macron à démissionner. Est-ce une hypothèse crédible ?
Si le gouvernement de Michel Barnier tombe sur une motion de censure, ça va continuer à entretenir la petite musique sur la démission du président de la République. Cette petite musique, ce poison lent, est dans l’atmosphère depuis que La France insoumise a déposé une motion de destitution du président de la République qui n’avait aucune chance d’aboutir. Mais, à la rentrée, on se souvient que dans un entretien au magazine Le Point, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe avait laissé entendre qu’il se préparait pour 2027, mais pas forcément pour cette échéance-là, et qu’il pourrait être prêt avant si une échéance présidentielle, une élection présidentielle, était provoquée avant 2027.
Effectivement, cette petite musique se fait entendre à échéance régulière : plus le chef de l'État enregistre d'échecs, plus cette petite musique jouera fort.
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