Éric Ciotti est député des Alpes-Maritimes et président des Républicains. Sébastien SORIANO/Le Figaro

Entretien

Le président des Républicains veut poser ces «états généraux de la droite pour la France» comme la première pierre d’une indispensable reconstruction.

Le Figaro - 16 juin 2023 - Par Emmanuel Galiero et Claire Conruyt

LE FIGARO . - Quel est le message de ces premiers «états généraux de la droite»?

Éric CIOTTI . -La droite est de retour! Je veux que ces états généraux portent un message d’espérance pour notre famille politique, pour la droite républicaine et, bien au-delà, pour la France. Nous devons tourner la page d’une longue série d’échecs. Depuis quelques semaines, les briques de la reconstruction sont posées sur des fondations inscrites dans notre histoire. Ces états généraux doivent porter un souffle nouveau.

L’absence de Laurent Wauquiez et de David Lisnard, candidats potentiels à la présidentielle, annonce-t-elle des difficultés sur l’unité chez LR?

La première étape régionale des états généraux se fera chez Laurent Wauquiez, en Haute-Loire, dans quelques jours. Nous sommes en phase sur les objectifs. Il décide de sa stratégie, mais celle-ci s’inscrit pleinement dans une volonté d’unité et de rassemblement. Aujourd’hui, bien malin qui peut dire qui sera réellement candidat à la présidentielle. Nous n’attendrons pas cela pour reconstruire. Nous serons rassemblés avec Gérard Larcher, les trois présidents de groupes parlementaires, Olivier Marleix, Bruno Retailleau et François-
Xavier Bellamy, nos militants et nos cadres. Ce rassemblement ne doit pas ressembler à une énième réunion ponctuée par une litanie de discours que personne n’écoute. Nous ferons un état des lieux de nos faiblesses, sans tabous, et nous poserons les balises qui doivent guider notre chemin vers l’Élysée, en 2027. J’ai fait un serment devant les militants: Les Républicains retrouveront la place qu’ils n’auraient jamais dû quitter, c’est-à-dire la première. Plus que jamais, je suis convaincu que nous réussirons.

Jamais le pays n’a été autant à droite et pourtant, nous avons quitté le pouvoir il y a plus de onze ans !

Éric Ciotti

Quels sont les temps forts de ce rassemblement?

Nous débattrons avec des personnalités extérieures. Samedi marque le début d’une longue aventure qui mobilisera au-delà de nos cadres et de nos militants jusqu’au début de l’année 2024. Nous aurons la présence de Dominique Reynié, Olivier Babeau, Éric Naulleau, Chloé Morin, Mathieu Bock-Côté… Nous dévoilerons une plateforme, françaisesfrançais.org, destinée à recueillir l’assentiment de l’ensemble de nos concitoyens sur des sujets majeurs. Je veux que nous parvenions à affirmer une droite des idées: la baisse des impôts, la droite de la feuille de paie et de l’augmentation des salaires. Mais je veux aussi fixer un objectif nouveau, inédit et majeur: l’augmentation de l’espérance de vie. Elle ne progresse plus, il y a un déséquilibre de deux ans entre la ville et les zones rurales. Et derrière ce sujet se cachent des problématiques majeures de santé, de prise en charge de nos aînés, d’inégalités entre les territoires. Enfin, si tout le monde s’accorde sur les défis climatiques, évitons de tomber dans un retour en arrière sur nos libertés. ZFE, ZAN, DPE… Ces acronymes marquent une atteinte majeure à nos droits individuels et un retour inédit sur la décentralisation. Ces mesures conçues par des bobos déconnectés préparent un mouvement des «gilets jaunes» puissance dix.

Après vos divisions sur les retraites, allez-vous définir une bonne fois pour toutes la ligne idéologique de votre parti?

Sur les retraites, il n’y a pas eu de clivages idéologiques au sein de notre famille politique mais des différences personnelles et de positionnement vis-à-vis du pouvoir actuel. Tout le monde s’accordait néanmoins pour dire qu’il y avait la nécessité de réformer le système des retraites. Sur d’autres sujets, comme l’immigration, il y a une unité totale. Hier, on m’interrogeait sur nos divisions, aujourd’hui on débat sur nos propositions. Sur tous les sujets, nous sommes en train de construire une méthode de travail nouvelle. Je suis confiant.

Comment résoudrez-vous la question du mode de désignation de votre candidat?

Pour ma part, j’ai affirmé ma position dès mon élection, mais je ne veux pas que nos états généraux soient perturbés par ces débats qui arriveront le moment venu, dans la sérénité. En revanche, j’ai été élu sur l’idée d’une fin des primaires qui, par deux fois, nous ont conduits à l’échec. Sachons en tirer les conséquences avec lucidité. Mais le choix du candidat doit correspondre à une évidence partagée, sinon à l’unanimité, au moins par une écrasante majorité. Cela ne peut pas être un coup de force ni une contrainte. Ce n’est pas la procédure qui fera la candidature mais la qualité de celle qui s’imposera naturellement.

À quoi va ressembler le bureau politique?

Ce bureau reflétera et comprendra l’ensemble de nos sensibilités. Toutes les grandes personnalités de notre mouvement y figureront et y seront représentées.

Vous n’avez pas réussi à convaincre les électeurs en 2022. Pourquoi devraient-ils croire en votre capacité à diriger le pays?

C’est le premier défi pour nous. C’est pourquoi, lors de nos états généraux, nous écouterons des électeurs qui sont partis. Tout l’enjeu est là: nous devons retrouver de la crédibilité. Jamais le pays n’a été autant à droite et pourtant, nous avons quitté le pouvoir il y a plus de onze ans! Mais depuis nos propositions sur l’immigration, je sens un frémissement. Certains se disent que la droite n’est finalement pas morte. C’est le chemin qu’il faut suivre: rompre avec les tabous. La droite doit prendre tous les risques, dépasser l’immobilisme de la majorité actuelle, sortir des slogans simplistes des extrêmes.

Croyez-vous en un remaniement avant le 14 juillet?

Ce n’est pas notre sujet. Je n’ai aucun conseil à donner à l’exécutif, empêtré dans une situation très difficile.

Les menaces d’Olivier Marleix et de Gérard Larcher, qui évoquent des motions de censure LR en cas de passage en force sur l’immigration et le budget, visent-elles à faire pression sur l’exécutif ?

Il ne s’agit pas de pressions mais simplement de cohérence de notre part. Nous n’accepterons pas l’inacceptable alors que notre pays est menacé par une immigration de masse, source de communautarisme. Nous le voyons avec les atteintes à la laïcité au sein de l’école par les islamistes, très récemment, dans ma ville de Nice. Mais aussi une immigration source de délinquance, puisque 25% des places de prison sont occupées par des étrangers. Il est temps de dire stop et de couper le robinet d’eau tiède.

Les métiers en tension relèvent d’une vraie politique de l’emploi et des rému­nérations. Cela n’est en aucun cas un ­problème migratoire. Adresser ce message de régularisation est irresponsable et ­dangereux

Éric Ciotti

L’exécutif doit-il écouter Nicolas Sarkozy et d’autres personnalités LR, en assumant un virage à droite?

Je n’ajouterai pas un commentaire à des commentaires. Mais j’affirme que le «en même temps» n’a apporté rien de bon à notre pays. C’est pourquoi nous proposons d’en sortir avec une vraie politique de droite, lors de la prochaine élection présidentielle. Je ne suis pas convaincu que d’ici là se passeront des choses décisives pour notre pays. Nous avions demandé par écrit à être reçus par Emmanuel Macron sur un sujet d’urgence vitale qu’est l’immigration. Je note avec regret qu’il ne nous a pas répondu, ni accepté de nous recevoir. Je crois que le message est clair.

Renaissance doit plancher sur l’idée d’un rapprochement avec la droite le 21 juin. Que leur dites-vous?

Cette démarche est assez ridicule, aussi bien sur la forme que sur le fond. Moi, je veux m’adresser à ceux qui nous ont quittés. Emmanuel Macron ne sera plus candidat en 2027. Ses électeurs vont être à la recherche d’un nouveau leader. Nous n’arriverons pas à les convaincre par le biais de petites combinaisons. J’ai bien lu les propositions d’Édouard Philippe sur l’immigration, qui propose de faire l’inverse de ce qu’il a fait à Matignon. Je l’ai entendu parler de l’aide médicale d’État (AME)… De notre côté, nous débattions d’une résolution des Républicains, portée par Véronique Louwagie, proposant de supprimer les dérives insupportables de cette AME qui coûte 2 milliards d’euros. Non sans surprise, j’ai constaté que les députés Horizons s’étaient opposés à cette résolution. Nous aurons ce même débat avec notre résolution sur la suppression des accords de 1968 avec l’Algérie. Notre résolution a été déposée cette semaine à l’Assemblée nationale et au Sénat pour dénoncer ces accords, alors que l’Algérie multiplie les provocations vis-à-vis de la France. Quand certains parlent, d’autres agissent.

François Bayrou s’oppose à tout virage à droite de l’exécutif. Y voyez-vous une menace adressée à Emmanuel Macron?

Moi, je suis dans l’opposition et pas dans la majorité. J’observe avec amusement la compétition qui s’ouvre dans la majorité pour l’après-Macron. Elle ne nous concerne pas.

Élisabeth Borne a souligné dans Le Figaro votre absence de signaux en faveur d’une coalition. Que lui répondez-vous?

D’éviter de donner des leçons à une droite qui assume ses responsabilités. Si nous n’avions pas été au rendez-vous de la cohérence et de la responsabilité, il n’y aurait pas eu de réforme des retraites. Le reste n’est que posture. Nous aurons la même position sur la dérive de nos finances publiques, sur le chaos migratoire. Libre au gouvernement de venir sur ce terrain. Nous posons les sujets au grand jour. Ils sont vitaux pour sortir la France de l’urgence absolue dans laquelle elle se trouve. Pour parler à la droite, il ne suffit pas d’aller dans les colonnes du Figaro , même si cela est une bonne chose. Il faut surtout avoir le courage d’appliquer une politique utile pour le pays.

La première ministre évoque des adaptations possibles sur l’une de vos lignes rouges, la régularisation des étrangers pour les métiers en tension…

Il n’y a pas d’adaptation ou d’accommodement possibles, juste la suppression de cette mesure qui est l’inverse de ce qu’il faut faire. Notre politique migratoire est la plus généreuse d’Europe. Il faut adresser un message à ceux qui veulent venir en France: ce n’est pas dans notre pays qu’ils trouveront l’eldorado le plus favorable. Arrêtons avec ces appels d’air. Près de 5 millions de Français sont inscrits à Pôle emploi. Travaillons d’arrache-pied pour les orienter vers ces métiers en tension plutôt que d’imaginer une main-d’œuvre bon marché d’origine irrégulière.

Mais que dites-vous aux entreprises concernées qui sont en attente de solutions urgentes?

Que les métiers en tension relèvent d’une vraie politique de l’emploi et des rémunérations. Cela n’est en aucun cas un problème migratoire. Adresser ce message de régularisation est irresponsable et dangereux.