Entretien
Pour l’ex-ministre du Budget de Jacques Chirac, la France paie aujourd’hui les «ravages» de la « politique du chèque » d’Emmanuel Macron.
Le Figaro - 29 octobre 2024 - Par Emmanuel Galiero et Claire Conruyt
LE FIGARO. - Pourquoi avez-vous décidé de prendre la parole en plein examen du texte budgétaire à l’Assemblée ?
JEAN-FRANÇOIS COPÉ. - Comme beaucoup de responsables politiques de ma génération, je suis très préoccupé par la folie qui s’est emparée de l’Assemblée. Depuis le début de ce triste mois d’octobre, les ménages et les entreprises sont à l’arrêt : il n’y a plus d’investissements, plus de consommation, plus d’embauches. Il faut tirer la sonnette d’alarme. Cette malheureuse dissolution a ouvert un boulevard à 319 députés extrémistes irresponsables qui s’adonnent à un délire fiscal sans aucune baisse des dépenses.
De l’autre côté, il y a une coalition gouvernementale fragile, qui, au lieu de faire bloc, s’autodétruit à force de règlements de comptes. Après la crise politique, il y a désormais le risque d’une crise financière majeure pouvant engendrer une crise sociale et, in fine, institutionnelle. Tout cela parce que, au sein de cette coalition, les chefs de file des différentes écuries présidentielles sont obsédés par l’échéance de 2027 ! Là où ils devraient être totalement soudés autour du projet budgétaire de Michel Barnier, ils sont dispersés, amers. Beaucoup de Français s’interrogent : quand ce cauchemar s’arrêtera-t-il ?
À propos du dérapage budgétaire, l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire a eu cette phrase elliptique : « La vérité apparaîtra plus tard. » Qui est responsable ?
Tout le monde savait que les propositions d’économies du ministre des Finances étaient systématiquement désavouées par le chef de l’État. La « politique du chèque » a fait des ravages.
Quel regard portez-vous sur les premiers pas de la droite au gouvernement ?
Dans ce capharnaüm, je trouve les ministres de droite solides et courageux dans leurs fonctions. Cela apparaît comme l’un des rares éléments de stabilité.
Auriez-vous voulu y prendre part ?
Je n’ai pas été sollicité par Michel Barnier !
Faut-il une nouvelle loi immigration ?
Évidemment. Le projet de loi initial présenté par le gouvernement comprenait des dispositions indispensables. Pour des raisons qui tiennent à des irrégularités de procédure, le Conseil constitutionnel a légitimement annulé ces dispositions. Il faut donc les refaire adopter. Je pense au délit de séjour irrégulier, à la prolongation de la durée de rétention, à la réforme de l’AME. Tout ce qui renforce l’efficacité de notre politique migratoire doit être fait. Je le vois à Meaux : le drame de ces migrants qui errent sans solution, confrontés à la misère et à la violence. Cela ne peut plus durer. C’est un échec terrible.
Qu’en est-il de l’avenir du macronisme ?
Le macronisme, c’est terminé. Emmanuel Macron doit être lucide, même si un jour l’Histoire reconnaîtra le succès de sa politique d’attractivité économique. Le sujet, désormais, est : comment faire réussir Michel Barnier au nom de l’intérêt supérieur de la nation ? Il n’y a pas de salut pour un candidat qui a des ambitions élyséennes, quel qu’il soit, sans qu’il montre aux Français sa volonté totale de soutien au premier ministre. Car il n’y a aucune alternative : si un malheur arrive à ce gouvernement, le pays sera instantanément plongé dans le chaos.
Observons comment Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont alliés pour voter les horreurs fiscales auxquelles nous assistons, et qui visent toutes à pointer le bouc émissaire des riches et des patrons. Notre devoir est de soutenir Michel Barnier, à chaque minute. Ce qui nous unit doit être plus important que ce qui nous divise : un attachement commun à la réduction du déficit, à l’attractivité économique de la France et la sécurité. On ne peut pas continuer d’expliquer que nous sommes dans la haine des uns et des autres alors que le camp présidentiel a accepté que douze ministres et un premier ministre soient issus de LR !
Dans ce contexte, quel avenir pour Les Républicains ?
Il faut procéder par étapes. D’abord, voter le budget le plus proche possible de la copie initiale de Michel Barnier. Ensuite, il faut consacrer 2025 au retour à l’ordre, comme le demandent une écrasante majorité de Français sondage après sondage. L’ordre dans les comptes, à l’école, dans la rue et aux frontières. Enfin, il faut reconstruire l’avenir pour se préparer à toute éventualité. Cela veut dire rompre avec le péché à l’origine de tous nos malheurs : le « en même temps » qui a vu se succéder des gouvernements au centre et à l’eau tiède. Il faut réunir tous les hommes et femmes de bonne volonté, qu’ils soient attalistes, philippistes, républicains, à droite ou au centre droit, et leur rappeler qu’il fut un temps où nous travaillions ensemble.
Les haines d’hier entre LR et macronistes doivent cesser. Il faut se mettre autour de la table et imaginer les contours d’un intergroupe, lequel doit préfigurer un projet commun de droite, autour de l’ordre et du progrès. L’émergence d’un leadership viendra naturellement après et s’imposera. Il faut d’abord tracer une perspective et créer les conditions d’une dynamique positive entre LR et les macronistes de droite. Je le dis depuis longtemps et ceux qui m’ont expliqué que j’avais tort sont les mêmes qui se sont roulés par terre pour entrer au gouvernement il y a un mois.
Votre parti doit lui aussi se reconstruire. Qui pour reprendre le flambeau ? Laurent Wauquiez ?
Laurent Wauquiez fait du mieux qu’il peut. Malheureusement, LR, ce n’est pas l’UMP. Le parti que je présidais en 2014, c’était 400 000 militants et sympathisants, 69 % des villes de plus de 9 000 habitants et des centaines de parlementaires. Il faut désormais agréger les talents de tout le monde, car LR n’y arrivera pas seul.
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