Le président de l’Union des droites pour la République (UDR), Éric Ciotti. François BOUCHON/Le Figaro

Entretien

Le président de l’UDR, et allié de Marine Le Pen, dénonce un « texte de gauche » porté par le premier ministre et ses « complices », dont Laurent Wauquiez, « qui n’a qu’un seul objectif : détruire Bruno Retailleau ».

Le Figaro - 10 décembre 2025 - Par Claire Conruyt et Emmanuel Galiero

 

Le président de l’UDR, et allié de Marine Le Pen, dénonce un « texte de gauche » porté par le premier ministre et ses « complices », dont Laurent Wauquiez, « qui n’a qu’un seul objectif : détruire Bruno Retailleau ».

LE FIGARO. - L’adoption du budget de la Sécu ouvre-t-elle la voie au vote du budget de l’État ?

ÉRIC CIOTTI. - Ce budget est passé car Sébastien Lecornu a tout cédé au PS. C’est un texte de gauche qui aggrave une situation budgétaire générale déjà intenable, un véritable « quoi qu’il en coûte » politicien : impôts, dépenses supplémentaires, absence de courage, suspension de la réforme des retraites… La France est désormais dans le viseur des marchés et, à chaque seconde, à la merci d’une crise financière qui peut détruire tout notre édifice. En préférant durer plutôt que servir l’intérêt général, le premier ministre restera un dynamiteur de la nation.

Ce vote ne garantit-il pas une forme de stabilité jusqu’aux prochains grands rendez-vous électoraux ?

Les calculs politiciens ne peuvent tenir lieu de politique à long terme. Je me bats pour redresser le pays, pour servir le bien commun, pour défendre une France forte et fière. La seule stratégie de M. Lecornu et ses complices, parmi lesquels je mets au premier rang Laurent Wauquiez, c’est de durer pour se protéger du jugement à venir des électeurs, qui sera forcément très sévère. Les Français ne veulent plus de ces responsables politiques prêts à brader leurs convictions pour quelques mois de répit dans leur maroquin ministériel.

"Laurent Wauquiez ne suit qu’un seul objectif : détruire Bruno Retailleau"

Éric Ciotti, président de l’UDR

Les députés LR ont adopté une stratégie inverse aux députés de votre groupe et du RN, au nom de l’esprit de responsabilité, argue Laurent Wauquiez. Que répondez-vous ?

Je ne comprends absolument plus la position de Laurent Wauquiez et de ses amis, si ce n’est en l’expliquant par un cynisme politicien qui est indigne de la famille politique à laquelle nous avons appartenu. Surtout quand je vois Bruno Retailleau qui, lui, en quittant le gouvernement et, en portant un jugement pertinent sur ce budget, exprime une forme de cohérence. Le président des Républicains parle de « hold-up » et de « folie fiscale », jugeant donc impossible de voter ce budget. Je ne vois pas pourquoi les députés LR ne suivraient pas la position de leur chef de parti ! Mais je vois bien que Laurent Wauquiez ne suit qu’un seul objectif.

Lequel ?

Détruire Bruno Retailleau, qu’il considère comme son adversaire interne. Les intérêts de la France, la situation budgétaire, le poids des impôts sur les entreprises et les Français… Tout cela n’est pas son affaire. Quand il était candidat à la présidence LR, il avait lancé une pétition contre les primaires mais il en est le premier apôtre aujourd’hui. Quand Bruno Retailleau était au gouvernement, Laurent Wauquiez militait pour qu’aucun ministre n’y entre, mais dès le que le ministre de l’Intérieur est parti, il a adopté une position inverse. Je suis heureux d’avoir quitté ce pitoyable marigot.

Quelles conséquences aura cette rivalité interne chez LR ?

Les Républicains, dans leur forme actuelle, sont condamnés à disparaître. Et M. Wauquiez a vocation à rejoindre une coalition « socialo-macroniste ». Quant à M. Retailleau, je l’appelle à rejoindre la coalition que nous formons avec le RN. Il est un homme de convictions. Il s’est perdu au gouvernement mais a eu une forme de courage en sortant et n’a plus rien à faire avec les complices du PS.

"Les digues ont cédé. Les tabous d’hier s’effondrent face à la réalité. Car quel est le bilan réel du prétendu « front républicain » ? Un désastre absolu"

Éric Ciotti, président de l’UDR

Mais il vous a déjà répondu non en prônant le rassemblement par la base…

C’est ce que l’on dit chez LR depuis des décennies. Cela ne marche pas. Bien sûr, les électeurs veulent le rassemblement, mais il n’y a plus d’électeurs chez LR, seulement des leaders qui se détestent et convoitent des postes.

Laurent Wauquiez milite pour une primaire des droites, de Gérald Darmanin à Sarah Knafo. Qu’en pensez-vous ?

C’est un marché de dupes. Laurent Wauquiez propose une primaire sans Édouard Philippe, mais avec Reconquête et ses 0,7 % des voix lors des dernières élections législatives. De plus, l’exercice manque de réalisme politique car personne ne peut sérieusement imaginer Éric Zemmour se désister pour soutenir Édouard Philippe, ou inversement. Cette primaire n’est donc absolument pas sérieuse. Tout ceci est grotesque et insincère : c’est de la tactique politicienne pour gêner Bruno Retailleau.

Comment comprenez-vous la position de Nicolas Sarkozy prenant ses distances avec le « front républicain » ?

Les digues ont cédé. Le temps des leçons de morale est révolu. Les tabous d’hier s’effondrent face à la réalité. Car quel est le bilan réel du prétendu « front républicain » ? Un désastre absolu : 400 milliards de dette supplémentaire, un déficit abyssal, une submersion migratoire de 500 000 clandestins par an et un chef de l’État devenu la risée du monde entier. L’histoire jugera cette occasion manquée : si les chapeaux à plumes de LR m’avaient suivi à l’été 2024, nous aurions aujourd’hui cent députés LR et nous serions à la tâche, au sein d’un gouvernement dirigé par Jordan Bardella. Ceux qui ont saboté cette union portent une responsabilité écrasante : ils sont les véritables fossoyeurs de notre pays.

"Je remercie Nicolas Sarkozy, qui porte une ligne qui n’est pas celle du politiquement correct"

Éric Ciotti, président de l’UDR

Mais entendez-vous les mots de Nicolas Sarkozy comme une validation de l’union des droites ?

C’est une position de bon sens, que je salue, et je remercie Nicolas Sarkozy, qui, au cœur des épreuves qu’il a subies, porte cette ligne nouvelle qui n’est pas celle du politiquement correct.

Pensez-vous que le « front républicain » puisse à nouveau avoir lieu lors des futures échéances électorales ?

Je crois au retour du clivage gauche-droite. La droite sera représentée par la coalition que nous formons avec le Rassemblement national et la gauche va sans doute reconstituer le Nouveau Front populaire. Au milieu, il n’existera plus rien.

"Christian Estrosi est l’homme de toutes les étiquettes et de toutes les trahisons"

Éric Ciotti, président de l’UDR

Mercredi, Delphine Ernotte  était auditionnée dans le cadre de votre commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public. Qu’en attendiez-vous ?

Le service public doit être exemplaire sans subir d’influences idéologiques. L’affaire Legrand-Cohen a démontré tout le contraire. Nous attendons de Mme Ernotte des réponses précises sur les dérives aussi bien sur le plan de la neutralité du service public que d’une forme de gabegie financière que les auditions ont déjà démontrée, notamment celle de la Cour des comptes, qui était édifiante. Il apparaît d’ores et déjà qu’entre le niveau de la rémunération de certains dirigeants et la politisation des propos, il y a de quoi être choqué.

Vous êtes candidat aux municipales de Nice. Le maire sortant, Christian Estrosi, pourrait être investi par LR. Vous sentez-vous menacé ?

Non. Christian Estrosi est l’homme de toutes les étiquettes et de toutes les trahisons. En cinquante ans, cette girouette politique aura changé dix fois de direction, jusqu’à trahir François Fillon en 2017 pour se rallier au macronisme. Huit années de « courtisaneries », moquées par Éric Dupond-Moretti, qu’il tente aujourd’hui de faire oublier.

Peu importe son prochain masque : les électeurs de la droite niçoise ne sont pas dupes et sont massivement derrière moi. Ils savent que Christian Estrosi laisse une ville avec plus d’impôts, plus d’insécurité, plus de dettes. Face à ce déclin, je conduirai une liste de rassemblement pour rendre leur argent aux Niçois en annulant la hausse confiscatoire de 25 % de la taxe foncière. Mais l’urgence est aussi vitale : Nice s’enfonce dans la violence. Depuis début 2025, nous déplorons plus de 90 attaques à l’arme blanche ou à feu et 7 morts. L’ultraviolence gagne du terrain et le maire a été impuissant pour obtenir de l’État les moyens pour l’endiguer.