L'ex ministre des Forces armées Sébastien Lecornu aux côtés du président Emmanuel Macron lors de leur visite à la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur de l'Armée de l'air, le 18 mars 2025. (Photo Ludovic MARIN / POOL / AFP)

Politique

À priori, il a tout contre lui : à droite et fidèle du président, quand la France et les oppositions réclament le changement. Paradoxalement, il est bien placé pour convaincre le président de changer de politique.

LeJournal.info - 11 septembre 2025 - Par Sylvie Pierre-Brossolette

Il a grandi dans l’ombre du patron, jamais un mot plus haut que l’autre, présent au gouvernement depuis le début du premier quinquennat, discret serviteur de la cause et de la personne présidentielles. Issu de la droite, il a fait les campagnes de Bruno Le Maire et François Fillon, et il a des contacts détendus avec les dirigeants du Rassemblement national. Et c’est cet homme-là qu’Emmanuel Macron choisit pour répondre à l’attente de changement du pays ? A première vue, c’est au minimum un paradoxe, voire une provocation…

Mais Sébastien Lecornu, s’il est en effet un soutien inconditionnel du chef de l’Etat, n’est pas fait de la même pâte. Il est même l’exact opposé de la personnalité présidentielle. Il aime l’ombre et la modération, la modestie et le compromis, la France d’en bas, davantage que celle d’en haut, convaincre plus qu’imposer, partager plus que parader. C’est ainsi qu’il a fait son chemin, émaillé de succès – le vote consensuel de ses lois de programmation militaires – et d’échecs cuisants – son département de l’Eure ne compte plus un seul député du socle commun : tous RN sauf un, le socialiste Philippe Brun.

Au moins le sent-il, le terrain, et tire les leçons de ses messages, même quand ils sont désagréables. Catastrophé par la dissolution – « Le Liban sans le soleil » – il se prépare, depuis cette funeste initiative, à se voir confier Matignon. Conscient, comme il l’a dit, qu’il fallait pratiquer des « ruptures », non seulement « de méthode mais sur le fond ». Il n’a sûrement pas prononcé ces mots sans le feu vert de l’hôte de l’Élysée.

Ce que ni Michel Barnier ni François Bayrou n’ont obtenu d’Emmanuel Macron, ce jeune grognard, parce qu’il ne prétend pas défier le président, peut en bénéficier : le feu vert pour négocier sur les tabous macronistes, du moment que tout le monde sauve la face et que l’économie n’en pâtisse pas trop. Lecornu est missionné pour être « créatif ». Il faudra sans doute qu’Emmanuel Macron avale des couleuvres, mais c’est moins désagréable quand la potion est administrée avec doigté par un proche…

Rien n’est gagné pour Sébastien Lecornu. Car la souplesse présidentielle a des limites et les exigences des oppositions montent chaque jour un peu plus. La plupart des interlocuteurs du nouveau premier ministre pensent davantage aux échéances électorales qu’au bien collectif. Au moins « Seb », comme l’appellent ses amis, n’est-il pas lui-même animé par une ambition élyséenne. Échappera-t-il à ce mot de Georges Pompidou qui affirmait « la minute où on monte les marches de Matignon on pense à celles de l’Elysée » ?

Deux de ses complices avec qui il a quitté LR pour Macron en 2017, Édouard Philippe et Gérald Darmanin n’ont plus que cet objectif en tête. Lorsqu’ils partageaient des agapes au restaurant ibérique « Bellotta-Bellota » il y a dix ans, ils étaient loin d’imaginer que deux d’entre eux seraient aujourd’hui en course pour le poste suprême. Le troisième va-t-il prendre le même chemin ? Il faudrait d’abord qu’il ne se brûle pas les ailes à Matignon. Le « jamais deux sans trois » peut, aussi, s’appliquer à la troisième chute d’un premier ministre…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse